Tidjane Thiam sous pression : retrait stratégique ou fuite politique ? Les militants s’impatientent face à son absence prolongée

Comme le disait Mao : « Seuls les vivants (les libres) mènent la lutte. » Autrement dit, la préservation de la vie [la liberté] est un préalable à tout engagement.

À moins de trois mois de l’élection présidentielle prévue en octobre 2025, la discrétion prolongée de Tidjane Thiam, président du PDCI-RDA, commence à soulever des critiques croissantes, y compris au sein de sa propre formation politique. Devenu en janvier 2024 le visage du renouveau tant attendu du plus vieux parti de Côte d’Ivoire, l’ancien patron du Crédit Suisse est aujourd’hui au cœur d’un débat houleux : est-il en retrait stratégique ou en fuite politique ?

Depuis plusieurs semaines, Tidjane Thiam n’a pas remis les pieds en terre ivoirienne, malgré l’intensification des préparatifs électoraux. Cette absence, jugée préoccupante par de nombreux militants, fragilise la cohésion de l’opposition et alimente le scepticisme, y compris au sein de l’alliance PPA-CI / PDCI-RDA.

Une interview qui relance la polémique

Interrogé par le journaliste Alain Foka sur les raisons de cette absence prolongée lors d’une interview accordée à AFOMédia, l’ancien ministre du Plan d’Henri Konan Bédié a livré une déclaration aussi intrigante qu’inquiétante. À la question directe : « Êtes-vous en exil ou êtes-vous libre ? », Thiam a répondu :

« Moi, j’attends qu’on me donne les garanties pour pouvoir faire mon travail de président de parti… Quelqu’un – une voix autorisée – a dit à mon frère Augustin, qui est au RHDP : ‘Si ton frère met les pieds en Côte d’Ivoire, il sera immédiatement arrêté.’ »

Une déclaration qui fait l’effet d’une bombe dans l’opinion, mais qui, faute de précisions sur la nature des menaces supposées, laisse planer un doute. Relancé par le journaliste sur les motifs éventuels de cette menace d’arrestation, Thiam s’est abstenu de tout commentaire, renvoyant la balle aux autorités ivoiriennes.

Un flou qui irrite jusqu’au sommet de l’opposition

Au sein de la classe politique, cette sortie est diversement interprétée. Dans l’entourage du pouvoir, certains dénoncent une stratégie de victimisation sans fondement. « Aucune procédure judiciaire n’est en cours contre lui », assure un cadre du RHDP. « Même Laurent Gbagbo, plus virulent et constant dans ses critiques, est en Côte d’Ivoire. Il circule librement. »

Des propos qui soulignent, selon les proches du régime, une volonté de Thiam de maintenir une posture ambiguë : entre posture d’otage politique et stratégie d’esquive. Pour d’autres, l’ancien banquier tente simplement de ménager ses arrières dans un climat qu’il juge potentiellement hostile.

Des doutes sur sa capacité à incarner le leadership électoral

Mais c’est surtout au sein du PDCI-RDA que les interrogations deviennent pressantes. De nombreux cadres, souvent sous anonymat, s’inquiètent d’un style de gestion trop distant, technocratique, voire déconnecté des réalités ivoiriennes. La base militante, notamment les jeunes et les fédérations régionales, multiplient les appels au retour immédiat du président du parti.

« Un chef de parti ne peut pas diriger à distance, surtout dans une année électorale aussi cruciale. C’est à Abidjan qu’on gagne une présidentielle, pas à Paris ni à Genève », confie un baron du parti, visiblement agacé.

Certains craignent que l’absence prolongée de Tidjane Thiam ne démobilise l’appareil politique du PDCI-RDA, fragilise la dynamique de coalition avec le PPA-CI et laisse le terrain libre au RHDP d’Alassane Ouattara.

Un retour pour la marche du 2 août ?

Alors que la grande marche de protestation de l’opposition, prévue le 2 août prochain, se profile comme un moment fort de mobilisation, l’absence de Tidjane Thiam pourrait être interprétée comme un aveu d’impuissance ou une fuite des responsabilités.

La question reste donc entière : Tidjane Thiam reviendra-t-il en Côte d’Ivoire à temps pour conduire sa campagne ? À 90 jours du scrutin, l’opinion publique, les militants, et ses alliés attendent une réponse claire. Car au-delà des discours, c’est sa présence physique et son engagement de terrain qui seront désormais les seuls gages crédibles de sa volonté de conquérir le pouvoir.

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