La législature post–quatrième mandat du Président Alassane Ouattara s’annonce comme l’une des plus stratégiques de la vie politique ivoirienne. Elle concentre des enjeux de gouvernance, d’assainissement démocratique et de rupture générationnelle, alimentés par l’irruption d’une nouvelle vague d’acteurs — jeunes, engagés et ambitieux — déterminés à bousculer les codes classiques du jeu politique.
Parmi ces figures émergentes, deux journalistes devenus acteurs politiques de premier plan incarnent ce souffle réformateur : Tiémoko Antoine Assalé et André Sylver Konan. Tous deux, par leurs plumes, leurs enquêtes et leurs positions publiques, ont façonné l’opinion avant de décider d’y prendre part directement. Ils s’apprêtent désormais à affronter de véritables “gros morceaux” dans leurs bastions respectifs, face aux machines bien huilées du RHDP et du PDCI-RDA.
À Bocanda : André Sylver Konan, la plume face à la tradition
À Bocanda, dans le N’Zi, André Sylver Konan (ASK), journaliste d’investigation et fondateur d’Afrik’SoiR, veut convertir ses engagements médiatiques en action politique concrète. Son slogan — « Bocanda, c’est chez nous » — traduit sa volonté de ressusciter une citoyenneté locale confisquée par des logiques partisanes anciennes.
Face à lui, un adversaire solide : Athanase Koffi Kouamé, notaire de profession et député sortant. Candidat du PDCI-RDA, il représente le parti d’opposition historique dans cette région traditionnellement acquise au vieux parti, non loin de Daoukro, le village natal du défunt Président Henri Konan Bédié. Ici, la fidélité au PDCI est presque un héritage.
Même si Konan se présente en candidat indépendant, sa proximité intellectuelle et idéologique avec le PDCI ne fait guère de doute. Il cultive toutefois une posture d’esprit libre, refusant d’être prisonnier d’un appareil partisan lourd. Son ancrage sur le terrain, ses actions communautaires et son capital médiatique lui confèrent une stature réelle d’alternative.
Mais la bataille sera rude : Bocanda demeure une citadelle symbolique du PDCI-RDA, toujours marqué par les départs massifs de cadres accusés d’avoir “rejoint le restaurant”, surnom populaire donné au RHDP. André Sylver Konan devra donc naviguer entre tradition, résistance locale et aspiration au renouveau.
À Tiassalé : Assalé Tiémoko, l’indomptable face à la machine du pouvoir
À Tiassalé, une autre bataille à haute tension se prépare. Tiémoko Antoine Assalé, journaliste d’investigation, fondateur de L’Éléphant Déchaîné, s’est forgé une réputation nationale de franc-tireur politique, farouchement indépendant et allergique aux compromissions.
Maire après avoir renversé l’emprise locale du RHDP, il est l’un des rares élus à avoir résisté à la “transhumance politique”, qu’il combat par un projet de loi visant à la criminaliser. Son parcours politique est marqué par des luttes frontales, des victoires contestées, puis confirmées, notamment après une élection partielle tendue.
Le 27 décembre, il affrontera Dramane Alpha Sanogo, surnommé “L’Exemplarité”, Directeur de cabinet du Ministre de la Santé Pierre Dimba. Le RHDP veut reprendre Tiassalé, une ville devenue symbole de dissidence interne et de résistance administrative.
Le parti présidentiel multiplie les descentes sur le terrain, valorise les actions gouvernementales et déroule un argumentaire de proximité. Assalé, lui, dénonce pressions administratives, manœuvres préfectorales et tentatives répétées d’affaiblissement.
Tiassalé, terre du légendaire Laurent Pokou, se prépare ainsi à une épreuve de force électorale qui ressemble déjà à un règlement de comptes politique.
Deux journalistes, un même combat
Assalé et Konan portent un même idéal : réconcilier politique et morale, restituer la parole au peuple et promouvoir une gouvernance fondée sur la transparence, la justice et la proximité. Leur engagement dépasse la conquête d’un simple siège parlementaire : il symbolise l’affrontement de deux générations.
D’un côté, des appareils partisans enfermés dans leurs logiques clientélistes et fidélités héritées.
De l’autre, une génération nouvelle, armée de savoir, d’intégrité et d’un désir profond de réforme.
Les deux hommes marchent sur une ligne étroite, conscients des résistances qu’ils affrontent. Mais leur conviction reste intacte : le changement ne s’impose pas, il s’incarne.
Les législatives à Tiassalé et Bocanda seront donc bien plus que de simples duels locaux. Elles seront le miroir d’une Côte d’Ivoire en quête d’équilibre entre tradition et modernité, entre fidélité partisane et conscience citoyenne. Si la victoire sourit à ces “éveilleurs de conscience”, alors un nouveau vent d’éthique politique pourrait commencer à souffler sur l’Assemblée nationale.






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