Côte d’Ivoire: Le parc de la Comoé rêve du retour des touristes

Après le saccage et la guerre, le parc renaît lentement

Reportage – Nord-Est de la Côte d’Ivoire

« L’animal le plus dangereux ici, c’est l’homme », lance d’emblée le chef de patrouille en scrutant l’horizon brûlé du soleil. Kalachnikov en bandoulière, lui et ses hommes traquent braconniers, orpailleurs et éleveurs clandestins dans l’immensité du parc national de la Comoé, l’un des plus vastes d’Afrique de l’Ouest.

Abandonné et saccagé pendant la décennie de crise politico-militaire (2002–2011), ce joyau écologique du nord-est ivoirien, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1983, retrouve aujourd’hui un second souffle. Mais la menace humaine, elle, n’a pas disparu.

Une faune qui renaît sous surveillance

Sous un soleil de plomb, les patrouilles sillonnent les pistes ocre. Des troupeaux d’antilopes bondissent entre les arbres, des babouins hurlent depuis les termitières, des phacochères fouillent la terre.
« Depuis que nous avons intensifié nos efforts en 2016, les animaux ne fuient plus systématiquement. C’est le signe qu’ils se sentent de nouveau en sécurité », explique le lieutenant Daouda Bamba, de l’Office ivoirien des parcs et réserves (OIPR).

Avec 1,14 million d’hectares traversés par le fleuve Comoé, cette savane arborée, grande comme un tiers de la Belgique, abrite aujourd’hui trois troupeaux d’éléphants (environ 200 individus), des buffles, des hyènes, des caracals et des milliers d’antilopes. Les chimpanzés sont revenus, même si lions et lycaons ont disparu.

Du chaos à la reconstruction

Durant la rébellion de 2002, le parc était tombé dans une zone hors contrôle. Braconnage, orpaillage et déforestation l’ont presque détruit. « Ce fut un massacre », se souvient Raynald Gilon, ancien garde belge et figure légendaire du parc.
L’Unesco l’avait d’ailleurs inscrit sur la liste du patrimoine en péril en 2003.

Depuis 2011, l’État a engagé une vaste opération de réhabilitation : formation des agents, unités anti-braconnage, matériel de surveillance, drones, véhicules tout-terrain… Ces efforts ont porté leurs fruits : en 2017, la Comoé a été retirée de la liste rouge de l’Unesco — une première pour un parc africain.

### Un renouveau fragile

Pour autant, la quiétude reste précaire. L’orpaillage clandestin demeure la principale menace, même s’il est « contenu », selon le commandant Henri Tra Bi Zah. En 2024, 125 personnes ont été arrêtées, dont 105 orpailleurs et 18 braconniers.
À la frontière du Burkina Faso, où sévissent des groupes armés, la sécurité reste un enjeu majeur. Aucun jihadiste n’a été repéré, mais la prudence est de mise : le département du Bounkani est classé « rouge » par les chancelleries occidentales.

Le rêve du retour des touristes

Autrefois, des milliers d’Européens venaient admirer éléphants et hippopotames. Aujourd’hui, le vieux « Kafolo Safari Lodge » a perdu ses lustres. Seuls quelques ONG et ingénieurs du BTP y séjournent.
Mais l’OIPR espère relancer le tourisme écologique et faire du parc un moteur du développement local.
« Le renouveau est fragile, mais porteur d’espoir », confie le député local Abdoulaye Karim Diomandé.
Entre savane et fleuve, la Comoé renaît lentement, témoin d’une Côte d’Ivoire qui tente elle aussi de réparer ses blessures.

Avec TV5

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