Forêt de la Djibi : le Collectif CAFOD exige la reconnaissance de ses droits d’usage sur 1 042 hectares à Abidjan

Le Collectif des Attributaires de la Forêt de la Djibi (CAFOD) a une nouvelle fois exprimé son ras-le-bol face à ce qu’il qualifie de « spoliation organisée » sur des terres légalement acquises depuis près de six décennies. Lors d’un point presse tenu le 28 juin dernier, les membres du collectif ont réaffirmé leur revendication d’usage sur une parcelle de 1 042 hectares située dans le district d’Abidjan, au cœur d’une vive bataille foncière opposant anciens attributaires, autorités étatiques et promoteurs immobiliers.

 Une querelle foncière de plus de 12 ans

« Cela fait plus de 12 ans que nous expliquons notre situation au ministère de la Construction et de l’Urbanisme, preuves à l’appui. Nous ne demandons qu’une chose : la reconnaissance de nos droits d’usage », a déclaré René Pontékêlitigui, porte-parole du collectif. Le terrain, selon les documents présentés, a été attribué par arrêtés ministériels en 1967 et 1968 à 48 familles, lesquelles y ont mené des activités agricoles pendant plusieurs décennies.

Le cœur du litige concerne environ 300 hectares de cette parcelle, sur lesquels l’État a décidé de lancer la deuxième phase du programme de logements sociaux. Une initiative gouvernementale qui relance les tensions dans une zone déjà marquée par une série de décisions judiciaires contradictoires et des interventions policières récurrentes.

“Ce ne sont pas des terres coutumières”

Le collectif insiste : les terres concernées ne relèvent pas du domaine foncier coutumier, notamment du village d’Ahoué, contrairement aux arguments avancés par certaines autorités locales. « Ces parcelles ont été déclassées par l’État. Aucune communauté ne peut revendiquer un droit coutumier dessus », a martelé Pontékêlitigui.

Harcèlement et intimidations dénoncés

Le juriste Morel Dali, collaborant avec l’entreprise EOXI Nouvelles pour l’aménagement du site, a dénoncé le harcèlement des services du ministère. « Nos machinistes sont régulièrement arrêtés. Récemment, nous avons été conduits à la gendarmerie d’Anyama où, après enquête, le commandant de brigade a confirmé que nous n’avions enfreint aucune loi », a-t-il rapporté.

Pourtant, malgré plusieurs décisions de justice favorables au CAFOD, les travaux d’aménagement sont sans cesse bloqués. « C’est nous qui avons gagné les procès, mais ce sont nous qu’on arrête. Pendant ce temps, ceux qui ont perdu continuent d’occuper les lieux en toute impunité », a regretté M. Dali.

Une affaire politique et économique ?

Selon le Collectif, des promoteurs immobiliers influents – notamment les groupes Addoha et CDC-Capital – auraient bénéficié de l’attribution illégale de parcelles sur le site, relançant ainsi les spéculations sur une éventuelle mainmise politico-économique sur ces terres.

Karamoko Lassana, président du conseil d’administration d’EOXI Nouvelles et mandataire légal du CAFOD, a appelé l’État à prendre ses responsabilités. « Le foncier ne doit pas devenir un facteur d’instabilité sociale. Il faut que les autorités tranchent cette affaire dans le respect du droit et de la justice », a-t-il déclaré à l’AIP.

Des précédents judiciaires ignorés

En 2016, la Chambre administrative de la Cour suprême avait annulé le lotissement “Héritiers Ahoué”, lancé en 2013 sans enquête de commodo et incommodo. Le ministère de la Promotion de la bonne gouvernance avait même ordonné le gel des compensations financières versées par les promoteurs, en attendant une clarification juridique. Mais en février 2023, le ministère de la Construction a relancé le projet sur les mêmes terrains, malgré les décisions antérieures.

Enfin, un décret adopté en Conseil des ministres le 9 avril 2025 a érigé les 300 hectares litigieux en zone d’utilité publique, décision qui relance à nouveau les hostilités entre les attributaires historiques et les pouvoirs publics.

Vers une résolution du conflit ?

Sollicité par l’AIP, le ministère de la Construction n’a pas souhaité faire de commentaire. Le silence de l’administration, face à une affaire aussi sensible, alimente la frustration d’un collectif qui se sent trahi par l’État après avoir contribué, selon ses membres, au développement agricole du pays.

« Nous ne sommes pas contre le développement. Mais il doit se faire dans le respect de nos droits. Ce terrain est le fruit de plusieurs générations de labeur, pas une simple portion à redistribuer selon les intérêts du moment », conclut René Pontékêlitigui.

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