Contribution : La marche du 9 août et le montage catastrophique des violences du 18 février 1992 par Docteur Ben ZAHOUI-DÉGBOU

Des violences sont survenues, à Yopougon, dans la nuit du vendredi au samedi (1er -2 août 2025). Située au nord d’Abidjan, Yopougon est la plus grande commune de Côte d’Ivoire avec environ deux (2) millions d’habitants. Elle est considérée, à juste titre, comme le bastion du Président Laurent Gbagbo, même si Adama Bictogo du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), parti au pouvoir, y a fièrement remporté, « par la fraude », la dernière élection municipale du 2 septembre 2023. Cette victoire du Président Adama Bictogo a été appuyée et légitimée par une mésentente incompréhensible, entre les Honorables Dia Houphouët du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire, section du Rassemblement Démocratique Africain (PDCI-RDA) et Michel Gbagbo, du Parti des Peuples Africains de Côte d’Ivoire (PPA-CI). Il faut noter que ces deux partis s’étaient entendus pour trouver des consensus autour des candidatures à ces municipales.

Bref, aujourd’hui, grâce à Dieu, ils ont mis  en place un  Front commun qui a d’ailleurs reporté sa grande marche du 2 au 9 août prochain. Le RHDP, le parti au pouvoir en Côte d’Ivoire, tremble déjà, depuis l’annonce de cette manifestation qui attend au moins un million de personnes. Et les récents événements de Yopougon qui sentent une cabale mal ficelée, sont un signe évocateur de la panique du régime en place à Abidjan. En effet, une bande de personnes dont certaines encagoulées, armées de machettes, de gourdins, de pistolets, et de cocktails incendiaires, ont mis le feu à un bus de la Société des Transports Abidjanais (SOTRA). Cette bande apparemment surchauffée a également attaqué un véhicule de la Police Nationale, molestant ses occupants.

Nous avons visionné dix fois, les images relatives à ces événements de Yopougon, devenues virales sur les réseaux sociaux et à la déclaration à la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI) de l’un des prévenus qui, visiblement, lisait un texte. Nous en avons fait une analyse sémiologique dont le Professeur Jules Gritti (1924-1998) nous a enseigné la méthodologie, il y a quarante ans. Cette analyse favorisée par la floraison des images, nous conduit indubitablement à un grossier « montage » qui rappelle la marche de l’opposition du 18 février 1992, conduite par le  Front Populaire Ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo, alors, Secrétaire Général de ce parti. Pour les jeunes générations, il convient vivement de revenir, une fois encore, en arrière et d’expliquer, un tout petit peu, ce qui s’est passé ce jour du 18 février 1992.

Et bien, en l’absence du Président Houphouët-Boigny en voyage privé en France, Alassane Dramane Ouattara, Premier Ministre, depuis seulement un an, voulait brûler la Côte d’Ivoire en faisant éliminer Laurent Gbagbo.   Déjà, à cette époque, au-delà du Président Henri Konan Bédié, le Premier Ministre Alassane Dramane Ouattara, voyait en Laurent Gbagbo, un autre adversaire politique, plus coriace que le Sphinx de Daoukro, qui pouvait l’empêcher d’atteindre ses objectifs de prise de pouvoir après la mort du « Vieux » qu’il voyait venir. En effet, il savait le président Houphouët très malade. Sûr de ses soutiens au plan international, pour lui, le Président Henri Konan Bédié, le dauphin constitutionnel, ne représentait aucun danger. Son problème, c’était Laurent Gbagbo.

Le Premier Ministre ADO avait décrété un black-out total sur la marche du Front Populaire Ivoirien (FPI).

A propos de la marche du 18 février 1992, dans le plan funeste d’ADO, la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI) et tous les médias étrangers devaient rester très loin du Plateau, le théâtre des opérations. Le quartier phare de la ville d’Abidjan, avait été bouclé par des militaires et policiers acquis à la cause du Chargé de Missions des Institutions de Breton Woods. Dans l’exécution de sa stratégie d’élimination de Laurent Gbagbo, il avait lui-même donné, à travers Auguste Miremont, Ministre de la Communication, des instructions fermes aux responsables de la maison bleue, pour un black-out total sur cette manifestation constitutionnelle de l’opposition.

Pour le Héros du « Didiga » qui est, aujourd’hui, à la tête de notre pays, depuis déjà quinze (15) ans, c’était clair, il ne devait avoir aucune image sur cette marche et l’assassinat de Laurent Gbagbo. Elle était, cette manifestation de protestation de l’Opposition, il faut le dire, la matérialisation sur le terrain, des  libertés individuelle et collective dans la démocratie naissante en 1992, dans notre pays qui avait retrouvé le multipartisme deux ans plutôt. D’ailleurs, selon Guy Groux, Directeur de recherches, au Centre de Recherches Politiques de Sciences Po (CEVIPOF) et Jean-Marie Pernot, Chercheur à l’Institut de Recherches Économiques et Sociales  (IRES)  « le rôle de la manifestation tient en peu de mots. Partie prenante de l’expression démocratique, notamment de la démocratie directe, la manifestation vise à influer sur l’opinion, à influencer le pouvoir politique et, ce faisant, à contribuer à la naissance de politiques publiques menant à la satisfaction des revendications qu’elle exprime ».

Pour rappel, la manifestation du 18 février 1992, faisait suite à une descente très musclée des forces de l’ordre à la cité universitaire de Yopougon. Il y avait eu des dégâts matériels et physiques, des étudiantes avaient été violées  Le parti de Laurent Gbagbo, exigeait à juste titre des enquêtes pour faire la lumière sur le massacre des étudiants. Le Gouvernement avait ouvert une enquête, mais n’avait pris aucune sanction contre le Général Gueï Robert, Chef d’État Major et ses hommes qui avaient fait une intrusion illégale et violente sur un campus universitaire. Le manque de sanction de la part du Gouvernement, dirigé à l’époque par Alassane Dramane Ouattara, avait conduit, justement, le FPI et plusieurs organisations de la Société civile, a lancé une marche de protestation ce 18 février 1992.

Normalement, elle devait faire, l’objet d’une couverture médiatique de la part de la RTI (Radiodiffusion Télévision Ivoirienne). Mais, le Premier Ministre de l’époque, Alassane Dramane Ouattara, avait décrété un black-out total. Sur la base d’une instruction du Président Houphouët-Boigny, venant de Paris,  contraire à ce black-out de ADO, nous avions couvert la marche du FPI contre la volonté de la hiérarchie de la RTI et de Monsieur Sidia Touré, Directeur de Cabinet, à l’époque,  du Premier Ministre Ouattara.

Sans entrer dans les détails, nous avions été largement briffé, sur ce qui allait se passer ce jour mémorable du 18 février 1992, par  un envoyé du « Vieux » qui vit encore. Le théâtre des opérations se situait au Plateau. Une fois dans ce quartier d’affaires, mon équipe et moi-même, sommes rendus directement au Palais de justice pour attendre le premier acte du scénario de la cabale contre  Laurent Gbagbo. Il savait qu’il courait un grand danger. Son ex-épouse, Simone Ehivet Gbagbo, l’a confirmé dans un documentaire. Le jour de la manifestation, le Leader du FPI et ses amis marcheurs, étaient encore devant la mairie d’Adjamé, quand les loubards de service, transportés par trois minicars, ont commencé à brûler sous nos yeux, une trentaine de voitures devant le Temple de Thémis. Ils avaient des boites d’allumettes et des petits sachets, pleins d’essence, qu’ils mettaient dans les voitures après avoir cassé les vitres.

La voiture de commandement de Laurent Gbagbo, des véhicules devant le Palais de justice et dans le parking au sous-sol de la BAD, avaient été brulés.

Le spectacle était horrible et digne d’un film de fiction. Les deux membres de mon équipe de reportage que nous n’avions pas briffés au préalable,  ne comprenaient absolument rien à ce qui se passait sous leurs yeux. Très courageux, ces deux Messieurs que nous saluons au passage, ne faisaient que leur travail. Ils avaient réussi à filmer  tout ce qui s’était passé au Plateau, ce jour mémorable du 18 février 1992. Le feu avait créé un grand cafouillage devant le Palais de justice où des membres de la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), interdite par ADO comme aujourd’hui, allaient être jugés. Les casses dans les rues du Plateau et le feu dans le parking du sous sol de la Banque Africaine de Développement (BAD), le véhicule de commandement de Laurent Gbagbo et ceux qui y avaient mis le feu, l’immeuble où il avait été mis à l’abri par des Gendarmes, et sa sortie avec eux, tout avait été discrètement filmé.

Après une courte discussion avec le chef des Gendarmes qui nous avait protégés pendant les prises de vues, un Capitaine dont nous taisons volontairement le nom, mes deux compagnons avaient pu  terminer de prendre les images dans tous les endroits prévus dans le plan du gros montage. Visiblement nous avions affaire à des Gendarmes qui avaient reçu l’ordre de sauvé Laurent Gbagbo et de nous protéger. Ils avaient compris très rapidement les raisons de notre présence en ces lieux. Nous étions les seules à avoir les images relatives à cette marche du 18 février 1992.

Le même jour, vers 23 heures, nous avions fait parvenir au « Vieux » les copies en cassettes VHF, du gros montage d’ADO, sur les prétendues casses du Secrétaire Général du FPI et de ses camarades qu’il disait avoir pris « en flagrant délit de destruction » avec des machettes, des gourdins et des armes à feu. Dans ce sens, Laurent Gbagbo, Secrétaire Général du FPI et son épouse d’alors Simone, les Professeurs René Dégny-Ségui, Président de la Ligue des Droits de l’Homme, Francis Wodié, Secrétaire Général du Parti Ivoirien des Travailleurs (PIT), également Député, ainsi que trois cents (300) manifestants avaient été arrêtés  et conduits dans le camp de la Gendarmerie d’Agban à Abidjan. Ils avaient été ensuite transférés à la MACA pour deux ans de prison ferme.  Le Leader du FPI et ses camarades avaient été graciés par le Président Houphouët, après six mois de prison à Yopougon.

Cette grande banlieue, au nord d’Abidjan est malheureusement, depuis le 2 août dernier, ceci après 33 ans, le théâtre d’une nouvelle cabale du même ADO, aujourd’hui Président de la République. Comme en 1992, le scénario est classique, la FESCI (Fédération Estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire) est en ce moment interdite. Il veut interdire par tous les moyens les manifestations politiques sur toute l’étendue du territoire national. Les embrouilles de Yopougon rentrent dans cet objectif. La marche du Front commun (PDCI-RDA et PPA-CI), reportée et prévue pour le samedi prochain (9 août 2025), est naturellement visée. Elle pourrait être définitivement annulée.

Des militants du Parti des Peuples Africains (PPA-CI) ont été enlevés, à leurs domiciles, par des encagoulés.

En effet, suite à un montage qui rappelle étrangement, les événements du 18 février 1992, des militants du PPA-CI dont Pascale Zaholy, Députée suppléante de Yopougon, Kado Gnegbré, Josué Kouamé, Kouassi Brou, Éric Kogo, Fofana Souleymane et Zoh Inza, ont été enlevés à leurs domiciles et conduit manu militari vers des destinations inconnus.

Le Professeur Sébastien Dano Djédjé, Président Exécutif du PPA-CI a condamné  fermement les actes de violence qui ont eu lieu à Yopougon et a exprimé sa compassion aux victimes. Pour lui, cette  manipulation est faite pour que la marche que prévoit le Front commun PPA-CI–PDCI-RDA, le 9 août 2025, ne puisse pas avoir lieu. « On ne peut pas nous dire ici que ce sont les militants du PPA-CI qui ont manifesté, incendié le bus et saccagé le véhicule de police. Nos militants, jusqu’à preuve du contraire, ne sont pas concernés par cette agression », a affirmé le Président Exécutif du PPA-CI. Au cours d’une conférence de Presse, il a dénoncé avec la plus grande fermeté ces pratiques, qu’il juge « anticonstitutionnelles, héritées du passé sombre de notre pays, qui confirment que le régime RHDP persiste dans ses méthodes d’intimidation et de répression politique ».

Évidemment que la sorties des microbes à Yopougon reflète parfaitement les méthodes du parti au pouvoir qui sont d’un autre âge. De toutes les façons, quel parti politique a-t-il l’habitude d’utiliser des machettes, des gourdins, des pistolets artisanaux et des fusils calibres 12, à canon scié dans les marches depuis que le Héros du « Didiga » a fait son entrée sur la scène politique ivoirienne ? Aujourd’hui les choses ont changé. Tout le monde peut prendre des images avec son téléphone portable. Il conviendrait vivement pour les « idéologues et stratèges » du RHDP, d’harmoniser leurs méthodes de manipulations, avec le nouvel environnement numérique, en embauchant de vrais scénaristes et réalisateurs. Grand merci à ceux qui ont mis en images le show, mal monté, des microbes de Mossikro, à travers les rue de Yop City.

Le Procureur de la République du Tribunal de première d’Abidjan-Plateau, devrait en principe s’en inspirer pour identifier les vrais auteurs de la manifestation controversée dans la nuit du 2 août, dans la commune du Maire Adama Bictogo. Ce dernier doit, normalement, des explications à ses administrés et au Gouvernement. Les agissements du parti-État (RHDP) qui sont aux antipodes des pratiques démocratiques, reflètent largement, le comportement narcissique du Héros du « Didiga ». Celui-ci dans sa toute-puissance, a exclus du processus électoral, les grands Leaders de l’Opposition significative en occurrence, le Président Laurent Gbagbo, les Ministres Tidjane Thiam, Soro Guillaume et Charles Blé Goudé.

Aujourd’hui, il est  le seul en lice, issu de l’un des trois plus grandes formations politiques en Côte d’Ivoire, pour briguer un 4ème mandat anticonstitutionnel. D’après des bruits des couloirs présidentiels où nous avons encore des amis qui mangent avec des « bavoirs », oubliant leur passé, l’arrière-arrière-arrière petit-fils de l’empereur Sékou Oumar Ouattara (1665-1745), est très angoissé en ce moment par le projet du Front commun qui veut prendre la rue le 9 août prochain. Il connaît très bien les forces du PDCI-RDA et du PPA-CI. Ce sont des poids lourds !

Persécuté par cette réalité palpable et aussi, par son super ego tyrannique, le Héros du « Didiga » continue toujours de se martyriser lui-même, dans le Fauteuil où sont passés successivement avant lui, de Grands Ivoiriens. Il s’agit de Félix Houphouët-Boigny, d’ Aimé Henri Konan Bédié, du Général Gueï Robert et de Koudou Laurent Gbagbo, son seul bienfaiteur dont la forte aura trouble toutes les nuits son sommeil. Il est envahi par l’esprit de vengeance et lutte en permanence contre le pardon. C’est plus fort que lui. Et pourtant Jésus-Christ de Nazareth prévient clairement « Car, si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi. Mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne pardonnera pas vos fautes » (Mathieu 6 : 14-15). Nous ne gagnons pas le pardon de Dieu en pardonnant, mais Dieu s’attend à ce que ceux qui ont été pardonnés pardonnent en retour. Le Président ADO qui a été pardonné par le Président Laurent Gbagbo, à travers un décret qui l’a mis là, où il est aujourd’hui, devrait en retour lui être reconnaissant.

Il gagnerait beaucoup en amnistiant ses Opposants et en acceptant un Dialogue direct pour aller à une élection présidentielle inclusive, juste et transparente.  Peut-être, ne sait-il pas que dans leurs diversités tribales apparentes trompeuses, les vrais Éburnéens du Sud, du centre, de l’Ouest, de l’Est et du Nord, qui vivent ensemble depuis au moins un siècle, connaissent parfaitement les limites  à ne pas franchir dans les règles informelles de leur cohabitation. Le Président ADO est en train de dépasser les limites du tolérable. Les Ivoiriens attendent toujours la bonne nouvelle. Il reste encore 3 mois pour prendre une bonne décision et sortir par la Grande Porte. Dieu le Père Tout-Puissant protège la Côte d’Ivoire, notre riche et beau pays et exauce nos prières.

Docteur Ben ZAHOUI-DÉGBOU, Géographe-Journaliste,                                                        Spécialiste de Géopolitique et Commerce International                                        (Investissement Directs Étrangers – IDE – et Développement).                                    Masterant en Théologie, BIBLEDOC, Institut de Théologie,                                                              P.O. BOX 118 STAFFORD, VA – USA

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