Par Fleur Kouadio

La nuit du 24 au 25 août restera gravée dans la mémoire des habitants de Difita, petit village du Nord ivoirien. Vers deux heures du matin, des hommes armés non identifiés ont surgi dans l’obscurité, semant la mort et la désolation. Quatre villageois ont perdu la vie. Une femme, grièvement brûlée, lutte aujourd’hui entre les mains des médecins. Une autre personne n’a toujours pas été retrouvée. Des cases ont été incendiées, du bétail volé, des biens emportés. En quelques heures, un hameau paisible s’est transformé en théâtre de douleur.
La Côte d’Ivoire n’est pas étrangère à la violence qui ravage depuis plusieurs années la bande sahélienne. Aux portes de notre pays, le Burkina Faso est en proie à une insécurité chronique. Les groupes armés prospèrent sur la peur et le désordre. Les villages frontaliers, à cheval sur la ligne qui sépare les deux pays, deviennent des cibles idéales. Difita en a fait la terrible expérience.
Face à l’attaque, la réaction des forces ivoiriennes a été rapide. Selon l’État-Major Général des Armées, des moyens aériens et terrestres ont été déployés pour sécuriser la zone. Mais comme souvent dans ce type de violences, les assaillants s’étaient déjà repliés de l’autre côté de la frontière, profitant de leur mobilité et d’une stratégie éprouvée : frapper vite, disparaître aussitôt. Cette réalité souligne un défi : aucun dispositif, aussi solide soit-il, ne peut garantir une interception systématique. Mais le déploiement rapide prouve qu’une réponse structurée existe désormais et que l’État refuse de laisser ces attaques sans suite.
Car la menace n’est pas seulement sécuritaire, elle est aussi sociale. Plus de 72 000 personnes, fuyant la violence au Burkina et au Mali, se sont réfugiées dans le Nord ivoirien. Cet afflux bouleverse l’équilibre fragile des communautés d’accueil : partage des terres, pression sur les ressources, tensions entre éleveurs et cultivateurs. Les groupes armés le savent et exploitent chaque fissure pour s’implanter. Leur arme la plus redoutable n’est pas seulement la kalachnikov, mais la discorde.
C’est pourquoi l’unité devient une question de survie. À Difita comme ailleurs, la cohésion entre villageois, forces de défense et autorités locales est le véritable rempart. Là où la vigilance est partagée, où les alertes circulent, où l’accueil des déplacés se fait sans stigmatisation, les assaillants reculent. Là où la haine divise, où les rumeurs désignent des communautés entières comme complices, l’ennemi avance.
Consciente de ces enjeux, l’armée a mis en place une Zone opérationnelle Nord couvrant les 638 kilomètres de frontière. L’objectif est clair : rapprocher la sécurité des populations, coordonner l’action militaire et civile, développer des cellules de veille et de médiation. Mais au-delà de cette architecture, tout dépend d’un ciment invisible : la confiance. Confiance entre les villageois eux-mêmes, confiance entre civils et militaires, confiance enfin dans l’État.
Les victimes de Difita rappellent que la douleur est partagée. La mémoire de ces quatre vies fauchées doit nous obliger. Obliger à soutenir les familles dans leur deuil. Obliger à tendre la main aux déplacés, plutôt que de céder à la suspicion. Obliger enfin à resserrer les rangs, à dépasser les clivages d’âge, de métier ou d’origine pour défendre ensemble le droit le plus fondamental : celui de vivre en paix dans son village.
Car l’histoire des frontières africaines enseigne une vérité simple : l’insécurité disparait là où les communautés restent unies. L’unité n’est pas un slogan, elle est une arme. À Difita, au moment où les flammes s’élevaient et où les cris résonnaient dans la nuit, chacun a compris que la peur ne doit pas dicter la loi. Ce soir-là, malgré la tragédie, un courage s’est affirmé : celui d’une communauté qui sait que son avenir dépend de sa cohésion.
À l’heure où la Côte d’Ivoire renforce sa défense au Nord, il nous revient de ne pas perdre de vue cette leçon. Difita pleure aujourd’hui, mais son cri nous rappelle que notre meilleure réponse sera toujours l’unité.
F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info
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