Mode ivoirienne : entre créativité locale et influence internationale (Chronique)

Par Fleur Kouadio

Depuis quelques années, la mode ivoirienne connaît un véritable renouveau. Dans un pays où l’élégance est presque une seconde nature, de jeunes créateurs font émerger une industrie en pleine structuration, entre héritage culturel et ouverture sur le monde. Abidjan, vitrine de cette effervescence, s’impose peu à peu comme l’un des nouveaux pôles de la mode africaine.

À la tête de ce mouvement, certains noms sont devenus incontournables. Loza Maléombho, formée entre Abidjan et New York, incarne cette génération de stylistes qui allient modernité et racines africaines. Ses créations audacieuses, mêlant coupes contemporaines et tissus traditionnels, lui ont valu une reconnaissance internationale. Ses modèles ont été portés par des stars planétaires, signe d’une mode ivoirienne renommée.

Autre figure emblématique, Gilles Touré, pilier de la haute couture locale, continue de défendre une vision élégante et raffinée du vêtement africain. Ses pièces sur mesure, travaillées avec soin, perpétuent une tradition d’excellence artisanale. Pathé O, pionnier du stylisme africain installé à Abidjan, reste quant à lui l’un des symboles de la valorisation du pagne tissé, devenu sous son impulsion un marqueur d’identité culturelle.

Cette relève artistique s’exprime aussi à travers des talents émergents. Lafalaise Dion, connue pour ses bijoux en cauris, a conquis les podiums internationaux tout en gardant un fort ancrage symbolique. Dans un autre registre, Ibrahim Fernandez et Zak Koné (Pelebe) portent haut le flambeau du street-wear abidjanais, un style qui reflète l’énergie et la créativité de la jeunesse ivoirienne. Leurs marques, influencées par la culture urbaine, la musique et les réseaux sociaux, traduisent un désir d’appropriation culturelle et d’expression identitaire.

Cette diversité illustre la vitalité d’un secteur en pleine transformation. Le street-wear, avec ses codes audacieux, s’affirme comme un terrain d’expérimentation artistique autant qu’un moteur économique. En parallèle, la mode de luxe poursuit sa structuration à travers des événements comme l’Abidjan Fashion Week, devenue une vitrine pour les créateurs venus de toute l’Afrique de l’Ouest.

Derrière cette effervescence se dessine une ambition claire : faire du « Made in Côte d’Ivoire » un label reconnu. L’objectif est de valoriser la production locale, du coton au vêtement fini, tout en offrant des débouchés économiques à une jeunesse passionnée par la création. Les acteurs du secteur plaident pour une meilleure organisation de la filière textile et pour un soutien institutionnel à la hauteur du potentiel existant.

Le rayonnement de la mode ivoirienne dépasse aujourd’hui les frontières du pays. En Afrique, Abidjan attire de plus en plus de stylistes et d’investisseurs intéressés par son dynamisme. En Europe et aux États-Unis, des créateurs ivoiriens participent à des défilés internationaux, confirmant la montée en puissance d’un savoir-faire africain qui s’assume et s’exporte.

Cette réussite symbolise la capacité de la Côte d’Ivoire à conjuguer tradition et modernité. La mode, au-delà de son aspect esthétique, devient un levier culturel et économique, un moyen de raconter autrement l’histoire du pays.

Mais pour transformer cet élan en véritable industrie, il faudra franchir une étape décisive : renforcer la production locale, structurer les ateliers, et former les artisans aux standards internationaux. C’est à ce prix que la mode ivoirienne pourra passer du statut de phénomène créatif à celui de secteur économique durable et reconnu.

F. Kouadio

Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info

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