À quelques mois de la présidentielle, le constat est implacable : l’opposition ivoirienne apparaît fragmentée, neutralisée et piégée dans ses propres contradictions. Le pouvoir, lui, n’a même plus besoin de forcer sa victoire : ses adversaires s’affaiblissent d’eux-mêmes, en avalisant les règles du jeu ou en s’enfermant dans des postures complètement improductives.
Le Conseil constitutionnel, en validant la candidature d’Alassane Ouattara sans réel contrepoids, a envoyé un message clair : les dés sont jetés. Mais plus surprenant encore est la réaction des opposants eux-mêmes. En saluant implicitement le « bon travail » de l’institution, certains se sont privés de tout levier de contestation crédible. En d’autres termes, l’opposition a validé le terrain sur lequel elle sait qu’elle perdra inévitablement à… 360°
Tidjane Thiam, présenté comme l’homme du renouveau, incarne parfaitement cette neutralisation. Sa candidature semble plus relever d’une « candidature de vitrine » que d’une ambition conquérante et réelle. Son silence prolongé, sa posture distante – presque en exil politique – traduisent une incapacité à occuper l’espace et à fédérer. Dans un moment où l’opposition avait besoin d’une voix forte et audible, il s’est muré dans une réserve à des milliers de kilomètres qui ressemble à une capitulation. A quoi sert cette vitrine politique à laquelle il se livre depuis la délivrance de ses documents administratifs ?
Laurent Gbagbo, pour sa part, reste prisonnier de ses fractures internes. La posture « neutre » voire d’acceptation du fait accompli de Simone Gbagbo, les ambitions affirmées de Don Mello, les silences calculés de Thiam, et les attaques récurrentes de Blé Goudé dessinent une mosaïque de contradictions qui fragilisent davantage son camp. Gbagbo n’affronte plus seulement le pouvoir : il affronte désormais sa propre famille politique, écartelée entre ambitions personnelles motivées par ses propres adversaires et querelles de légitimité.Face à ce tableau sombre, les quatre candidats retenus ressemblent à un casting savamment conçu pour donner l’illusion d’une compétition. Leur rôle implicite n’est pas de conquérir le pouvoir loin de là, mais de légitimer une victoire d’Alassane Ouattara déjà actée. Ce décor pluraliste ne trompe personne : il conforte l’idée que l’élection présidentielle ivoirienne n’est plus un moment de confrontation démocratique, mais une simple formalité institutionnelle sous le rhdp.
Ainsi, entre verrouillage institutionnel et neutralisation interne, l’opposition ivoirienne se retrouve privée de son arme essentielle : la contestation. En acceptant le cadre imposé par le pouvoir, elle se condamne à l’impuissance. Dans ces conditions, la présidentielle à venir n’aura ni l’intensité d’un combat ni le souffle d’une alternance. Elle ne sera qu’un sacre… annoncé.
Stéphane Kool
Intelligence
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