Est-il plus dur d’être député en Côte d’Ivoire que président de la République ?

Est-il plus dur d’être député en Côte d’Ivoire que président de la République ?

Le communiqué récent du PDCI-RDA, signé du Secrétaire exécutif chargé des élections, Honorable Jean-Chrysostome Blessy, invitant les militants à faire acte de candidature pour les législatives du 27 décembre 2025, ravive un débat institutionnel ancien mais souvent passé sous silence : les conditions d’éligibilité pour être député sont-elles plus strictes que celles pour être président de la République ?

Une anomalie juridique héritée du passé

Comme je l’ai souvent rappelé, les conditions pour être député demeurent plus rigides que celles pour être président de la République.
Le paradoxe s’explique par le fait que les Accords de Marcoussis (2003), qui avaient profondément modifié la Constitution en matière d’éligibilité présidentielle, n’ont pas abordé la question du statut des députés.

Ainsi, alors que la Constitution a supprimé certaines exigences pour la présidence — notamment l’obligation de résidence —, le Code électoral maintient ces restrictions pour les législatives. Une situation d’autant plus incohérente que, selon la logique institutionnelle, un député peut être appelé à assurer l’intérim présidentiel en cas de vacance du pouvoir.

La question de la nationalité et des précédents juridiques

Le Code électoral contient également une clause exigeant de n’avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne. Une exigence qui rappelle les débats liés à l’article 48 du Code de la nationalité, notamment dans l’affaire Richard Tioté qui s’était vu refuser une candidature pour des raisons similaires.

Pendant ce temps, pour être président, la loi stipule simplement ne s’être jamais prévalu d’une autre nationalité, une nuance linguistique mais aux implications juridiques majeures :

  • « Renoncer » renvoie à un acte officiel,

  • Tandis que « se prévaloir » peut être une simple déclaration, même erronée.

PDCI-RDA et RHDP : des convergences inattendues

Le communiqué du PDCI-RDA révèle aussi une convergence réglementaire avec le RHDP, notamment sur :

  • La caution fixée à 500 000 F CFA pour les candidats ;

  • L’exigence de résidence de cinq ans sur le territoire national ;

  • L’engagement écrit à ne pas se présenter en candidat indépendant en cas de non-investiture.

Ces conditions strictes rappellent que les deux formations historiques, malgré leurs divergences politiques, partagent une conception très encadrée de la représentation parlementaire.

Moralisation de la vie politique : une proposition de réforme

L’engagement sur l’honneur à ne pas se présenter en indépendant mérite réflexion.

Chaque parti exige de ses militants un tel serment, mais cette clause est rarement respectée, ce qui affaiblit la crédibilité morale des partis.

Je propose que cette disposition soit inscrite dans le Code électoral, afin de renforcer la moralisation de la vie publique et de restaurer la confiance citoyenne en la politique.

Car il faut le rappeler :

Être militant d’un parti n’est pas une obligation légale. On peut être élu président, député, maire ou président de région sans appartenir à un parti politique.

Cependant, lorsqu’on choisit volontairement d’adhérer à un parti, de solliciter une investiture et de s’engager par écrit à en respecter les décisions, il est moralement indécent de renier ensuite cet engagement au nom d’ambitions personnelles.

Pour une meilleure régulation des candidatures indépendantes

Dans le même esprit, il serait utile d’imposer, pour toutes les élections, une période minimale de non-affiliation avant de se déclarer candidat indépendant.
Ainsi, tout citoyen désireux de concourir en dehors d’un parti devrait n’avoir appartenu à aucun parti politique depuis au moins trois mois avant la date limite de dépôt des candidatures.

Cela éviterait les défections de dernière minute, sources de confusion et de méfiance électorale.


En définitive, l’exigence morale et juridique semble aujourd’hui plus forte pour les députés que pour le président de la République lui-même.
C’est là une anomalie institutionnelle qu’il conviendrait de corriger, si l’on veut réellement harmoniser les conditions d’éligibilité et renforcer la cohérence démocratique en Côte d’Ivoire.


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