Des éditeurs de manuels scolaires pas du tout contents de Mariatou Koné – Des millions de Fcfa de la commission d’agrément au centre des tensions

Depuis un temps, le torchon brûle entre la ministre de l’Education nationale et de l’Alphabétisation, Dr Mariatou Koné et un groupe d’éditeurs en charge de la production des manuels scolaires et didactiques. Face à la signature de l’arrêté ministériel portant liste des ouvrages agréés pour l’année scolaire 2025/2026 qui stagne, ces éditeurs qui ont contacté Connectionivoirienne.net grognent.

Dans un précédent article, nous informions dans nos colonnes que le processus d’agrément conduit par une commission supervisée par la Direction de la pédagogie et de la formation continue, était allé à son terme comme les autres années. Seulement, en cette année 2025, le circuit est grippé par le manque d’engouement de la ministre à prendre un arrêté qui établit la liste des ouvrages agréés ou recommandés. Pr. Mariatou Koné a, entretemps pris une décision reconduisant les ouvrages agréés lors des précédentes sessions 2024/2025 soutenant qu’il fallait mettre fin à un certain désordre qui faisait arriver chaque année de nouveaux livres déstabilisant ainsi des milliers de parents d’élèves obligés de renouveler chaque fois les stocks sans possibilité d’utiliser les anciens ouvrages.

Cette décision avait provoqué un tollé chez les éditeurs notamment les moins nantis. Selon un éditeur qui a approché Connectionivoirienne.net, cette attitude de madame la ministre était contre-productive en ce qu’elle provoquait une perte de ressources investies et une mort programmée de l’industrie du livre et de la créativité intellectuelle. Du coup, cet éditeur et bien d’autres s’interrogeaient sur la destination des droits de soumission des ouvrages que la Dpfc désigne par le vocable ‘’Frais d’analyse de support’’. Ces frais s’établissent comme suit : – Œuvre littéraire (en 25 exemplaires) : 100 mille francs CFA – Manuel didactique (en 25 exemplaires) : 500 mille francs CFA.

« Quand on sait que chaque année, ce sont des centaines d’ouvrages scolaires qui sont soumis à l’agrément par les maisons d’édition, ce sont des centaines de millions de francs CFA qui sont encaissés par la Direction de la Pédagogie et de la Formation Continue (DPFC) du Ministère de l’Education Nationale et de l’Alphabétisation (MENA).  Où est passée toute cette manne financière puisque la Ministre Mariatou Koné a choisi délibérément de ne pas publier la liste des ouvrages agréés 2025-2026 ? », analyse et s’interroge notre interlocuteur et éditeur. Lequel estime que la décision de la ministre est non seulement une mesure anti-pédagogique parce que limite la création littéraire, mais aussi se souciait peu des investissements de ces entreprises ivoiriennes que sont les jeunes maisons d’édition, condamnées cruellement à la faillite. « A quelles fins est prise cette décision totalement surréaliste jamais appliquée dans notre système éducatif ? » s’indigne l’éditeur.

« Les maisons d’édition vont-elles se faire rembourser ? Va-t-on leur exiger à nouveau de payer en vue de soumettre les mêmes manuels scolaires à l’agrément en fin d’année ? En fin de compte, les éditeurs n’ont-ils pas été victimes d’une vaste escroquerie ? Que dit la Ministre face à ce scandale qui éclabousse le MENA ? », interroge un autre éditeur d’une jeune entreprise.

La commission d’agrément suspendue pour conflit d’intérêt

Contactée par Connectionivoirienne.net, Nuridine Doukouré, Directrice de la Pédagogie et de la formation continue (Dpfc) au Mena ne s’est pas fait prier pour répondre aux préoccupations ci-dessus soulevées.

« La commission d’agrément des manuels a été suspendue parce que la tutelle s’est aperçue qu’il y a conflit d’intérêts. Certains membres étant auteurs chez les éditeurs. Pour préserver l’intégrité de la commission, un nouvel arrêté est pris pour désigner de nouveaux membres. Le processus d’agrément reprendra incessamment afin d’établir la nouvelle liste. Aucun frais supplémentaire n’est attendu de qui que ce soit. Nous étions à la dernière étape du processus. Nous l’achèverons bientôt avec la publication de la nouvelle liste. Le nouvel arrêté est signé et des courriers sont en cours de signature pour la tenue prochaine de la commission et l’achèvement du processus», a coupé court Mme Doukouré.

Le pot-aux-roses découvert ?

Mais comment en est-on arrivé à déceler la présence d’éditeurs auteurs au sein de la commission d’agrément des ouvrages ? A cette question Mme Doukouré a donné cette explication qui met les membres de ladite commission face à leur responsabilité. C’est une question d’éthique à bien comprendre madame la directrice de la Dpfc.

« Les auteurs de la majorité des manuels au secondaire sont des pédagogues avec lesquels contractualisent les maisons d’édition. Jusqu’à l’année dernière, tous les manuels ne mentionnaient pas expressément les noms des auteurs. Lorsque cela a été exigé à la session passée, c’est alors que nous nous sommes rendus compte que des membres statutaires étaient auteurs auprès des maisons d’édition. Ils étaient donc juge et partie. La suspension de la commission répond juste à un souci d’objectivité et d’équité. Elle reprendra ses droits très bientôt. Nous l’avons clairement expliqué à un collectif d’éditeurs venu nous rencontrer au nom de tous », a révélé la collaboratrice de Mariatou Koné. Et Nuridine Doukouré d’émettre cette opinion faisant parler sa fibre de parent d’élève soucieux de la bonne marche de l’école dont elle détient une parcelle de responsabilité : « Nous sommes tous parents d’élèves, donc tous concernés par l’école et tout ce qui y touche. Certains, pour juste leurs intérêts mercantiles, sont prêts à tout brader ! C’est vraiment désolant ! »

Une explication qui laisse confus les éditeurs qui y voient une façon de chasser son chien accusé de rage. Pour eux, il aurait fallu établir les règles avant les travaux de la commission que de changer les règles au cours du match.

SD à Abidjan

sdebailly@yahoo.fr

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