La marche organisée par le Front commun, réunissant le PDCI et le PPA-CI, a marqué un tournant politique majeur en Côte d’Ivoire. Avec plus d’un demi-million de personnes dans les rues selon Tidjane Thiam, cette mobilisation a surpris par son ampleur, sa discipline et son caractère pacifique, démentant toutes les prédictions de chaos. Elle a envoyé un message clair : l’opposition peut s’unir et rassembler massivement autour d’un objectif commun, même dans un contexte de répression et de verrouillage politique.
Ce succès, au-delà de la symbolique, installe une nouvelle dynamique dans la bataille pour la présidentielle d’octobre 2025.
Pour les deux leaders du Front commun, Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam, plusieurs choix stratégiques se dessinent. Ils peuvent décider de maintenir la pression par des marches éclatées dans tout le pays, ce qui permettrait d’ancrer la mobilisation dans les régions, de toucher une population plus large et d’affirmer que la contestation n’est pas qu’urbano-abidjanaise. Ils peuvent aussi opter pour un coup d’éclat en organisant une marche du million, concentrée dans une grande ville, destinée à frapper les esprits et à envoyer un signal fort à l’opinion nationale et internationale. Une troisième option consisterait à combiner la mobilisation populaire avec un travail diplomatique intensif auprès des instances régionales, des chancelleries et des organisations internationales, afin de créer un double rapport de force, interne et externe, contre le régime.
Du côté du pouvoir, la gigantesque mobilisation de ce week-end pose un dilemme stratégique. Le RHDP peut choisir de desserrer l’étau, en ouvrant un dialogue politique encadré, en réintégrant partiellement certains opposants exclus du fichier électoral ou en affichant des gestes d’apaisement destinés à réduire la tension. Mais il peut aussi maintenir la ligne dure qui a prévalu jusqu’ici : invoquer la supposée indépendance de la justice pour justifier les exclusions, accentuer la répression ciblée contre les organisateurs et espérer que l’opposition se divise ou s’essouffle. Connaissant la culture politique ivoirienne et la stratégie habituelle du pouvoir, ce second scénario apparaît pour l’instant plus probable, avec un durcissement immédiat suivi de manœuvres tactiques à l’approche de l’élection.
La marche de ce week-end a ouvert un bras de fer qui ne fait que commencer. Si Gbagbo et Thiam parviennent à maintenir l’unité du Front commun et à articuler mobilisation populaire et pression internationale, ils peuvent imposer un rapport de force inédit depuis plus d’une décennie. Mais si le régime réussit à diviser, intimider ou fatiguer la base militante, la dynamique pourrait se briser. La prochaine étape sera déterminante : le choix, le calendrier et l’ampleur de la prochaine mobilisation diront si le demi-million de marcheurs d’hier peut devenir un million demain. Dans tous les cas, la scène politique ivoirienne vient d’entrer dans une phase où la rue redevient un acteur central du jeu électoral.
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