Lettre suspecte, manœuvre trouble, et stratégie d’attaque sur un terrain facile
Ce qui aurait pu rester une divergence tactique, exprimée dans les formes politiques usuelles, s’est mué en une séquence de manipulation orchestrée avec une précision suspecte. L’« affaire Don Mello », du nom de l’ancien ministre promu intellectuel errant, révèle beaucoup plus qu’un simple désaccord stratégique : elle expose une volonté souterraine de reconfigurer les équilibres autour de Laurent Gbagbo par des méthodes sournoises. Au cœur de cette manœuvre, une cible revient de manière insistante : Nadi Bamba. Non pas pour ce qu’elle a fait, mais pour ce qu’elle incarne.
Femme de confiance, figure médiatique assumée, épouse du Président Laurent Gbagbo sans fonction officielle, elle est devenue le paratonnerre commode des frustrations, des ambitions contrariées et des règlements de comptes politiques non assumés. Les attaques, souvent sourdes, toujours insidieuses, convergent : on l’accuse, sans jamais le dire franchement, d’être le verrou entre Gbagbo et les autres, la gardienne d’un cercle fermé, voire une sorte d’éminence grise opaque.
Mais que lui reproche-t-on exactement ? D’avoir reçu Don Mello avant Gbagbo — si tant est que ce dernier ait effectivement été reçu ? D’incarner une proximité qui fait ombrage à ceux qui peinent à retrouver un chemin vers le cœur du pouvoir ? Ou tout simplement d’être une femme influente dans un environnement encore profondément patriarcal ?
La vérité est ailleurs. Ce que certains n’osent pas dire en face de Laurent Gbagbo, ils tentent de le faire entendre en creux, en ciblant son entourage le plus fidèle.
Une sÉquence biaisÉe : la lettre de Don Mello, ou le coup politique manquÉ
Derrière cette polémique, il y a un fait brut : Ahoua Don Mello a remis une lettre à Nadi Bamba, contenant des propositions confidentielles, dont celle de préparer des « candidats de précaution » au cas où Laurent Gbagbo serait empêché de concourir en 2025. En soi, la démarche aurait pu nourrir un débat stratégique interne, si elle avait été portée avec loyauté et transparence. Mais ce n’était pas visiblement l’objectif.
Car très vite, cette proposition, loin d’être discutée collectivement dans les organes du PPA-CI, a donné lieu à une campagne de discrédit personnel. Le contenu de la lettre a été moins commenté que le canal choisi pour la transmettre — une tentative grossière de déplacer le débat politique vers un terrain de suspicion, de fantasmes et de récits empoisonnés.
Au lieu d’assumer un désaccord avec clarté et courage, Don Mello et ses relais préfèrent souffler sur les braises d’un storytelling déviant : celui d’un Gbagbo enfermé, manipulé, confisqué — et derrière tout cela, une seule figure : Nadi Bamba.
La personnalisation : un outil lâche, un poison pour la cohésion
Ce glissement n’est pas anodin. Il est symptomatique d’un manque de courage politique. On n’attaque plus les idées, on cible des personnes. On ne débat plus de stratégie, on construit des figures diabolisées. Et dans ce théâtre d’ombres, Nadi Bamba est érigée en symbole gênant : femme visible, loyale, discrète, mais influente. Un profil insupportable pour les hommes en mal de reconnaissance.
Ce type d’attaque est vieux comme le monde : on ne s’en prend pas directement au leader, on cible son entourage. On n’ose pas affronter le père, alors on insinue que la femme serait la vraie détentrice du pouvoir. Une mécanique sexiste, usée, mais encore diablement efficace dans un environnement où la parole politique reste dominée par les codes virilistes.
Ceux qui orchestrent ou relaient ce « bamba bashing » ne s’interrogent pas sur leur propre impuissance, leur propre éloignement, leur propre insignifiance stratégique. Ils préfèrent projeter leurs échecs sur une figure féminine, parce qu’elle est là, visible, et silencieuse — et donc, idéale pour tous les fantasmes.
Don Mello : le faux visionnaire et le vrai pyromane
Si cette crise est l’occasion de nommer les responsabilités, alors il faut le faire clairement : Ahoua Don Mello a manqué de loyauté, de clarté et de méthode. Ce qui aurait pu être une contribution au débat s’est transformé en provocation opaque. En envoyant une lettre « confidentielle » à une personne sans fonction officielle, puis en laissant son contenu fuiter — tout en se posant en victime d’un système verrouillé — il a agi en sous-marin plus qu’en stratège.
Il ne s’agit pas ici d’invalider toute critique ou tout débat interne. Il s’agit de dénoncer une méthode : celle du calcul personnel, de la communication indirecte, de la victimisation feinte. En cela, Ahoua Don Mello ne se distingue pas du reste de la classe politique classique qu’il prétend pourtant combattre : il en incarne les travers les plus pernicieux. À commencer par l’incapacité à faire preuve de clarté et de loyauté dans les moments décisifs.
Un parti en proie aux divisions instrumentalisÉes
Le « Nadi Bamba bashing » est donc un symptôme. Celui d’un désarroi interne, d’un déficit de cap assumé, mais aussi d’une fébrilité pré-électorale. Ce discours toxique est relayé par plusieurs groupes aux intérêts convergents :
- Des anciens du FPI-Affi qui attendent l’implosion du camp souverainiste comme on attend la pluie en saison sèche ;
- Des cadres frustrés, marginalisés par l’évolution du mouvement, qui cherchent à exister en sapant l’unité ;
- Des médias en mal de sensations, friands de récits psychologisants ;
- Des militants désorientés, qui peinent à comprendre le changement de ton, et confondent visibilité féminine et pouvoir occulte.
Le sexisme politique, ici, joue à plein. Une femme proche du pouvoir, mais sans fonction officielle, visible mais discrète, est immédiatement perçue comme manipulatrice, intrusive, suspecte. C’est le ressort classique de la sorcière politique : on ne peut pas prouver sa faute, mais on l’accuse quand même, parce que cela arrange.
L’heure des choix : dÉbat stratÉgique ou mise en scÈne ?
En détournant l’attention sur Nadi Bamba, on évite les vrais débats : sur la ligne politique du parti, sur la préparation électorale, sur les alliances possibles, sur la souveraineté populaire. Pendant que les plumes et les langues s’agitent sur des rumeurs, le peuple ivoirien affronte la vie chère, l’exclusion, la violence sociale, l’abandon institutionnel.
Le PPA-CI ne peut pas se permettre ce théâtre d’ombres. Soit le parti assume sa maturité et organise un débat stratégique transparent, dans ses organes légitimes. Soit il se perdra dans les non-dits, les coups bas, et les lettres sous la table. Et dans ce cas me ménage immédiat s’impose.
Conclusion :
Nadi Bamba n’est pas le problÈme. Elle est le prÉtexte.
Ceux qui ciblent Nadi Bamba se trompent d’époque, de cible, et de combat. Elle n’est ni la cause des tensions, ni le verrou du débat. Elle est, au contraire, un symptôme de ce que certains refusent d’accepter : la fin du monopole sur les proximités politiques, la fin du pouvoir sans légitimité populaire, la fin du fantasme providentiel accessible à tous.
Le PPA-CI a besoin d’unité, pas de purges informelles. Il a besoin de débats francs, pas de lettres biaisées. Il a besoin de projets, pas de procès d’intention.
Et surtout, il a besoin de se rappeler une évidence : on ne construit pas un avenir souverain sur des rancunes personnelles.
Le peuple n’a que faire des jalousies d’initiés. Il veut du courage, de la clarté, de la vision. Pas des règlements de comptes voilés derrière des figures faciles à haïr.
Dr Kock Obhusu
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