Nous avons rencontré le secrétaire général adjoint du Ppa-Ci en charge de Koumassi et Port-Bouet Konaté Navigué juste après le meeting de Laurent Gbagbo à Yopougon le 16 août 2025. Dans cet entretien qu’il nous a accordé, il analyse la situation politique à la veille de l’élection présidentielle et évoque un pan de la stratégie de son parti : mobiliser le peuple pour amener le pouvoir à ouvrir des négociations. Des négociations qui devraient ouvrir le jeu électoral à la participation des opposants pour le moment exclus. A deux mois, comment tout cela peut être possible ? Lisons Konaté Navigué…
Quel commentaire sur le meeting de Yopougon le 16 aout dernier ?
C’est un meeting qui vient à point nommé. Il se situait à une semaine après la marche du 9 aout et deux semaines après la déclaration de candidature du président Ouattara. Donc le meeting, c’était pour répondre à sa candidature annoncée pour un 4e mandat. C’est pour cela que c’était un seul point à l’ordre du jour. Vous avez noté que le président n’a pas abordé plusieurs thèmes mais un seul. Et son message est limpide. Nous devons nous opposer à toute idée liée au 4e mandat. Je pense que cela a été bien perçu.
On a senti sa détermination qu’il a bien exprimée. Mais de quels ressources, moyens et stratégies disposez-vous pour l’empêcher de réaliser ce vœu quand il se sent fort et brandit sa force, en démontre le défilé militaire du 7 août ?
Vous dites qu’il se sent plus fort. Oui, la politique c’est le rapport de force. Et ici, le président a donné des éléments de langage et il nous revient de nous organiser à tous les niveaux. A la fois politique et diplomatique pour qu’il puisse reculer. On n’a plus le choix. Le mot d’ordre est lancé et c’est seul le rapport de force qui peut faire changer les choses. Que Ouattara ait le sentiment d’être fort. Mais je vous rappelle que le président Bédié avait aussi ce sentiment en 1999. Donc si les populations ne sont pas d’accord, à un moment donné, Ouattara sera obligé d’écouter ces populations.
Dans son discours à la nation du 6 août 2025, on attendait que le chef de l’Etat dise un mot de la situation des candidats exclus. Ce mot n’est pas venu. Avez-vous vécu cela comme du mépris ou une volonté de minimiser cette affaire et aller tout droit pour un passage en force ?
Vous remarquerez que lorsqu’on attend Ouattara sur un sujet important, il trouve l’élégance de le contourner. Au moment où l’on s’attendait à une réponse politique aux problèmes politiques, il l’a ignorée. Cela s’appelle du mépris et cela veut dire qu’il sous-estime la capacité de réaction de l’opposition. C’est pour cela que la marche du 9 août et le meeting du 16 sont deux événements importants qui vont montrer que nous ne sommes pas minoritaires et que nous sommes prêts à mener la bataille de la mobilisation pour nous faire entendre.
« Or donc, c’est en France qu’il réfléchit ! » Telle est la boutade du président Gbagbo que nous avons entendue pour dépeindre l’attitude de l’ancienne puissance colonisatrice, la France. Comment interprétez-vous ce cri du cœur au moment où le discours souverainiste prend de l’ampleur et au moment où les autorités françaises elles-mêmes font valoir que la Françafrique, c’est fini ?
Le président est logique. Vous faites un congrès. Devant vos militants, vous n’avez pas de réponse. Vous sortez du congrès, vous allez à l’Elysée, vous revenez et vous avez la réponse. Cela voudrait dire que sur la question de la souveraineté, on n’est pas du tout sur la même phase et que ceci donne du sens à notre combat pour la souveraineté. On ne peut pas nous dicter ce que nous devons faire, hors du pays.Pour vous, Paris serait derrière cette réponse du président Ouattara de briguer un nouveau mandat ?Que Paris soit derrière ou pas, je ne pense pas que Paris soit si puissant pour influencer nos décisions internes si le peuple se lève. Dix ou vingt ans en arrière on aurait craint. Mais aujourd’hui que Paris soit derrière une candidature ne peut plus vraiment nous effrayer.
Avec ces mobilisations, la tension monte et des populations ont peur. Avec ce qu’il est donné de voir, est-ce qu’à la place d’une élection, on ne va pas à un affrontement dans les rues ? Un tel scénario est-il évitable ?
Nous ne sommes pas pour l’affrontement sous toutes ses formes. C’est pour cela que chez nous, tout le monde est orateur. C’est notre force parce que c’est le verbe qui fait bouger les montagnes. C’est avec le verbe que nous luttons. Mais eux, ils veulent l’affrontement, ils cherchent l’affrontement. Mais nous allons tout faire pour l’éviter parce que nous ne sommes pas des spécialistes de l’affrontement. La violence ne fait pas partie de notre ordre du jour. Donc nous allons marcher, utiliser les moyens pacifiques. Si nous marchons en passant des nuits dans la rue, je crois qu’ils vont commencer à s’interroger sur la situation en Côte d’Ivoire. Cette situation est délétère, elle est très fragile.
Croyez-vous que dans une telle atmosphère, une élection pourra se tenir le 25 octobre en Côte d’Ivoire ?
On est encore à deux mois de cette élection et je ne vais pas m’aventurer dans des jugements qui sont prématurés. Mais je dis que Ppa-Ci, Pdci et toute l’opposition ivoirienne ont intérêt à se mettre ensemble pour se dresser contre ce quatrième mandat. Dans ces conditions, il est possible que le président Ouattara recule.
L’autre sujet, c’est la commission électorale qui vient d’ajouter une autre pomme de discorde au calendrier électoral en annonçant unilatéralement les législatives le 27 décembre 2025 alors que l’on suppute encore sur la présidentielle. Quelle réaction face à cette nouvelle donne ?
J’ai coutume de dire que la commission électorale est une section du Rhdp. Elle est zélée, plus royaliste que le roi. Elle se donne des attributions qu’elle n’a pas, elle se donne des compétences qu’elle n’a pas…
Mais elle dit qu’elle est compétente pour organiser les futures législatives !
Oui ! Elle dit. Mais nous disons que si elle est légalement compétente, elle n’est pas politiquement compétente. Parce qu’elle prend position et elle appartient à un parti politique, (le Rhdp, ndlr). Et c’est cela qu’il faut dénoncer. C’est cela qui est le plus dangereux.
Envisagez-vous votre retour dans cette commission ?
Non ! Pas pour le moment. Ce n’est pas à l’ordre du jour.
Pourtant vous allez à l’élection présidentielle
Oui. Parce que tu la combats, tu avances parce que tu espères que le problème sera résolu. Si tu ne t’apprêtes pas et que le problème est résolu devant, tu te perds. Donc nous la combattons mais nous avançons.
Par SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr
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