Révélations sur SNEDAI: entre clientélisme d’État, affairisme familial et corruption

Avec Enquête-Media
Monopole, favoritisme et conflits d’intérêts : ce que révèle l’affaire SNEDAI

Fondé en 2007 par l’homme politique et homme d’affaires ivoirien Adama Bictogo, le groupe SNEDAI (Société Nationale d’Edition de Documents Administratifs et d’Identification) est longtemps apparu comme un symbole du succès industriel ivoirien. D’un cœur d’activité centré sur la production des passeports biométriques, le groupe a multiplié ses secteurs d’intervention, allant des nouvelles technologies à l’immobilier, en passant par les mines et le transport.

Mais derrière cette façade de diversification et d’expansion, plusieurs affaires de corruption, malversations et gestion opaque éclaboussent désormais le groupe et son fondateur, mêlant népotisme, faillites frauduleuses, détournements financiers, et trafics illicites.

SNEDAI : Un géant ivoirien aux activités protéiformes

SNEDAI, dirigée historiquement par Adama Bictogo, emploie près de mille personnes et possède 14 filiales dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest. Si le groupe est surtout connu pour la gestion du marché des passeports et visas biométriques – un contrat public majeur dont le chiffre d’affaires avoisine plusieurs centaines de millions d’euros –, il s’est rapidement étendu aux secteurs de l’énergie, des mines, du BTP et du transport.

Selon Jeune Afrique, les contrats publics que le groupe décroche peuvent atteindre des montants astronomiques, à hauteur de 2 000 milliards de Francs CFA, soit environ 3 milliards d’euros. Cependant, cette réussite apparente est ternie par des révélations inquiétantes.

MARYLIS BTP Sénégal : Une faillite aux lourdes conséquences

En 2016, SNEDAI, via sa filiale sénégalaise MARYLIS BTP, obtient en consortium un marché colossal : la construction de l’Université Amadou Mahtar Mbow à Diamniadio, pour près de 91 millions d’euros. L’État sénégalais verse la moitié de la somme en avance. Pourtant, quatre ans plus tard, les travaux sont quasiment à l’arrêt.

Résultat : en décembre 2019, le ministère sénégalais résilie le contrat. En 2020, MARYLIS BTP est déclarée en faillite, accusée d’avoir laissé des créanciers impayés pour au moins 3 millions d’euros. Selon des sources proches du dossier, sur les 30 milliards versés, à peine 30% des travaux auraient été réalisés.

Le président sénégalais Macky Sall a dû confier la poursuite des travaux à une entreprise turque, tandis que l’État sénégalais se retrouve, en lieu et place de la société liquidée, à devoir honorer les dettes.

Scandale des passeports : trafics et détournements

En 2023, un scandale retentissant secoue le pays : plusieurs binationaux libano-ivoiriens sont arrêtés, soupçonnés d’avoir frauduleusement obtenu des passeports ivoiriens et d’avoir orchestré un trafic international. L’enquête, confiée à une unité d’élite de la police ivoirienne, révèle que certains employés de SNEDAI pourraient être impliqués.

Parallèlement, des anomalies financières majeures sont relevées dans la gestion des droits perçus sur la délivrance des passeports et visas. La Cour des comptes signale des déficits inquiétants dans les recettes reversées à l’État, tandis que des soupçons de détournement pèsent sur SNEDAI.

Le groupe dément fermement toute implication, affirmant ne pas avoir accès aux fonds collectés, qui seraient placés sur un compte séquestre détenu exclusivement par l’État. Pourtant, des voix s’élèvent pour dénoncer un système opaque, qui enrichirait certains responsables au détriment des finances publiques.

Le compte séquestre pour les passeports ivoiriens a-t-il-été utilisé par SNEDAI ? Si oui, de combien ? Affaire procès SNEDAI de Bictogo : le parquet réclame 7 ans de prison ferme et 5 milliards FCFA d’amende contre le DAF de SNEDAI pour détournement de 1,6 milliard FCFA… EnqueteMedia reviendra sur ces affaires avec des révélations inédites.

Adama Bictogo, l’homme au double visage…

Adama Bictogo, fondateur et figure centrale du groupe SNEDAI, est aussi une personnalité politique majeure. Proche d’Alassane Ouattara depuis les années 1990, il a successivement occupé des postes gouvernementaux, dont celui de ministre de l’Intégration africaine. Il est aujourd’hui président de l’Assemblée nationale et secrétaire exécutif du RHDP, le parti présidentiel. Mais ce parcours politique est entaché par plusieurs affaires judiciaires :

L’affaire SOEXIMEX : un litige commercial autour d’un prêt non remboursé, accusant Bictogo d’escroquerie en France.
Le scandale du Probo Koala : lié au déversement de déchets toxiques à Abidjan en 2006, cette affaire a révélé le détournement des indemnités promises aux victimes. Adama Bictogo est soupçonné d’avoir profité de ces fonds par le biais de sa société de consulting.

Malgré ces accusations graves, Adama Bictogo nie toutes les malversations et poursuit son ascension politique.

Une dynastie en place : la famille Bictogo au cœur du groupe

Le groupe SNEDAI est aujourd’hui largement contrôlé par la famille Bictogo. Plusieurs membres occupent des postes clés :

Lisa Sarr Bictogo, fille d’Adama Bictogo, est directrice générale adjointe.
Alassane Bictogo, frère aîné, préside le Conseil d’administration.
Dramane Bictogo, autre frère, dirige les achats du groupe.
Salif Bictogo, président de SNEDAI Côte d’Ivoire et acteur influent du football ivoirien.
Michel Moumouni Bictogo, homme d’affaires dans le secteur minier, impliqué dans un conflit d’actionnaires avec des proches du pouvoir.

Cette concentration des pouvoirs familiaux alimente des accusations de népotisme et de conflits d’intérêts, aggravant les soupçons d’une gestion opaque et clientéliste.

Un groupe aux multiples zones d’ombre.

L’enquête révèle un réseau d’affaires où la politique, les intérêts familiaux et la gestion d’un groupe multisectoriel s’entremêlent dangereusement. Entre faillites non expliquées, détournements de fonds publics et trafics documentés, le groupe SNEDAI illustre à lui seul les défis majeurs de la gouvernance en Côte d’Ivoire.

Alors que le contrat des passeports biométriques arrive à échéance en 2024, l’État ivoirien devra faire face à un choix décisif : continuer à confier un marché stratégique à un groupe en proie à des scandales, ou rompre avec un système opaque et poser les bases d’une gestion transparente et responsable.

www.enquetemedia.info poursuivra le suivi de ces affaires en croisant témoignages, documents judiciaires et analyses économiques afin d’éclairer le débat public et défendre l’intérêt général. Des révélations chocs à suivre…

Jovial Destrick, EnqueteMedia

Commentaires Facebook

Laisser un commentaire