Le débat politique actuel en Côte d’Ivoire ne peut être réduit à une querelle d’appartenances ou de désignations identitaires. La question essentielle n’est pas de savoir si tel ou tel mouvement se réclame d’une ethnie ou d’une appartenance tribale particulière, mais bien de déterminer comment ces références sont mises au service d’un projet politique visant à enrichir le socle de la Nation.
Un combat politique, lorsqu’il est authentique, comme celui du PPA-CI ne cible pas des individus isolés. Il s’attaque à un système : un ordre économique, social et politique qui organise les rapports de domination et conditionne la vie des peuples.
Dès lors, combattre un système ne signifie pas effacer toute identité, ni sombrer dans une abstraction désincarnée. L’enjeu n’est donc pas : faut-il bannir l’identité du champ politique ? Mais plutôt : comment intégrer les références identitaires sans qu’elles deviennent des instruments d’exclusion ?
1. PANAFRICANISME ET RÉFÉRENCES IDENTITAIRES
Le panafricanisme n’est pas une négation des appartenances locales, ethniques ou tribales. Il les englobe et les dépasse.
• L’ethnie, enracinée dans la mémoire et la culture, est une source de sens, de dignité et d’histoire.
• Le panafricanisme, en revanche, propose une élévation vers une identité élargie, continentale, qui transcende les fragmentations pour construire un avenir commun.
Le problème surgit lorsque l’ethnie cesse d’être un héritage de mémoire et devient un instrument de discrimination politique. À partir du moment où l’appartenance ethnique est utilisée par certains pour légitimer l’exclusion à travers ce qu’ils qualifient de « rattrapage ethnique », pour accaparer des privilèges ou pour hiérarchiser les citoyens, on s’éloigne de l’idéal démocratique.
2. LE CAS IVOIRIEN : ENTRE ACCUEIL ET DÉSÉQUILIBRE
L’histoire de la Côte d’Ivoire illustre parfaitement cette tension.
Depuis son indépendance, le pays s’est construit sur l’ouverture et l’accueil de peuples frères venus de la sous-région. Cette hospitalité a nourri une identité nationale riche et plurielle.
Mais la réciprocité n’a pas toujours été évidente : combien de nations voisines peuvent affirmer avoir intégré, dans leur propre histoire, l’accueil du peuple ivoirien avec la même intensité ?
C’est dans ce déséquilibre historique et politique qu’il faut chercher une partie des tensions actuelles. Le nommer dans une manifestation populaire n’est pas une marque d’hostilité ni un rejet de l’autre : c’est reconnaître une réalité que seule une réflexion politique lucide peut transformer en énergie constructive. Et l’expression de tous ces jeunes qui ont convergé en grand nombre sur Yopougon ce samedi 16 aout 2025 s’inscrit dans cette dynamique.
3. ETHNIE ET EXPRESSION POPULAIRE
Nommer une ethnie dans une mobilisation populaire n’est pas en soi une faute ni une dérive. C’est une manière de reconnaître une part de la réalité vécue, un ancrage dans le peuple réel.
La question essentielle est celle de la finalité :
• La référence identitaire est-elle mobilisée pour rappeler que le combat politique s’appuie sur une histoire vécue et sur des racines concrètes ?
• Ou bien est-elle utilisée pour enfermer la lutte dans une logique de repli et d’exclusion ?
La frontière est là, et c’est elle qui détermine si l’on reste fidèle à l’esprit du panafricanisme ou si l’on dérive vers un repli dangereux.
Pour conclure rapidement
Un parti politique souverainiste et porteur d’un idéal panafricain – comme le PPA-CI – n’a pas à craindre la référence identitaire, dès lors que celle-ci s’inscrit dans une perspective inclusive.
L’honneur d’un parti souverainiste consiste à porter la souveraineté avec grandeur :
• Non pas en la réduisant à la défense d’un seul groupe,
• Mais en l’inscrivant dans une lutte partagée où chaque identité est respectée, sans qu’aucune ne soit sacralisée au détriment des autres.
C’est dans ce sens que doit être compris, selon nous bien entendu, le rappel du Président Laurent Gbagbo ce samedi 16 août : un appel à replacer l’identité dans une dynamique politique plus vaste, tournée vers l’unité, la dignité et la souveraineté des peuples africains.
©DR KOCK OBHUSU
Économiste – Ingénieur
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