Par Gbansé Douadé Alexis [#AGD], journaliste – Directeur de publication de Connectionivoirienne.net
Vers une démocratie endogène ? Et si la Côte d’Ivoire inventait son propre mode de gouvernance ?
L’annonce « controversée » d’un quatrième mandat du Président Alassane Ouattara, prévue pour l’élection présidentielle du 25 octobre 2025, ravive un débat aussi ancien que les indépendances africaines : celui de l’adéquation entre démocratie occidentale et réalités africaines.
Derrière les crises électorales récurrentes, les alternances conflictuelles, les transitions inabouties ou les exclusions déguisées, se pose une question fondamentale : la démocratie « à l’occidentale » est-elle véritablement applicable en Afrique sans adaptation ?
Un modèle importé, souvent inadapté
Les Constitutions africaines postcoloniales ont été largement inspirées des modèles français, britanniques ou américains [système à deux parties dans les faits], imposant des logiques de multipartisme concurrentiel, de suffrage universel direct et de séparation des pouvoirs. En apparence modernes, ces systèmes peinent pourtant à produire des institutions solides, à garantir des alternances apaisées, ou à refléter les équilibres sociaux, ethniques et historiques des pays africains.
En Côte-d’Ivoire comme ailleurs, ces modèles n’ont pas empêché les guerres civiles, les coups d’État, ou les contestations électorales chroniques. Faut-il y voir les limites d’une démocratie plaquée, étrangère aux mécanismes traditionnels de gouvernance communautaire ?
Et si on osait une refondation locale du pouvoir ?
L’idée peut surprendre, voire choquer les défenseurs orthodoxes de la démocratie libérale : et si la Côte d’Ivoire créait son propre modèle politique, adapté à ses réalités ethniques et régionales ?
Une proposition audacieuse pourrait consister à instaurer une présidence tournante à vie entre les grandes régions du pays. Dans ce système, le Président de la République ne serait plus élu au suffrage universel direct, mais désigné à tour de rôle par les parlements régionaux, eux-mêmes issus d’élections locales.
Chaque région exercerait un mandat présidentiel unique, sur le long terme (voire à vie), dans une logique de stabilité, d’équilibre territorial, et de reconnaissance mutuelle. Le modèle s’appuierait sur les traditions de chefferie et d’autorité ancestrale, où la longévité au pouvoir est gage d’expérience, de cohésion et de sagesse.
Un Sénat d’équilibre et de contrôle
Pour éviter les dérives autoritaires, un Sénat national – organe indépendant composé à parité de représentants régionaux – exercerait un droit de regard sur les grandes décisions, avec pouvoir de veto sur les actes menaçant l’unité ou l’intégrité de la République.
Utopie ou révolution politique ?
Certes, cette idée heurterait les habitudes politiques actuelles, et remettrait en question les dogmes du suffrage universel direct ou de l’alternance régulière. Mais faut-il maintenir un modèle démocratique qui génère à chaque échéance des tensions, des fraudes, des violences et des frustrations collectives ?
Le Nigeria, avec son système de rotation entre nord et sud, ou l’Éthiopie, avec sa structure fédérale ethnique (certes imparfaite), sont autant d’exemples d’expérimentations alternatives. Pourquoi la Côte d’Ivoire ne pourrait-elle pas tracer sa propre voie entre modernité institutionnelle et traditions communautaires ?
(Le) Ce débat mérite d’être ouvert, sereinement, sans tabou, sans dogmatisme. Car il s’agit, au fond, de réconcilier l’État moderne et les réalités profondes et séculaires des peuples ivoiriens et africains.
Et cela commence peut-être par le courage de penser autrement.
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