Par Fleur Kouadio

À Abidjan, des enfants dorment dans la rue, vivent de petits boulots, de solidarité et de débrouille. Les estimations varient, elles sont autour de 14 000 enfants de la rue dans la capitale économique, exposés à la maltraitance, à la mendicité forcée et aux violences.
Quelle situation à Abidjan
Pourtant, l’État et ses partenaires ont engagé, ces dernières années, des réponses plus structurées. Le Programme de protection des enfants et adolescents vulnérables (PPEAV) conduit des opérations de retrait, d’hébergement temporaire, d’appui psychosocial et de réunification familiale. De septembre 2022 à fin 2024, plus de 500 enfants ont été retirés des rues d’Abidjan ; une partie a pu réintégrer sa famille et d’autres communautés, y compris des enfants exploités pour la mendicité. Des opérations ciblées avaient déjà permis, en juillet 2022, de mettre à l’abri environ 200 enfants à Marcory et Cocody.
Ces prises en charge s’appuient sur un maillage de centres et de partenaires : appuis d’UNICEF (hébergement, scolarisation, réunifications), structures d’accueil comme Amigo Doumé ou des foyers d’inspiration religieuse, et équipes mobiles de proximité. L’enjeu est double : stabiliser, soigner et scolariser ; puis reconstruire le lien avec les familles quand c’est possible, sans rompre le suivi.
Quand des enfants travaillent aussi au champ
Au-delà de la rue, un autre visage de la vulnérabilité enfantine se joue dans nos plantations, nos ateliers informels, nos carrières et nos marchés : le travail des enfants. La Côte d’Ivoire s’est dotée d’un socle juridique robuste qui interdit la traite et les pires formes de travail des enfants, complétée par un arrêté qui dresse la liste des travaux dangereux interdits (extraction minière artisanale à risque, collecte d’ordures, travail de nuit dans les débits de boisson, etc.). Ces textes fixent des garde-fous clairs et servent de base aux poursuites.
Pour coordonner l’action publique, le Comité national de surveillance (CNS), créé en 2011 et présidé par la Première dame, pilote depuis plus d’une décennie la stratégie nationale. Le 4 juin 2025, un Plan d’action national 2025-2029 a été officiellement lancé à Abidjan, avec un budget annoncé de 165 milliards FCFA pour intensifier la prévention, la protection, l’application de la loi et l’amélioration des conditions de vie dans les zones à risque. Ce plan s’articule avec l’Interministériel (CIM) et renforce les unités spécialisées de police, dont des antennes régionales dédiées à la lutte contre la traite et la délinquance juvénile.
Les résultats demeurent contrastés, mais réels : campagnes de sensibilisation, formations d’acteurs de terrain, classes et cantines construites en zones rurales, filières cacao davantage monitorées par des systèmes de signalement et de remédiation, et opérations de police régulières sur les corridors et bassins de production. Les progrès restent fragiles : pauvreté des ménages, migrations internes et transfrontalières, informalité économique et sous-scolarisation alimentent un flux continu d’enfants vers la rue et vers des activités inadaptées à leur âge.
Un vrai défi pour notre société, entre protection et prévention
Face à cela, il faut tenir les deux bouts de la chaîne. D’un côté, la protection immédiate : maraudes, abris sûrs, soins, soutien psychologique, accès rapide à l’école et à la formation. De l’autre, la prévention : suivi et aide pour les familles, actes d’état civil, cantines et internats de proximité, insertion professionnelle des aînés, et répression des réseaux de traite. C’est à cette condition que les chiffres de retrait de rue ne seront plus seulement des coups d’éclat, mais la première marche d’un parcours durable hors de la vulnérabilité.
Quand l’avenir redevient possible
À Abidjan comme dans le reste du pays, nous avons les textes, les plans et un réseau d’acteurs engagés. Reste à garantir la continuité : les budgets exécutés et les services de base au plus près des quartiers et des villages, et indicateurs publics pour que la société civile, médias inclus, puissent suivre, vérifier, et interpeller.
Pour chaque enfant sorti de la rue ou d’un travail dangereux, c’est un avenir qui redevient possible ; pour la Côte d’Ivoire, c’est un pari de société que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre.
F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info
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