Pourquoi Abidjan n’a pas voulu d’Aboubakar Nacanabo à la tête du Conseil des ministres de l’UEMOA

Après plusieurs mois de tensions diplomatiques, le ministre burkinabè de l’Économie et des Finances, Aboubakar Nacanabo, a finalement été désigné président du Conseil des ministres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Il succède à son homologue ivoirien Adama Coulibaly pour un mandat de deux ans, conformément à l’article 11 du traité de l’Union. Sa nomination met un terme à une crise institutionnelle sans précédent au sein de l’organisation.

Les dessous d’un bras de fer diplomatique

En apparence, cette passation devait être une simple formalité. Mais en coulisses, la Côte d’Ivoire a tenté d’en retarder, voire d’en empêcher la mise en œuvre. Officiellement, Abidjan évoquait la nécessité de préserver la « stabilité institutionnelle » de l’UEMOA dans un contexte régional marqué par des transitions militaires successives.

Mais pour de nombreux observateurs, le véritable enjeu était ailleurs. Derrière cette prudence affichée se jouait un conflit d’influence entre la Côte d’Ivoire et les régimes militaires du Sahel – Burkina Faso, Mali et Niger – désormais regroupés au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES).

Laisser un ministre d’un gouvernement issu d’un coup d’État présider une instance aussi stratégique revenait, selon Abidjan, à offrir une forme de reconnaissance politique et diplomatique à ces régimes en rupture avec la CEDEAO. Or, la Côte d’Ivoire, pilier de cette organisation régionale, se veut le principal défenseur du respect des normes démocratiques dans l’espace ouest-africain.

Les enjeux monétaires en toile de fond

Au-delà du bras de fer politique, la rivalité s’enracine dans des enjeux économiques et monétaires majeurs. Le Burkina Faso, soutenu par ses partenaires du Sahel, milite pour une réforme accélérée du franc CFA et une redéfinition des liens entre la BCEAO et le Trésor français.

À l’inverse, la Côte d’Ivoire, première économie de la zone, prône la prudence et la continuité. Selon une source diplomatique ouest-africaine citée par l’Agence Ecofin, Abidjan « craignait qu’une présidence burkinabè ne serve de tremplin à un agenda politique visant à remettre en cause les fondements du système monétaire régional, dans un contexte de rapprochement croissant des régimes du Sahel avec la Russie ».

La fin d’un blocage institutionnel

Après des mois de tractations, les États membres ont fini par s’accorder sur une solution de compromis. La nomination d’Aboubakar Nacanabo a été entérinée lors de la troisième session ordinaire du Conseil, tenue au siège de la BCEAO à Dakar.

Cette décision a permis de désamorcer une paralysie institutionnelle qui menaçait la gouvernance économique de l’Union. Pour le Burkina Faso, il s’agit d’une victoire diplomatique et d’un signal fort : Ouagadougou entend désormais jouer un rôle de premier plan dans la définition des politiques économiques régionales, malgré son isolement au sein de la CEDEAO.

Une présidence à haut risque pour l’UEMOA

La présidence Nacanabo s’annonce délicate. L’UEMOA devra trouver un équilibre entre stabilité institutionnelle et réformes structurelles, dans un environnement géopolitique en pleine recomposition.

Entre la prudence d’Abidjan et les aspirations de transformation portées par Ouagadougou, cette nouvelle séquence pourrait bien devenir un test décisif pour l’avenir de l’intégration économique ouest-africaine.

UEMOA: Le ministre burkinabè de l’Économie et des Finances, Aboubakar Nacanabo prend la présidence du Conseil des ministres

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