Tribune : Qu’est-ce qu’il faut réellement à la Côte d’Ivoire – Allons en profondeur des problèmes (1ere partie)

Par Dr Charles Koudou

Lorsqu’un problème se pose, il faut en chercher les causes, les racines, les fondements afin que des pistes de solutions soient trouvées. Ce sont ces pistes qu’on explore pour découvrir les solutions. Alors pourquoi avons-nous toujours des problèmes politiques accompagnés de guerres en Afrique et en Côte d’Ivoire ? A quoi servent les conférences nationales, les dialogues politiques, etc. ? Quelles sont les solutions aux problèmes politiques que nous avons en Côte d’Ivoire ? Pourquoi des solutions échappent-elles toujours aux politiciens et autorités de nos pays africains ? Que faut-il faire pour en finir avec ?

Voilà l’objectif de cet article réparti en plusieurs parties. Prenons le cas de la Côte d’Ivoire, qui est tout aussi similaire à la plupart des pays africains. Nous devons aller à la racine du problème sans faux-fuyant. Deux causes principales sont à la base des guerres politiques en Afrique : la pratique des accords d’indépendance et les nombreuses attributions à la fonction présidentielle. Les présidents s’accrochent au pouvoir à cause des nombreux privilèges dont l’absence de salaire, le budget de souveraineté, Ce n’est pas d’une élection dont la Côte d’Ivoire a besoin en ce moment mais de deux choses au préalable. La Côte d’Ivoire a plus besoin d’une constitution moderne et impersonnelle débarrassée d’écritures conflictuelles. La Côte d’Ivoire a également besoin de rompre avec les accords d’indépendance qui la lient à la France. Notre constitution est trop personnelle et consacre le culte de la personnalité avec beaucoup de pouvoirs au chef de l’Etat à telle enseigne que quel que soit celui qui accède au pouvoir, on aura toujours les mêmes maux qu’on dénonce aujourd’hui. La meilleure façon d’améliorer notre constitution est de réduire les pouvoirs du chef de l’Etat en commençant par les avantages dont :

La suppression du budget de souveraineté, lui attribuer un salaire fixe, la réduction du budget de la présidence, les nominations majeures doivent passer par le vote au Sénat. Le Sénat doit approuver ou non toutes les nominations supposées du Président de la République, que les autres institutions de l’Etat ne se sentent pas soumises à l’exécutif en exerçant en toute liberté leurs fonctions selon la constitution.

Le Président de la République peut être démis de ses fonctions à tout moment pour manquement grave sans attendre la fin de son mandat. Ce sont les avantages qui attirent tous ceux qui veulent être au pouvoir, tous ceux qui veulent y revenir, tous ceux qui s’y accrochent, tous ceux qui veulent que leur homme soit au pouvoir, alors balisons notre constitution et tout le monde doit l’appliquer à la lettre. Plus d’arrangement, plus d’application de l’article 48.

Faire de la décentralisation une obligation contenue dans la constitution. En plus de Yamoussoukro, diviser le pays en douze régions et chaque région doit disposer d’un budget de développement de manière équitable avec une gestion saine et rigoureuse des fonds. Une fois tous les acteurs politiques et la société civile se mettent d’accord sur cette constitution, l’autre étape est de revoir les accords d’indépendance avec la France. Dans cette première partie nous parlerons des accords d’indépendance et ses conséquences. Dans une deuxième partie nous parlerons des institutions de l’Etat.

1- Les accords d’indépendance

En effet, les pays Africains dont la Côte d’Ivoire ont deux sérieux problèmes qu’ils ne le pensent :

Les conséquences des accords d’indépendance qui lient ces pays africains aux anciens pays colonisateurs

Les régimes présidentiels sans partage et abusifs instaurés en Afrique au lendemain des indépendances et qui empêchent le non respect des constitutions.

Ces deux problèmes sont les sources de tous les maux dont nous souffrons avec à leur tête la corruption, l’abus du pouvoir, l’injustice, les gaspillages des deniers publics, etc. C’est ce qui révolte les militaires dans certains pays (Gabon, Burkina Faso, Mali, Tchad, Niger, Guinée, Rwanda, Togo, Soudan, Gambie, Centrafrique, Ghana, Congo, Egypte) et crée des mouvements des populations les plus courageuses dans d’autres (le Sénégal, Nigeria).

Le système post colonial

L’interprétation de ce système veut dire quoi dans la pratique ?

La France par exemple a des intérêts que quiconque devenu président de la république doit protéger scrupuleusement.

En contrepartie, la France s’engage à lui garantir son pouvoir.

Tu peux faire de ton pays ce que tu veux avec autant de mandats que tu veux, tripatouiller la constitution comme tu veux, avoir la mainmise sur la justice, les militaires, le trésor, les médias, etc mais ne touche pas à nos intérêts nous les français.

Voilà pourquoi nos présidents africains se comportent ainsi depuis les indépendances jusqu’à maintenant. Et il en sera ainsi quel que soit celui qui viendra au pouvoir dans les pays africains. Nos présidents ont à leur tour renforcer ce que la France leur a promis en corrompant les militaires et la justice pour protéger leurs régimes en plus du parapluie français qu’ils ont déjà.

Il n’existe certes pas de pays sans problèmes mais la gestion de ces problèmes et leur prévention font la différence entre les pays. En Côte d’Ivoire, le 7 Août 1960, le Président Félix Houphouët Boigny a proclamé l’indépendance de la République de ce pays vis-à-vis de la France suite à la promulgation des accords d’indépendance après plusieurs tracasseries. Ont obtenu :

Côte d’Ivoire :

Souveraineté nationale et internationale

Sa constitution

Propre hymne nationale,

Son armée, sa douane, sa police

Ses institutions d’Etat, gouvernement, assemblée nationale, sénat, conseil économique et social, grande chancellerie, système judiciaire

Ses frontières, etc.

Son système éducatif

Ses banques

France :

Conserve le monopole sur l’exploitation des ressources du pays,

Le non paiement des taxes et impôts des entreprises françaises. (Elles versent leurs impôts et taxes directement en France)

Le contrôle total des marchés de ses ex-colonies.

La dette coloniale pour le remboursement des bénéfices de la colonisation (les routes construites par le colon, les écoles, les hôpitaux, etc. La Côte d’Ivoire doit rembourser ses constructions),

La confiscation automatique des réserves financières nationales.

La France a le premier droit d’achat des ressources naturelles de la terre de ses ex-colonies.

Dans l’attribution des marchés publics, les entreprises françaises ont la priorité même si les pays africains peuvent obtenir un meilleur rapport qualité-prix ailleurs. En Côte d’Ivoire, par exemple, les entreprises françaises possèdent et contrôlent tous les grands services publics dont l’eau, l’électricité, le téléphone, les transports, les ports et les principales banques, le commerce, la construction et l’agriculture.

Droit exclusif de fournir des équipements militaires et de former les officiers militaires des ex-colonies.

En vertu de ce qu’on appelle « les accords de défense » attachés au pacte colonial, la France a le droit d’intervenir militairement dans les pays africains.

Elle a aussi le droit de stationner des troupes en permanence dans les bases et installations militaires, entièrement gérées par les Français.

L’obligation de faire du français la langue officielle du pays et la langue nationale pour l’éducation dans le pays.

L’obligation d’utiliser le franc CFA (franc des colonies françaises d’Afrique) comme monnaie d’échange fait partie de cette clause.

L’obligation également d’envoyer en France un bilan annuel et un rapport d’État des réserves.

Renoncer à toute alliance militaire avec d’autres pays, sauf avec l’autorisation de la France.

L’obligation de s’allier avec la France en cas de guerre ou de crise mondiale. La France n’aurait certainement pas encore approuvé le projet du transfert de la capitale à Yamoussoukro d’où son abandon par décret en 2012 (Reference: Lebledparle.com, François Gaël Mbala 26 décembre 2020, 12h10).

Par élégance, nous devons renégocier afin d’obtenir d’autres avancées. Pour y parvenir, nous avons des préalables à surmonter entre nous. Il faut que nous soyons conscients de ce problème et qu’on se mette d’accord. Nous devons être conscients des retombées que ce système politique postcolonial produit, c’est -à -dire des Présidents aux pouvoirs excessifs et abusifs qui engendrent le culte de la personnalité et la corruption ainsi que des partis politiques claniques et autocratiques.

Du coup, ces accords sont toujours protégés par le Président de la République qui seul manipule l’appareil de l’État. Voilà comment la plupart des pays africains ont eu ce qu’on appelle indépendance si on peut l’appeler ainsi. Celui qui se détourne de cette ligne de conduite en Afrique perd son pouvoir. Ainsi, les présidents des pays africains se comportent en dictateurs et on accuse les anciens colonisateurs de les protéger à tort ou à raison, alors que c’est un deal dans lequel nous sommes également trempés.

Peu importe les excuses que nous nous donnons, excuses du genre on n’avait pas suffisamment d’intellectuels pour nous défendre assez dans les négociations. C’était un deal contraignant d’une indépendance conditionnelle. Le colonisateur protège le protecteur de ses intérêts dans nos pays.

Voici de façon succincte les accords qui nous lient à la France. Rien ne changera donc dans la façon de gérer le pays quel que soit celui qui viendra au pouvoir sauf si on modifie la constitution dans le sens que propose le projet actuel. Ce que nous vivons actuellement n’est que la résultante de ce que nous avons été contraints ou pas de choisir et semé en 1960 c’est-à- dire vivre dans un environnement de parti-Etat.

Dr Charles Koudou, Administrateur de la Santé

Consultant en Santé et Développement

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