Justice économique: le Pôle pénal frappe à la poche avant les vacances judiciaires

Rideau sur l’année judiciaire au Pôle Pénal, Économique et Financier (PPEF) d’Abidjan. À la veille de la trêve estivale des cours et tribunaux, la salle d’audience a vibré sous les ultimes sentences d’une juridiction spécialisée qui n’a cessé de frapper là où ça fait mal : à la poche.

« Nous ne sommes pas méchants au Pôle. Nous mettons en prison, mais nous libérons aussi », a déclaré, non sans une pointe d’humour, la présidente du tribunal, au dernier jour d’audience de cette session judiciaire. La Dame d’acier, comme l’appellent certains habitués de la salle, en a profité pour remercier les acteurs judiciaires pour leur contribution durant cette année intense. Les retrouvailles sont prévues pour le 1er octobre, après deux mois de vacances qui n’en sont pas vraiment : « Les tribunaux restent ouverts pour les audiences de vacation. Les vacances permettent aux parquetiers de nettoyer les casseroles », glisse-t-elle avec fermeté.

Derniers coups de marteau

L’une des dernières affaires tranchées par le tribunal économique donne froid dans le dos. Trois prévenus reconnus coupables d’escroquerie et de blanchiment de capitaux écopent chacun de 5 ans de prison ferme. Et ce n’est pas tout. Le tribunal a ordonné la saisie intégrale de leurs biens immobiliers et comptes bancaires, d’un montant astronomique.

La présidente égrène la liste comme un inventaire à la Prévert : pour Dramera G., des terrains à Bingerville et Grand-Bassam, un duplex, un terrain de 800 m² à Angré 7e tranche, deux immeubles R+4 à Bassekoi et Riviera Palmeraie, en plus de comptes bien garnis. Pour Coulibaly L., même scénario : terrains à Attinguié et Assinie, liquidités en banque… L’addition est salée : 879 millions FCFA d’amendes, 293 millions de FCFA à verser à la partie civile, et 106 millions de dommages et intérêts.

Une pharmacienne au banc des accusés

Autre dossier marquant : celui d’une pharmacienne condamnée à 18 mois de prison ferme et six mois d’interdiction d’exercer. Une sanction pour avoir laissé un tiers non habilité gérer son officine. En grande difficulté financière, elle avait accepté une aide de 30 millions FCFA d’un ami opérateur économique. Ce dernier voulait, en échange, superviser la gestion, par l’intermédiaire de son représentant.

Mais le représentant outrepasse vite ses fonctions : il passe des commandes, interagit avec des fournisseurs – des actes réservés à un pharmacien agréé. L’Ordre des pharmaciens s’en mêle, d’abord en interne, puis porte plainte après avoir observé une fréquentation accrue des clients de la communauté du bailleur dans l’officine.

À la barre, les prévenus plaident la bonne foi. Mais la pharmacienne reconnaît avoir déserté son lieu de travail à cause de problèmes familiaux. Une négligence coupable que la justice n’a pas laissée passer. Elle échappe de peu au délit de blanchiment de capitaux, mais sort brisée, professionnelle et moralement.

Une juridiction qui ne chôme pas

Le Pôle Pénal Économique et Financier aura traité un peu plus d’une centaine de dossiers cette année. Des affaires aussi diverses que sensibles : l’affaire Lebayi, celle des gendarmes condamnés pour rétention de drogue en vue de la revente, le scandale QNET impliquant un député, le dossier tentaculaire SNEDAI, ou encore les multiples procès liés à l’orpaillage clandestin.

Créé pour répondre à la montée de la criminalité économique et financière en Côte d’Ivoire, le PPEF s’est imposé comme un acteur central de la gouvernance judiciaire. Son message est clair : la lutte contre l’impunité économique n’est pas un slogan. Elle se mène à la barre, preuve à l’appui, sanctions à la clé.

En attendant la reprise d’octobre, magistrats et parquetiers auront l’occasion de faire le tri, préparer les grands dossiers à venir et « nettoyer les casseroles ». Mais qu’on se le tienne pour dit : au Pôle pénal, économique et financier, la justice frappe sans états d’âme – et toujours là où ça fait mal : au portefeuille.

Avec Fernand Dédeh | Ledebativoirien.net

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