Par Fleur Kouadio

Trois conducteurs ivoiriens de la société de transport Civotech ont trouvé la mort, dimanche 21 septembre, lors d’une attaque armée sur l’axe Sikasso–Bougouni, dans le sud du Mali. Leurs camions-citernes, chargés de bitume, ont été incendiés par des assaillants identifiés comme appartenant à des groupes armés terroristes. Ce drame illustre la volonté du Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin (JNIM), affilié à Al-Qaïda, de frapper désormais le cœur économique du Mali.
Une embuscade meurtrière sur un axe vital
Les faits se sont déroulés sur l’un des corridors commerciaux les plus fréquentés de la région. Un convoi de camions de Civotech, entreprise ivoirienne spécialisée dans la livraison de bitume, circulait entre Sikasso et Bougouni lorsqu’il a été stoppé par des hommes armés. Trois camions ont été incendiés, entraînant la mort des conducteurs ivoiriens qui se trouvaient à bord.
Au-delà du drame humain, cette attaque marque une nouvelle étape dans la stratégie des jihadistes : celle de s’attaquer directement aux flux économiques transfrontaliers. En frappant des citernes de bitume, les assaillants visent à perturber les chantiers routiers et à freiner le développement d’infrastructures dont dépend une bonne partie du commerce intérieur malien.
Le JNIM change de terrain de jeu
Longtemps concentré sur le nord et le centre du Mali, le JNIM a progressivement déplacé ses opérations vers le sud. Cette évolution répond à une logique claire : affaiblir les circuits d’approvisionnement de Bamako, ville enclavée et dépendante des corridors qui passent par la Côte d’Ivoire, le Sénégal et la Guinée.
En multipliant les embuscades contre les convois de marchandises, les djihadistes cherchent à instaurer une insécurité permanente sur les routes. Carburant, ciment, denrées alimentaires, bitume : tous les produits vitaux pour l’économie malienne transitent par ces axes. L’attaque contre Civotech illustre cette volonté de transformer les routes en zones de non-droit, où l’État malien peine à imposer son autorité.
Une économie sous pression
Le Mali vit aujourd’hui sous une double contrainte : l’instabilité sécuritaire et l’asphyxie économique. Les sanctions régionales imposées par la CEDEAO en 2022, bien qu’allégées par la suite, ont laissé des traces sur l’économie malienne. À cela s’ajoutent la baisse des investissements et la dépendance accrue vis-à-vis des importations.
Dans ce contexte, chaque attaque sur un convoi devient une arme redoutable pour fragiliser l’État. En ciblant les flux commerciaux, le JNIM cherche à miner la confiance des partenaires étrangers, à retarder les projets de développement et à accentuer le sentiment d’isolement de Bamako.
Un signal inquiétant pour la Côte d’Ivoire
La Côte d’Ivoire, principal point de passage des importations maliennes par le port d’Abidjan, est directement concernée. Des milliers de transporteurs ivoiriens empruntent chaque année l’axe menant à Bamako. L’attaque du 21 septembre rappelle que ces travailleurs sont désormais en première ligne face à la menace terroriste.
Pour Abidjan, ce drame pose un double défi : protéger ses ressortissants tout en maintenant la fluidité d’un commerce transfrontalier vital pour les deux économies. La mort de trois chauffeurs ivoiriens démontre que la guerre au Mali ne se limite plus à ses frontières : elle déborde désormais sur les intérêts économiques et humains de ses voisins.
En incendiant trois camions de Civotech et en tuant leurs conducteurs ivoiriens, les djihadistes du JNIM n’ont pas seulement frappé une entreprise de transport. Ils ont envoyé un message clair : leur combat vise aussi à étouffer Bamako par l’économie.
Pour le Mali, déjà fragilisé, la sécurisation des corridors commerciaux devient un enjeu vital. Pour la Côte d’Ivoire, l’heure est à la vigilance et à la solidarité avec ses ressortissants, victimes collatérales d’une guerre qui, loin de s’éteindre, redouble d’intensité aux portes de ses frontières.
F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info
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