Russie: alliée des peuples du Sud, complice de l’extrême-droite en Europe ?

Le discours russe séduit aujourd’hui une partie de l’opinion africaine. Moscou se présente comme l’alliée des peuples opprimés du Sud global, héritière de la rhétorique anti-impérialiste de l’Union soviétique. Pourtant, en Europe, ses partenaires privilégiés ne sont pas les mouvements progressistes ou anticolonialistes, mais l’extrême-droite : Donald Trump aux États-Unis, Viktor Orban en Hongrie, Marine Le Pen en France, Geert Wilders aux Pays-Bas, Giorgia Meloni en Italie ou encore l’AfD en Allemagne.

Comment comprendre ce paradoxe d’une Russie qui tend la main aux peuples du Sud tout en s’alliant aux forces politiques qui persécutent les immigrés en Europe ?

De l’URSS internationaliste à la Russie nationaliste

Sous l’Union soviétique, Moscou se présentait comme le champion des luttes de libération. L’URSS finançait les indépendances africaines, soutenait le MPLA en Angola, l’ANC en Afrique du Sud, ou encore le FLN algérien. Elle inspirait la gauche européenne par son discours anticapitaliste et anti-impérialiste.

La Russie de Vladimir Poutine a rompu avec cet héritage. Elle n’a plus d’idéologie universelle, ni de projet révolutionnaire. Son unique objectif est donc géopolitique : défendre ses intérêts nationaux, briser l’hégémonie américaine et élargir son influence.

Pourquoi Moscou soutient l’extrême-droite en Europe

Les mouvements populistes et nationalistes européens ont un point commun avec la Russie : leur hostilité à l’Union européenne et à l’OTAN. Pour Moscou, soutenir Marine Le Pen, Orban, l’AfD ou Donald Trump revient à affaiblir la cohésion occidentale.

Ce soutien prend plusieurs formes : financements occultes, relais médiatiques via Russia Today et Sputnik, appuis diplomatiques. Peu importe que ces partis soient anti-immigrés ou xénophobes : ils servent d’alliés tactiques dans la guerre d’influence contre l’Occident.

En Afrique, le masque de l’ami des peuples

À l’inverse, en Afrique, la Russie reprend la rhétorique de l’URSS : dénonciation de l’impérialisme occidental, discours sur la souveraineté et la coopération « gagnant-gagnant ». Le départ forcé des troupes françaises du Mali, suivi de l’arrivée des mercenaires russes de Wagner, a été présenté comme une victoire « anti-coloniale ».

Mais derrière le vernis idéologique, la réalité est plus dure : exploitation des ressources minières, violations graves des droits humains, soutien à des régimes autoritaires. Loin d’émanciper les peuples, Moscou remplace une dépendance par une autre.

La gauche européenne désillusionnée

Ce double jeu explique pourquoi la gauche radicale européenne, historiquement proche de l’URSS, s’est détournée de la Russie contemporaine. Pour elle, Moscou est devenue une puissance conservatrice, nationaliste et réactionnaire :

hostile aux minorités et aux droits LGBT+,

alliée des extrêmes droites,

capitaliste et oligarchique, fondée sur la rente énergétique.

Ainsi, la Russie actuelle n’a plus rien de révolutionnaire. Elle est l’alliée objective des forces les plus réactionnaires [eurocentristes] en Europe, tout en se parant, en Afrique, des habits de l’anti-colonialisme.

Conclusion : une puissance opportuniste

Le paradoxe russe n’est qu’apparent. Moscou n’est ni le défenseur sincère des opprimés, ni le garant d’une alternative au capitalisme occidental. Elle agit en puissance opportuniste : en Europe, elle soutient l’extrême-droite pour affaiblir l’UE et l’OTAN ; en Afrique, elle exploite l’imaginaire anti-colonial pour chasser l’Occident et consolider ses propres intérêts.

La question qui demeure est simple : les Africains accepteront-ils d’être, encore une fois, les pions d’une puissance étrangère dans une guerre qui n’est pas la leur ?

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