Contributeur externe
Ce matin, sur la toile, j’ai suivi une conversation entre un militant du PDCI et un militant du PPA-CI. Le second soutenait mordicus qu’il fallait boycotter la présidentielle pour empêcher le quatrième mandat anticonstitutionnel de Ouattara. Le premier lui répondit en ces termes: « GOR (Gbagbo ou rien) ou TOR (Thiam ou Rien) n’est pas du patriotisme. Vous luttez pour une personne. En quoi cela fait-il de vous des patriotes ? Il faut lutter pour le pays, pas pour un individu. Le patriotisme n’a rien à voir avec le fanatisme. »
Et un ami philosophe de renchérir: « On doit toujours éviter de voir la politique comme une source d’idolâtrie. Exemple: »Koffi ou rien », ça c’est de l’idolâtrie, à mon sens. Cela veut dire que, si ce n’est pas Koffi, je fais la guerre. Mais pourquoi opter pour la guerre au lieu d’opter pour une autre personne ? Comment des hommes et femmes de 40, 50 ou 60 ans peuvent-ils chanter qu’il n’y a rien comme ressource humaine dans leur parti en dehors d’un seul ? Ces gens-là ne se rendent même pas compte que, en raisonnant de la sorte, ils se décrivent comme des gens sans valeur aucune. »
Pour ma part, je pose les questions suivantes: la guerre, peut-on la faire sans y être préparé ? L’opposition a-t-elle les moyens militaires nécessaires pour guerroyer contre Ouattara soutenu par les Français et les Américains ?
Certains souhaitent un soulèvement populaire comme au Népal, comme au Mali en 2020, comme au Burkina en 2014, comme en Tunisie en 2011. Moi-même, j’ai longtemps défendu cette idée mais pourquoi la magnifique démonstration de force du 9 août 2025 est-elle restée sans lendemain ? Pourquoi n’y eut-il pas d’autres soulèvements ? Pourquoi s’arrêta-t-on en si bon chemin ? Pourquoi sommes-nous incapables de terminer ce que nous avons commencé ?
Certains GOR rappellent que Konan Bédié, bien qu’autorisé à participer à la présidentielle de 2020, y avait renoncé au dernier moment. Ils saluent à juste titre le fait qu’il ait fait passer l’intérêt collectif avant l’intérêt personnel, à cette époque. De mon point de vue, c’est en 2010, puis en 2015, en n’appelant pas à voter pour Ouattara qui l’avait renversé en 1999, que Bédié aurait dû montrer qu’il est un homme d’État et que le pays est plus important que sa petite personne.
D’autres GOR ont beau jeu de dire que le Conseil constitutionnel, la commission électorale, les médias d’État sont contrôlés par le parti au pouvoir. Mais ne le savaient-ils pas quand ils déposaient les candidatures de Laurent Gbagbo et de Tidjane Thiam et quand ils allaient à la pêche aux nécessaires parrainages avec les outils fournis par la Commission électorale ? Ignoraient-ils que, malgré tout cela, Ouattara se proclamerait vainqueur face à Gbagbo ou Thiam si ces deux candidats avaient été retenus ? Pourquoi est-ce maintenant que les mêmes disent que le résultat est connu d’avance, que les jeux sont déjà faits et que les candidats retenus seront battus sans difficulté comme KKB le fut en 2020 ?
En 2000, les candidats du PDCI et du RDR avaient été recalés. Cela avait-il gêné et ému ceux qui avaient été retenus? Après l’assassinat de Toussaint N’Guessan de Daoukro dont la tête servit de ballon de foot en 2020, l’opposition ne plébiscita-t-elle pas Adama Bictogo à la tête du Parlement Ivoirien ? Était-ce une bonne idée ? Était-ce nécessaire ? Était-ce décent ?
Depuis le 8 septembre 2025, des choses immondes et loufoques circulent sur la toile au sujet des personnes dont la candidature a été retenue. Simone Ehivet Gbagbo est la plus vilipendée. Par exemple, on lui prête l’intention d’aller aux élections pour légitimer le quatrième mandat de Dramane Ouattara. Et pourtant, il est des faits indiscutables qui montrent qu’elle a plusieurs fois joué la carte de la solidarité. Par exemple, au cours d’une réunion tenue le 7 avril 2025 et axée sur les anomalies de la liste électorale, réunion à laquelle participait Kahé Éric, président de l’AIRD, Simone Gbagbo déclare: «Avec toutes ces irrégularités, il ne peut pas y avoir d’élection avec cette liste. » Quelques minutes après, elle ajoute: « Ce n’est pas bien grave. En soutien aux candidats retirés de la liste électorale, Le président Thiam et Laurent Gbagbo, je n’irai pas à ces élections. »
Le 03 juin 2025, à la rencontre de la coalition CAP-CI, Simone Gbagbo et Affi N’Guessan, malgré leur présence effective sur la liste électorale, pour soutenir les Présidents Laurent Gbagbo et Thiam qui ne figuraient pas sur la liste, décident de ne pas participer aux élections.
Le 20 juin 2025, Simone Gbagbo, Affi N’Guessan ainsi que toute la CAP confirment leur non-participation à la formation de la CEI et refusent même de retirer leurs kits électoraux.
Le 23 juin 2025, contre toute attente, des partisans du président Gbagbo et du président Thiam choisissent, eux, d’aller récupérer leurs kits et de participer à l’élection.
Quelle fut la réponse de Simone Gbagbo à ses partisans? « Ce n’est pas bien grave. Allez chercher vos kits, nous irons tous aux élections. Il n’y aura pas de boycott. »
Le 22 août 2023, devant la presse, Laurent Gbagbo excluait le boycott en affirmant ceci: « Aller aux élections même avec des fraudes est mieux que ne pas aller aux élections à cause des fraudes pour un parti politique. Après avoir décidé après mon arrestation qu’on n’allait pas aux élections, cela nous a causé beaucoup de dommages. Donc on ne peut plus manquer des élections. »
En octobre 2025, tout le monde sait qu’il y aura des fraudes, que Ouattara trichera. Les partis dont les candidats ont été recalés devront-ils pour autant boycotter le scrutin ? Gbagbo lui-même a dit clairement qu’il est opposé à la politique de la chaise vide. C’est peut-être dans cet esprit qu’il a bien voulu recevoir hier Affi N’Guessan et discuter avec lui.
Peu importe si les deux hommes doivent cette rencontre au rejet de leur candidature. Le plus important est qu’ils se soient retrouvés. Je m’en réjouis sincèrement et je salue leur geste. Les vrais politiciens finissent toujours par se retrouver. Voilà pourquoi les militants devraient toujours faire preuve de retenue et éviter dérives langagières et condamnations sans appel.
L’opposant qui veut le bien de la Côte d’Ivoire, qui lutte vraiment pour le pays et non pour lui-même, ne devrait pas avoir peur ni honte de mettre son orgueil de côté pour aller à la rencontre de son frère pour chercher avec lui la meilleure stratégie qui nous permettra de chasser ce régime qui a fait trop de mal à notre pays. Ne disons pas trop vite que, même face à un candidat soutenu par la majorité des Ivoiriens, Ouattara l’emportera. Au Sénégal, le candidat du président sortant fut bel et bien battu par le candidat de l’opposition.
Quittons les procès d’intention, les inutiles insultes et suspicions. Comme Laurent Gbagbo, ouvrons les bras à Simone et à Don Mello. Partageons avec eux les meilleures idées qui leur permettront de battre Ouattara.
Bien que je continue de condamner la seconde violation de notre Constitution par Ouattara, bien que je désapprouve les félicitations adressées par Simone au Conseil constitutionnel, j’invite les souverainistes ivoiriens à faire contre mauvaise fortune bon cœur, c’est-à-dire à demeurer ouverts à une rencontre et à une discussion avec Simone et Don Mello qui, à mon avis, n’ont nullement l’intention d’accompagner et de légitimer un faussaire et un imposteur.
Jean-Claude Djéréké
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