Depuis la mort tragique d’Ernest Allouan, jeune homme tué à Bonoua lors des tensions liées à la marche interdite du 11 octobre, l’émotion reste vive dans cette localité située à une cinquantaine de kilomètres d’Abidjan. Entre colère contenue et peur de parler, les habitants oscillent entre indignation et silence.
Dans le quartier Begneri, là où le jeune homme a été atteint, la parole se libère difficilement. Les habitants interrogés jettent des regards autour d’eux avant de murmurer quelques mots. « C’est la police. C’est eux qui sont venus avec les cargos. Après ça a tiré », confie un riverain sous couvert d’anonymat. « On a trop peur… ils peuvent revenir. Dans ce pays-là, on ne sait jamais », ajoute-t-il avant de s’éloigner.
Près du lieu du drame, un vendeur de café laisse éclater son incompréhension : « C’était un garçon tranquille. Il n’avait rien d’un casseur. On ne comprend pas pourquoi ça a dégénéré ainsi. Ce n’est pas normal », dit-il. Il poursuit, visiblement amer : « Même ici, la police nous malmène. Ils prennent nos frères, les embarquent et les tabassent sans raison. Mais qu’est-ce qu’on peut dire ? », lâche-t-il avant de tirer longuement sur sa cigarette, comme pour évacuer la tension.
Non loin de là, deux jeunes attablés autour d’un plat d’atchoukou, une spécialité locale à base de manioc, baissent immédiatement la voix à l’évocation du drame. « On ne peut pas parler de ça », glisse l’un d’eux. « Pas avec les représailles de la police et même de l’État », ajoute son ami, visiblement méfiant.
D’autres, en revanche, n’hésitent pas à accuser directement les forces de sécurité. « Notre ami, Ernest Allouan, a été tué par la balle d’un gendarme. Nous irons demain à la levée du corps, puis à l’enterrement », affirme un jeune homme vêtu de rouge, disant s’opposer au “quatrième mandat” du président Alassane Ouattara. Selon lui, les heurts ont éclaté alors que les manifestants étaient déjà rentrés chez eux : « Nous avons marché toute la journée. Le soir, quand nous étions à la maison, ils ont commencé à lancer des lacrymogènes », raconte-t-il, déplorant que « l’armée prenne parti pour le pouvoir en place ».
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