Ma réaction au dernier communiqué de la Conférence des évêques catholiques de Côte-d’Ivoire

Chers évêques et archevêques,

J’ai lu avec attention votre communiqué daté du 24 octobre 2025 et intitulé « Appel à l’apaisement et à la prière ».

Je vous sais gré d’avoir de la compassion pour les blessés, prisonniers et familles ayant perdu quelqu’un dans cette légitime protestation contre le quatrième mandat anticonstitutionnel d’Alassane Ouattara.

Vous écrivez: « Nous n’avons cessé de vous rejoindre pour vous inviter à la paix, au respect du droit et de la vie humaine ». Vous auriez pu écrire aussi que la paix est le fruit de la justice et de la vérité, cette vérité dont Jésus affirmait qu’elle rend libre (Jn 8, 32). Or, à mon humble avis, ce qui vous manque, et on le voit dans toutes vos dernières interventions, c’est ce que les Japonais Ichiro Kishima et Fumitake Koga appellent « le courage de ne pas être aimé » car, dans notre monde où beaucoup aiment les basses flatteries, quiconque ose dire la vérité s’expose automatiquement à être détesté, lynché et combattu. La vérité qu’il aurait fallu dire, c’est que notre Constitution interdit plus de deux mandats à la tête de l’État, quelles que soient l’intelligence et la compétence de celui qui a occupé le fauteuil présidentiel. Cette vérité, l’épiscopat burkinabè l’a dite lors de sa seconde Assemblée plénière à Fada N’Gourma (15-21 février 2010) en disant non à Blaise Compaoré qui voulait modifier l’article 37 de la Constitution pour s’éterniser au pouvoir.

Cette vérité, les prélats de la République démocratique du Congo l’ont dite en demandant, le 26 novembre 2017, à Joseph Kabila de ne pas briguer un troisième mandat. Le 2 janvier 2018, le cardinal Laurent Monsengwo renchérissait en ces termes: « Il est temps que les médiocres dégagent et que règnent la paix et la justice en RDC. » Au lieu de vous opposer clairement et publiquement à la seconde violation de notre Constitution par Ouattara, vous vous êtes bornés à réclamer « une élection juste, transparente, inclusive et apaisée » sans nous dire si le président sortant était concerné par cette élection inclusive. Au lieu d’appeler un chat un chat, au lieu de désigner et d’interpeller l’individu que le voyou Sarkozy dit avoir installé au pouvoir sans polémique (cf. Nathalie Schuck et Frédéric Gerschel, « Ça reste entre nous, hein. Deux ans de confidences de Nicolas Sarkozy », Paris, Flammarion 2014) et qui pourrit la vie à toute une nation depuis 1999, vous vous contentez de renvoyer dos à dos parti au pouvoir et opposition et de nous appeler à la prière et au jeûne. La prière et le jeûne, que je ne méprise point, sont-ils incompatibles avec le fait de dire la vérité? Non.

« Le feu est allumé, le brasier est fumant », écrivez- vous encore et vous posez la question suivante: « Jusqu’à quand cela va-t-il durer? » Les miennes sont celles-ci: jusqu’à quand allez- vous vous comporter comme Ponce Pilate? Jusqu’à quand allez-vous ménager la chèvre et le chou? Jusqu’à quand allez- vous utiliser le langage diplomatique à l’egard du dictateur? Certains évêques, qui n’hésitaient pas à parler durement au président Laurent Gbagbo, pourquoi se taisent-ils aujourd’hui comme si tout allait bien dans le pays? Qu’ont-ils reçu de Ouattara pour qu’ils deviennent muets comme des carpes sur les dérives et abus de ce régime?

Inviter à la prière et au jeûne après avoir cautionné par le silence un régime dictatorial et coupable de violations des droits humains, c’est assurer le service minimum,chers évêques. Ça ne coûte pas cher. It’s cheap commitment (c’est un engagement bon marché).

Les patriotes ivoiriens ne désespèrent pas de voir le bout du tunnel. Ils croient que leur calvaire prendra fin un jour parce que « tout finit par finir » (Léandre Sahiri) mais ils ne se souviendront que de ceux qui ont été avec eux et pour eux dans les moments difficiles. Les lâches et collabos du régime, ils les traiteront comme le général de Gaulle traita les évêques et curés qui avaient soutenu le maréchal Pétain et l’occupant nazi. Après la libération de la France, Charles de Gaulle demanda et obtint la démission des évêques collabos (cf. Jacques Duquesne, « Les catholiques français sous l’occupation », Paris, Seuil, 1996).
J’espère ne vous avoir pas blessés, chers évêques et archevêques, en disant ce que je pense de votre dernier communiqué. Si c’était le cas, veuillez bien vous montrer indulgents à mon égard comme le Christ qui nous veut vrais, libres et debout.
Jean-Claude Djéréké

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