Depuis le début de cette journée de samedi, la toile est enflammée par une lettre attribuée à Ahoua Don Mello, vice-président du Ppa-Ci en charge de la promotion du panafricanisme. La lettre n’est pas encore démentie et son parti le Ppa-Ci n’a pas encore réagi officiellement. Les spéculations et les commentaires vont quant à eux dans tous les sens. Don Mello, dans cette lettre relativement profuse, demande à son »camarade président » d’autoriser deux ou trois autres candidatures à côté de la sienne pour ne pas que le Ppa-Ci soit absent aux joutes électorales du 25 octobre 2025 au cas où le conseil constitutionnel disqualifiait le Woudy de Mama.
Il n’en fallait pas plus. Pour ceux qui privilégient la réflexion et qui refusent de s’accrocher aux hommes préférant la vie des idées et la survie de la vision, Don Mello n’a pas mal fait de soulever ce débat dans son parti politique. Pour les partisans de cette ligne, il faut pousser la réflexion, analyser tous les risques et contours d’une non candidature du Ppa-Ci. Une chose qui serait contre-productive pour le parti tant le découragement gagnerait les militants qui devront attendre encore 5 ans, les espoirs compromis.
Pour les puristes pro-Gbagbo, ceux-là qui restent fusionnellement attachés à la personne de l’ancien président, la sortie de Don Mello serait un crime de lèse-majesté. Elle exprime les ressentis d’un homme qui ne veut pas croire à la lutte jusqu’au-boutiste d’autant plus que le parti s’est allié au Pdci pour justement lutter ensemble pour obtenir la participation de Thiam et de Gbagbo après des concessions de Ouattara et du Rhdp au pouvoir. Ne pas soutenir cette position est considéré comme une fuite en avant, une expression de faiblesse et d’opportunisme. Pour eux, le candidat unique du Ppa-Ci demeure Laurent Gbagbo, pas besoin d’un plan B ou d’une quelconque alternative.
Pourtant le temps court, les jours s’égrènent et aucun espoir de participation des deux leaders ne pointe à l’horizon. Les différents médiateurs Union africaine, Cedeao, Sant’ Egidio, Sages d’Afrique qui ont accouru n’ont jusque-là pas ébauché le moindre plan de sortie de crise encore moins une proposition à étudier. Il y a comme une volonté d’endormissement de l’opposition pour que le camp au pouvoir vienne donner le dernier coup fatal. La Cei de son côté, soufflant le chaud et le froid continue de dérouler son calendrier contre toutes les critiques sans jamais se remettre en cause. Elle entretient l’espoir de participation des exclus de la liste électorale en leur remettant les kits d’e parrainage. Comment dans ces conditions on peut naïvement croire qu’Alassane Ouattara peut consentir le dialogue demandé et prendre des mesures de repêchage pour les exclus ?
La position partagée par Don Mello de désigner des candidats de précaution qui ne sont pas concurrents du »camarade président Gbagbo » et qui retireraient leur candidature en cas d’admission de sa candidature n’est pas si mauvaise que ça. Elle est réaliste, elle est moins suicidaire et permet de progresser vers un climat d’apaisement général que la belligérance qui va être occasionnée par la défiance absolue. Le soir de l’établissement de la liste des candidats, on appréciera tous.
SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr
LA LETTRE DE DON MELLO
Abidjan, le 29 Juin 2025
OBJET : Élections présidentielles d’Octobre 2025 en Côte d’Ivoire.
Camarade Président,
J’ai l’honneur de porter à ta connaissance ce qui suit :
Nous sommes à un tournant décisif de l’Histoire de l’humanité et de celle de la Côte d’Ivoire. Ces deux Histoires sont intimement liées.
En effet, l’Histoire de l’humanité connaît aujourd’hui un grand basculement :
Le Sud global, sous la direction des BRICS, monte en puissance sur tous les plans, tandis que l’hégémonie occidentale entraîne dans son déclin tous ses alliés.
La Côte d’Ivoire doit éviter d’être un des wagons du monde en déclin et un de ses chevaux de Troie.
Empêcher le Président Ouattara ou son régime de faire un autre mandat, c’est éviter à la Côte d’Ivoire d’être entraînée dans ce déclin dont les signes avant-coureurs résident dans l’incapacité du régime à faire face aux échéances de la « digna dette » sur fonds propres et à relever un Indice de Développement Humain (IDH) trop faible qui plonge chaque jour davantage le peuple dans la pauvreté.
Ainsi, deux solutions s’offrent au peuple et à l’opposition ivoirienne qui incarne ces aspirations : soit empêcher sa candidature, soit battre M. Ouattara ou son candidat dans les urnes.
Sauf cas de force majeure, empêcher sa candidature est une bataille perdue d’avance car le Conseil Constitutionnel, clone de l’Exécutif, exprimera la volonté de M. Ouattara en ignorant le Droit.
Depuis sa candidature exceptionnelle de 2010 jusqu’à sa candidature pour cause de décès de son successeur, en passant par sa candidature par dérivation, M. Ouattara n’a fait que piétiner le Droit et les Institutions de la République.
Si par extraordinaire M. Ouattara est empêché, le régime se régénérera avec un nouveau candidat, sans adversaire de poids en face ; ce qui prolongera d’une décennie encore la souffrance du peuple sous le même régime.
Lâché par le peuple et par ses voisins qui ont servi de relais et de masques à l’hégémonie occidentale pour le porter au pouvoir, celui-ci ne tient que par les béquilles d’une minorité de partisans qui se nourrit de l’État comme d’un butin de guerre et pour nourrir l’Occident qui renforce sa présence militaire afin de compenser et de contenir ses anciennes puissances déclinantes en régime.
Il est donc temps pour l’opposition qui l’incarne, de reprendre l’avantage avec sa propre Commission électorale, sa propre liste électorale, son propre électorat en combattant la fraude et en initiant une diplomatie active pour inverser les rapports de forces internes et géopolitiques.
Nous ne sommes plus seuls comme en 2011 et le régime est isolé.
Seule notre désunion, l’absence d’une vision et d’une stratégie réaliste, font la force de ce régime.
Malheureusement les deux poids lourds de l’opposition qui viennent de faire alliance ont un carton rouge :
Toi et Tidiane THIAM.
La colère que cette situation engendre est légitime mais la colère est souvent mauvaise conseillère et autodestructrice. La tentation d’abandonner le match est donc grande mais, comme les élections précédentes, cela ne donnera pas la victoire à l’opposition, n’empêchera pas M. Ouattara de faire un quatrième mandat ni de précipiter le déclin de la Côte d’Ivoire dans l’abîme de la paupérisation et du surendettement.
En lieu et place d’une légitime colère alimentée par l’incertitude sur l’issue de la lutte ou d’un abandon du match qui déroulera le tapis rouge à M. Ouattara, par conséquent, celui-ci activera le rouleau compresseur contre le peuple et l’opposition qui l’incarne.
De ce qui précède et étant donné que tu as engendré plusieurs GBAGBO capables de relever le défi, je propose que tu autorises, en plus de ta candidature, deux ou trois autres Camarades à déposer leurs dossiers de candidature et qu’une Convention extraordinaire puisse choisir le candidat du Parti parmi ceux qui passeront au filtre du Conseil Constitutionnel.
Ces candidatures ne sont pas des candidatures de substitution à la tienne mais des candidatures de précaution. Elles deviennent caduques au cas où ta candidature est retenue par une solution politique.
Il faut éviter de répéter la politique de la chaise vide au risque de vider le Parti de sa substance non idéologique et non résiliente après les élections de 2025 et de perdre toute influence sur la scène politique.
Cette stratégie est l’unique condition pour éviter au PPACI une absence à ce grand rendez-vous de l’Histoire.
Ce qui permettra à notre pays de s’échapper du monde en déclin et d’être à la table des Grands pour la conception et la mise en œuvre d’un monde multipolaire et d’un destin commun avec l’Alliance des États du Sahel, de l’Afrique de l’Ouest et du continent Africain.
Je propose, en cas de victoire de notre candidat, une transition civile de deux ans, à toute la classe politique et à la société civile, pour rendre justice et honneur au peuple qui a tant souffert et tant perdu, et aux leaders politiques injustement exclus du jeu politique afin d’asseoir les bases de la Côte d’Ivoire réconciliée, souveraine et panafricaniste, sur les fondations d’une démocratie durable dans un monde multipolaire.
Je te prie d’agréer, Camarade Président, l’expression de ma très haute et déférente considération.»
(Ahoua DONMELLO)
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