La Côte d’Ivoire avait amorcé un processus de paix et de réconciliation bien avant les drames qui allaient suivre. En 2001, un forum de réconciliation nationale fut organisé, réunissant toutes les forces politiques, y compris les plus critiques du régime. Cette main tendue visait à tourner la page des tensions passées. Mieux encore, le Rassemblement des Républicains (RDR), longtemps considéré comme marginalisé, intégra le gouvernement.
C’était un signal fort d’apaisement et d’ouverture, un geste politique rare en Afrique, où le vaincu est souvent exclu. L’histoire aurait dû prendre un autre tournant. Mais, au lieu de renforcer l’unité nationale, cette période d’apaisement fut cyniquement exploitée.
Dans la nuit du 18 au 19 septembre …
Présidentielle 2025: Don Mello doit s’émanciper et tendre la main à Simone Gbagbo
L’élection présidentielle de 2025 s’annonce comme une échéance capitale pour l’avenir de la Côte d’Ivoire. Pourtant, à mesure qu’approche le scrutin, l’opposition semble désorientée, divisée, incapable de parler d’une seule voix. Le rejet — injuste et juridiquement contestable — de la candidature de Laurent Gbagbo par le Conseil constitutionnel avait suscité une vive attente: quelle consigne allait-il donner ? Qui allait-il soutenir pour faire barrage à Alassane Dramane Ouattara, dont la candidature reste sujette à caution ?
Gbagbo n’a pas tardé à répondre. L’ancien président a annoncé qu’il ne soutiendrait aucun des candidats retenus, y compris deux figures majeures issues de son propre camp: Simone Ehivet et Ahoua Don Mello. Une décision qui a été vécue comme une douche froide, tant par certains militants du PPA-CI que par les partisans du rassemblement à gauche.
Ces Ivoiriens attendaient autre chose de Laurent Gbagbo. D’autant que, le 22 août 2023, il affirmait que, « pour un parti politique, aller aux élections même avec des fraudes est mieux que ne pas y aller à cause des fraudes », car c’est en participant qu’on peut mieux les dénoncer et les combattre. Beaucoup pensaient donc que le président du PPA-CI allait faire contre mauvaise fortune bon cœur, et appeler à soutenir les candidats de gauche — ne serait-ce que pour préserver un minimum de cohérence politique.
C’est dans ce contexte que Don Mello a commis ce que d’aucuns considèrent comme une faute stratégique: déclarer qu’il confiait sa candidature, entre autres, à Affi N’Guessan, Tidjane Thiam et… Laurent Gbagbo lui-même.
Une déclaration maladroite, un oubli regrettable
Pour de nombreux pro-Gbagbo, cette sortie fut une provocation inutile, un signe de dépendance persistante, voire un aveu de faiblesse. Ils rappellent que Don Mello a souvent dit qu’il n’y avait pas d’autre plan que Gbagbo et que ce dernier avait le meilleur profil.
Je dois avouer que, moi aussi, j’ai été troublé par les propos de Don Mello, parce qu’ils donnent l’impression que l’enfant de Bongouanou peine à s’assumer pleinement, qu’il cherche encore une tutelle morale ou politique, au lieu d’endosser son rôle de leader. Or, à ce stade de l’histoire, plus personne ne peut mener une campagne présidentielle par procuration. Et surtout pas en se réclamant d’un homme qui a clairement choisi de rester en retrait.
Pire encore, Don Mello a choisi de confier sa candidature à Affi, Thiam et Gbagbo, sans même avoir un mot de reconnaissance pour Charles Blé Goudé qui, à visage découvert, le soutient et mouille le maillot pour lui. Ce silence est une faute politique et humaine. Dans une campagne présidentielle, on ne peut se permettre d’ignorer ceux qui s’engagent à vos côtés quand vous en avez le plus besoin. La loyauté doit être réciproque, et la gratitude, publique.
L’heure est venue de s’émanciper
S’il veut être crédible, Ahoua Don Mello doit maintenant compter sur lui-même. Il doit arrêter de se cacher derrière le nom de Gbagbo et affirmer sa propre vision, son propre programme, son propre courage. Comme le dit le proverbe africain, « une mère avisée ne compte pas sur la cuisine de sa voisine pour nourrir ses enfants. » Don Mello doit donc prendre ses responsabilités, mobiliser ses propres ressources humaines, financières et politiques. Cela signifie: mettre en place une équipe de campagne solide, nommer des représentants locaux, leur donner tous les moyens nécessaires, occuper le terrain, aller à la rencontre des Ivoiriens, surtout dans un contexte où le temps presse. Le peuple ne votera pas pour un souvenir ni pour un nom: il votera pour un projet, un espoir, une solution.
Une rencontre nécessaire avec Simone Gbagbo
Mais surtout, s’il est vraiment sérieux dans sa volonté de représenter une alternative, Don Mello doit rencontrer Simone Gbagbo. Il est temps de mettre de côté les rivalités passées, les petites querelles de leadership. L’échec de Gbagbo à se représenter devrait logiquement pousser toutes les forces de gauche à s’unir. Il ne peut pas y avoir de victoire contre Ouattara sans une coalition solide, crédible et portée par des visages complémentaires.
Simone Gbagbo est une femme de terrain, connue et respectée, surtout dans les bastions historiques de la gauche. Don Mello, quant à lui, incarne une technocratie compétente, un certain renouveau. Ensemble, ils pourraient constituer un binôme stratégique, capable de séduire différentes couches de la société ivoirienne. Mais cela suppose un dialogue franc, une volonté de construire ensemble, et non de s’ignorer ou se concurrencer stérilement.
Pendant que l’opposition se cherche, le pouvoir en place se renforce. Ouattara, malgré la contestation de sa légitimité, dispose d’un appareil d’État puissant, d’un Conseil constitutionnel à ses ordres et, surtout, du luxe d’observer ses adversaires s’éparpiller. Il sait que l’éparpillement de l’opposition est sa meilleure chance de victoire et il n’a, pour le moment, aucun adversaire sérieux uni derrière une bannière unique.
L’unité ou l’oubli
La présidentielle de 2025 est une épreuve de maturité pour l’opposition. Don Mello ne peut plus se contenter de slogans ou de références à son passé de camarade de Gbagbo. Il doit s’assumer, fédérer, et surtout agir. Il doit remercier publiquement ceux qui le soutiennent, s’émanciper de toute tutelle symbolique, et surtout bâtir une alliance forte avec Simone Gbagbo. Car, sans union, il n’y aura ni victoire, ni même de véritable opposition. La politique, c’est la clarté, la reconnaissance, et le courage. Il est temps que Don Mello montre qu’il les possède.
Jean-Claude DJEREKE
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