Le président malgache Andry Rajoelina est sorti de son silence, lundi 13 octobre, dans un contexte de vives tensions politiques à Antananarivo. Dans une allocution diffusée en direct sur les réseaux sociaux – mais non relayée par la télévision publique –, le chef de l’État a affirmé se trouver en « lieu sûr » après avoir échappé, selon lui, à une « tentative de meurtre ».
« Il n’y a qu’une seule issue pour résoudre ces problèmes, c’est de respecter la Constitution en vigueur dans le pays », a-t-il déclaré, appelant au calme et au respect de l’ordre républicain, tout en rejetant les appels à sa démission lancés par le mouvement de contestation né le 25 septembre.
Un président en fuite après le ralliement de l’armée
Depuis le week-end, une partie de l’armée malgache a rallié les manifestants, majoritairement issus de la jeunesse urbaine, qui réclament la chute du régime Rajoelina. Ce soulèvement, né de la flambée du coût de la vie et des accusations de dérive autoritaire, s’est mué en véritable insurrection.
Des militaires armés auraient pris position autour du siège de la télévision nationale, provoquant le report à plusieurs reprises de l’allocution présidentielle. Ce n’est qu’en fin de journée que le président a pu s’exprimer via les réseaux sociaux, sans préciser sa localisation.
Selon Radio France internationale (RFI), Andry Rajoelina aurait quitté Madagascar dimanche à bord d’un avion militaire français à destination de La Réunion, avant de poursuivre vers une destination inconnue, accompagné de sa famille. Interrogé à ce sujet, le président français Emmanuel Macron, alors en visite en Égypte, a refusé de confirmer l’information, tout en exprimant sa « grande préoccupation » pour la stabilité du pays.
L’Union africaine met en garde
Dans un communiqué publié lundi, le Conseil de sécurité de l’Union africaine (UA) a « rejeté catégoriquement toute tentative de changement anticonstitutionnel du gouvernement » et exhorté « toutes les unités des forces armées malgaches à s’abstenir de toute ingérence dans les affaires politiques ».
La communauté internationale redoute une nouvelle crise majeure sur la Grande Île, seize ans après le coup d’État de 2009, qui avait déjà porté Andry Rajoelina au pouvoir et provoqué la suspension des aides internationales. Le président en fuite a d’ailleurs rappelé ce précédent, avertissant du risque de voir les financements extérieurs tarir à nouveau.
« Ni tristesse ni rancœur »
Réélu en 2023 pour un mandat de cinq ans à l’issue d’un scrutin boycotté par l’opposition, Rajoelina a affirmé qu’un « groupe de militaires et de politiciens » aurait planifié un attentat contre lui.
« J’ai été obligé de chercher un lieu sûr pour protéger ma vie », a-t-il expliqué, avant d’assurer n’éprouver « ni tristesse ni rancœur » envers ses adversaires, tout en se disant prêt à « ouvrir la porte au dialogue pour sortir de cette situation ».
Une crise sociale et générationnelle
Au-delà des enjeux politiques, Madagascar traverse une profonde crise sociale. Plus de 80 % des 32 millions d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté, avec moins de 15 000 ariary par jour (environ 2,80 euros), selon la Banque mondiale.
La dégradation du pouvoir d’achat, l’absence d’emploi pour les jeunes et la défiance envers les institutions nourrissent une colère populaire qui dépasse désormais les clivages partisans.
Pour l’heure, le pays demeure dans l’incertitude. Tandis que l’armée reste divisée, le pouvoir vacille entre survie institutionnelle et pression populaire, dans une crise dont l’issue reste encore imprévisible
Commentaires Facebook