Un poème-pamphlet pour dénoncer la fermeture du Gabon aux travailleurs étrangers et le reniement du rêve panafricain.
Par Simplice Ongui
Alors que l’Agenda 2063 de l’Union Africaine appelle à l’unité, à la libre circulation et au partage des richesses entre peuples africains, le Gabon choisit de dresser des barrières économiques contre ses voisins. Le décret du 12 août 2025, interdisant aux étrangers l’exercice de nombreux petits métiers, a suscité colère et indignation dans toute l’Afrique centrale. Plus qu’une mesure administrative, il s’agit d’un signal politique clair : la xénophobie d’État se drape dans les habits du patriotisme économique. Ce poème-pamphlet, Mur contre l’Afrique, dénonce cette décision avec la voix de la révolte et de la mémoire.
Dans l’histoire récente du continent, rares sont les gestes politiques aussi frontalement contraires à l’esprit panafricain que cette mesure gabonaise. Officiellement destinée à « protéger l’emploi des jeunes », elle s’attaque en réalité à l’un des piliers de la fraternité africaine : la solidarité entre nations. Ce texte poétique, à la fois cri et gifle, répond à cette fermeture par l’arme de la parole libre. Il fait écho à la douleur des déplacés, à l’humiliation des travailleurs privés de leur gagne-pain, et au rêve continental trahi.
Mur contre l’Afrique
Libreville,
tu as claqué la porte
non pas au vent,
mais au souffle de l’Afrique.
Tu cries « chômage »
comme on crie « au voleur »,
en pointant du doigt
ceux qui viennent de chez nous,
parce que chez nous,
l’Afrique, c’est partout.
Tu interdis de vendre le pain,
de tresser les cheveux,
de réparer le téléphone,
comme si la liberté
avait un passeport.
L’Agenda 2063 ?
Balayé d’un revers de décret.
À Addis-Abeba, on rêve de routes ouvertes,
à Libreville, on érige des murs de poussière.
Ce n’est pas un métier que tu chasses,
c’est un visage.
Ce n’est pas une loi que tu votes,
c’est une frontière que tu creuses
entre frère et frère, sœur et sœur.
Mais retiens bien, Gabon :
l’exil est un boomerang.
Demain, lorsque les tiens frapperont aux portes,
les échos de ta fermeture
leur répondront : « Circulez ».
Et l’histoire inscrira ce jour,
en lettres noires sur ta mémoire :
ici, un pays a choisi la peur
plutôt que l’Afrique.
Les frontières dessinées par l’histoire coloniale n’ont pas suffi à diviser l’Afrique : certains dirigeants se chargent aujourd’hui de creuser de nouveaux fossés. Le Gabon, par cette interdiction ciblant les étrangers, oublie que chaque Africain est potentiellement un étranger quelque part. L’Agenda 2063 promet une Afrique ouverte et connectée ; Libreville offre, à la place, un avant-goût amer d’un continent cloisonné.
À ceux qui érigent des murs, ce poème rappelle une vérité simple : on ne ferme jamais la porte à l’autre sans finir enfermé soi-même.
Simplice Ongui
Dierecteur de Publication
Afriqu’Essor Magazine
osimgil@yahoo.co.uk
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