Selon « Opera News » du 12 juillet 2025, Ahoua Don Mello, ancien ministre et actuel représentant de l’Afrique de l’Ouest et du Centre auprès des BRICS, lancera son propre parti politique — le Mouvement Souverainiste de Côte d’Ivoire —, le 19 juillet 2025.
La question qui vient immédiatement à l’esprit est la suivante: Don Mello peut-il battre le candidat du RHDP sans le soutien de Laurent Gbagbo ? Ce dernier, malgré sa radiation potentielle des listes électorales, reste une figure emblématique de la gauche ivoirienne. Il conserve une base fidèle, notamment dans les régions de l’ouest et du sud du pays. Or, selon certaines sources proches du Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), Gbagbo ne serait pas prêt à adouber officiellement Don Mello.
Cette absence d’onction pèse lourd. Gbagbo, ancien président et figure historique de la résistance à l’impérialisme français en Afrique de l’Ouest, représente encore une référence morale et politique pour de nombreux Ivoiriens. Sans lui, Ahoua Don Mello risque de voir une frange importante de l’électorat de gauche lui tourner le dos.
Mais tout n’est pas perdu pour l’ancien ministre de l’Équipement et de l’Assainissement. Le contexte politique est en recomposition. Au sein même du PPA-CI, des voix s’élèvent contre le boycott du scrutin d’octobre. Plusieurs cadres et militants souhaitent une participation active, arguant que l’abstention n’a jamais permis d’influencer durablement le cours des choses. Pour eux, Don Mello représente une alternative crédible, à la fois légitime, compétente et expérimentée.
Ces partisans de la « gauche d’action » pourraient donc se rallier à sa candidature si la radiation de Gbagbo devenait effective. L’enjeu, pour Don Mello, sera de convaincre ces militants qu’il incarne la continuité idéologique du souverainisme sans trahir les fondamentaux du combat mené depuis les années 2000. Cela impliquera une stratégie d’ouverture.
Un front souverainiste à construire
Pour maximiser ses chances, Don Mello devra initier des alliances larges, audacieuses et stratégiques. Il lui faudra approcher les leaders de la gauche historique: Pascal Affi N’Guessan, Simone Éhivet Gbagbo, Charles Blé Goudé, Mamadou Koulibaly, les cadres du Parti ivoirien des travailleurs (PIT), les membres de l’Union des socio-démocrates, ainsi que les intellectuels souverainistes.
Le message devra être clair: il ne s’agit pas d’un projet personnel, mais d’un programme de reconquête nationale, de souveraineté et de justice. Il devra leur proposer un véritable contrat de gouvernance basé sur une répartition équitable des responsabilités gouvernementales en cas de victoire. L’heure est à la coalition, à l’union des forces patriotiques.
Inspiré par l’exemple du Mali, du Burkina Faso et du Niger, Don Mello peut incarner la volonté d’une rupture avec 15 ans de gouvernance perçue comme inféodée à la France. Il doit apparaître comme celui qui redonnera à la Côte d’Ivoire sa voix propre dans le concert des nations.
Un capital identitaire à ne pas négliger
Au-delà des calculs politiques, la sociologie ivoirienne demeure un facteur déterminant dans toute élection présidentielle. Ahoua Don Mello pourrait bénéficier d’un avantage non négligeable. Il est issu d’un mariage interethnique, son père étant agni et sa mère baoulée. Ce croisement Akan pourrait séduire un électorat traditionnellement partagé entre le RHDP et l’opposition, surtout dans un contexte où la mémoire de la perte du pouvoir en 1999 reste vivace.
Le groupe Akan, qui a dominé la scène politique ivoirienne pendant plusieurs décennies, pourrait voir en Don Mello un moyen de reconquérir une certaine centralité politique. C’est une donnée sociologique essentielle dans un pays où les équilibres ethniques et régionaux continuent d’influencer fortement les choix électoraux.
Par ailleurs, les peuples de l’Ouest, traditionnellement fidèles à Gbagbo — Dida, Bhétés, Guérés, Wobès — pourraient également soutenir Don Mello. Non par pur loyalisme, mais parce qu’il défend les valeurs qui leur sont chères: justice, liberté et souveraineté.
On peut en dire autant des groupes lagunaires — Attié, Abbey, Adjoukrou, Aladjan, Ébrié, Avikam — souvent marginalisés dans les grandes équations politiques nationales. Don Mello, par son discours inclusif et son positionnement anti-système, pourrait apparaître comme un vecteur de renouveau politique.
Sortir Gbagbo par la grande porte
De nombreux Ivoiriens estiment aujourd’hui que Laurent Gbagbo devrait faire passer l’intérêt national avant l’intérêt partisan. Lui-même avait déclaré un jour que, après 75 ans, un individu ne dispose plus de l’énergie nécessaire pour diriger un pays. Dès lors, soutenir clairement Don Mello serait une manière honorable de se retirer de la scène politique sans abandonner le combat souverainiste qu’il a incarné durant des décennies.
Ce soutien serait non seulement un geste fort, mais aussi un acte de transmission. Gbagbo passerait ainsi le flambeau à un homme de confiance, qui a toujours fait preuve de loyauté et de compétence. Un homme formé, rompu aux arcanes du pouvoir, et prêt à conduire la Côte d’Ivoire vers une nouvelle ère, libérée de toute tutelle étrangère.
Conclusion : Une chance historique à saisir
Don Mello, en annonçant la création de son propre parti, ne fait pas que poser sa candidature à l’élection présidentielle. Il propose une autre voie: celle d’un État souverain, indépendant, solidaire et tourné vers les défis africains du XXIe siècle. Mais, pour transformer cette vision en réalité, il lui faudra surmonter deux obstacles majeurs: l’absence de soutien explicite de Gbagbo et la méfiance d’une partie de l’opinion encore attachée à la figure du vieux lion.
S’il parvient à bâtir une coalition forte, à rassembler les souverainistes de tous bords et à incarner un projet national transcendant les clivages habituels, alors oui, Ahoua Mello peut devenir le prochain président de la Côte d’Ivoire.
Jean-Claude DJEREKE
Commentaires Facebook