Cybercriminalité: le fléau du broutage persiste en Côte d’Ivoire malgré les efforts de l’État

En Côte d’Ivoire, la cybercriminalité continue de faire des ravages, portée notamment par le phénomène du broutage, une forme d’escroquerie en ligne dans laquelle de jeunes individus, souvent en situation de précarité, abusent de la crédulité d’internautes à travers des stratagèmes sentimentaux ou professionnels. Si les chiffres récents révèlent une montée en flèche des cas enregistrés, les autorités ivoiriennes multiplient les initiatives pour contrer ce fléau numérique.

Plus de 12 000 cas enregistrés en 2024

Selon les derniers chiffres publiés par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), la Côte d’Ivoire a enregistré 12 100 dossiers liés à la cybercriminalité pour la seule année 2024, contre 8 132 en 2023. Le broutage, souvent mis en œuvre via des profils fictifs sur les réseaux sociaux, représente une part importante de ces infractions.

Le préjudice financier global a toutefois enregistré une baisse notable : il s’élève à 6,9 milliards de francs CFA en 2024, contre 9,2 milliards un an plus tôt. Ce recul est perçu comme le résultat d’une meilleure efficacité des dispositifs de lutte.

Les quartiers ciblés et les profils des brouteurs

Abidjan et plusieurs villes de l’intérieur comme Daloa, Bouaké ou San Pedro sont particulièrement touchées. Les brouteurs opèrent depuis des cybercafés ou des téléphones mobiles, créant de faux profils de femmes séduisantes ou de diplomates, qu’ils utilisent pour amadouer leurs victimes, souvent basées en Europe ou en Amérique du Nord.

En juillet dernier, à Daloa, trois individus se faisant passer pour des agents de la société Qnet ont été arrêtés après avoir séquestré un ressortissant camerounais pour lui extorquer de l’argent. L’affaire, largement relayée par la presse locale, illustre la diversification des méthodes utilisées par ces réseaux.

L’État renforce son arsenal

Face à l’ampleur du phénomène, l’État ivoirien a progressivement structuré sa riposte. La création de l’ANSSI, fusionnant plusieurs entités de lutte contre la cyberfraude, s’est accompagnée d’un renforcement du cadre légal.

La loi 2013‑451 relative à la lutte contre la cybercriminalité, couplée à la loi sur la protection des données personnelles, a été adaptée en 2021 et 2023 pour alourdir les sanctions. Désormais, les auteurs de cyberfraude encourent jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et de fortes amendes.

La Plateforme de Lutte Contre la Cybercriminalité (PLCC), rattachée à la police nationale, joue également un rôle central dans les investigations. En 2023, elle a permis la suppression de plus de 1 600 comptes frauduleux et 280 vidéos portant atteinte à la dignité humaine.

Sensibiliser et coopérer

Parallèlement aux opérations de répression, le gouvernement mise sur la prévention. Des campagnes d’information sont régulièrement menées dans les établissements scolaires, à l’université et dans les médias, pour décourager les jeunes attirés par l’argent facile.

Le pays s’appuie aussi sur une coopération internationale renforcée avec INTERPOL, les polices européenne et américaine, et des partenariats avec les géants du numérique comme Meta pour identifier et neutraliser les réseaux transnationaux.

Une lutte encore incomplète

Malgré les efforts engagés, les chiffres montrent que le broutage reste profondément enraciné dans certains milieux urbains, porté par le chômage des jeunes, l’accès massif à Internet, et la fascination pour une réussite rapide. La baisse des préjudices financiers pourrait toutefois être le signe que la stratégie actuelle commence à produire des effets.

À l’approche des échéances électorales de 2025, les autorités entendent maintenir la pression sur ces réseaux, dont certains sont soupçonnés de liens indirects avec des activités plus organisées. Le combat est encore long, mais les lignes bougent.

F. Kouadio

Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info

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