Koffi Badou
@ccexp_politiqueJe n’écris pas contre un homme, ni pour un autre.
J’écris parce que je crois que la politique n’est pas une affaire de foi aveugle, mais de lucidité, d’anticipation et de responsabilité. Ce que je vois aujourd’hui au sein du PPA-CI m’inquiète. Et je le dis avec d’autant plus de gravité que je mesure le poids historique de Laurent Gbagbo et son parti et l’importance de son rôle dans la construction de l’alternance démocratique en Côte d’Ivoire.
Laurent Gbagbo reste une figure centrale. Son intelligence politique, sa mémoire historique et sa capacité d’analyse sont intactes. Mais il serait malhonnête de ne pas reconnaître que, physiquement, l’homme n’est plus ce qu’il était. L’âge est là, visible. Et avec lui, les séquelles d’années de détention, d’exil, de violences subies – y compris dans sa propre chair, à la prison de Korhogo. Cela ne le diminue pas. Cela le rend humain. Et c’est précisément parce qu’il est humain que le parti qu’il a fondé devrait avoir la maturité de penser l’après, non pas dans la rupture, mais dans la transmission.
Or, ce que nous observons aujourd’hui, à travers l’affaire Don Mello, c’est l’inverse : un parti qui se ferme, qui se raidit, qui confond fidélité et paralysie.
1. Le contexte de déclarations et exclusions
Le 23 juillet 2025, Ahoua Don Mello, vice-président du PPA-CI chargé du panafricanisme, annonce officiellement sa candidature à la présidentielle. Loin d’une rupture, cette initiative est présentée comme un plan de précaution, une anticipation logique si jamais Laurent Gbagbo était empêché.
Mais le parti, au lieu d’ouvrir le débat, opte pour la purge. Deux cadres sont exclus pour avoir soutenu publiquement cette démarche. Une manière claire de rappeler que la seule candidature autorisée est celle du fondateur. Et toute autre voix, même posée, est traitée comme une offense.
Ce qui frappe, c’est cette capacité à voir la pensée comme une menace, à traiter toute initiative comme une trahison. Face à un pouvoir aussi verrouillé que le régime actuel, le PPA-CI aurait pu se distinguer par sa maturité stratégique. Il a choisi la fermeture et la sanction.
On appelle ça « unité », mais soyons honnêtes : c’est une unité de façade, construite sur le refus du débat. Et à force d’étouffer toute divergence, c’est le souffle même du parti qui s’éteint. Le danger ne vient pas d’un Don Mello qui réfléchit, mais d’un appareil qui punit ceux qui osent encore penser.
2. Une stratégie de positionnement ?
Certains pensent que la sortie de Don Mello aurait été tolérée ou même orchestrée en interne. Mais dans ce cas, la cacophonie actuelle est un terrible aveu d’amateurisme. Et si elle ne l’était pas, c’est encore plus inquiétant.
Un parti qui coupe ses propres branches finit par s’effondrer. Don Mello n’est pas n’importe qui. Il incarne une voix panafricaniste crédible, un discours stratégique structuré. Le rejeter de la scène politique interne, c’est refuser toute perspective de succession réfléchie. Et cela révèle une incapacité chronique à envisager un futur sans le fondateur.
3. Pourquoi cette crise suggère l’auto-destruction potentielle
Un parti ne meurt pas toujours sous les coups de ses ennemis. Parfois, il s’épuise à force de refuser d’évoluer. C’est le cas ici. Quand on réduit toute ambition politique à une seule figure, aussi légitime soit-elle, on s’expose au vide dès que cette figure disparaît.
Le PPA-CI fonctionne aujourd’hui comme une structure figée dans une logique de sauvegarde, et non de construction. Il ne prépare pas l’alternance. Il prépare la vacance. Il ne développe pas un projet d’ensemble. Il protège une biographie.
Ce que cette crise révèle surtout, c’est une méthode : l’étouffement, la précipitation, la réaction impulsive. Pas de médiation. Pas de réflexion collective. Juste l’exclusion. Et dans l’opinion, cette image commence à coller au parti : un appareil verrouillé, incapable d’écouter ses propres cadres comme le RHDP.
En politique, on mesure la maturité d’un mouvement/parti à sa capacité à absorber le désaccord. Ici, on l’expulse. Et ce réflexe, s’il se répète, affaiblira définitivement l’idée que le PPA-CI est un parti démocratique.
4. Survivra-t-il ?
Enfin, un héritage politique n’est pas fait pour être sacralisé. Il est fait pour être transmis, adapté, prolongé. Or, aujourd’hui, le PPA-CI semble plus préoccupé à le protéger comme un musée qu’à le faire vivre dans la réalité d’un pays qui change.
Si rien ne bouge, si le parti ne s’ouvre pas, ne débat pas, ne se prépare pas à l’après-Gbagbo, alors oui, il disparaîtra. Et ce jour-là, personne ne pourra accuser le régime, ni la CEI, ni Paris.
Ce sera un effondrement de l’intérieur, né de la peur d’envisager l’avenir autrement.
Et ce serait, à mes yeux, une tragédie politique évitable.
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