Sécurité routière en Côte d’Ivoire : une urgence nationale à prendre au sérieux

Par Fleur Kouadio

La Côte d’Ivoire traverse une crise silencieuse mais meurtrière : celle des accidents de la circulation. À Abidjan comme à l’intérieur du pays, les routes continuent d’ôter la vie à des centaines de personnes chaque année. Et les tragédies se suivent, souvent évitables, presque toujours ignorées après quelques jours d’émotion.

Le 2 juillet dernier, une nouvelle alerte a été donnée lorsqu’un accident impliquant l’artiste Molare a mobilisé l’attention du public. Si l’intéressé s’en est sorti sans blessure grave, les images du choc ont rappelé la violence que peut provoquer une simple perte de contrôle ou une imprudence. À peine quelques jours plus tard, les 5 et 6 juillet, un colloque sur la sécurité routière s’est tenu à Abidjan, réunissant experts, autorités et société civile. Le timing ne pouvait être plus symbolique.

Des chiffres alarmants

Selon les données du ministère des Transports, plus de 12 000 accidents sont enregistrés chaque année en Côte d’Ivoire. En 2023, ce sont près de 1 000 décès qui ont été recensés sur les routes ivoiriennes, soit presque 3 morts par jour. Une situation qui place notre pays parmi les plus touchés en Afrique de l’Ouest.

Les principales causes sont connues : excès de vitesse, non-respect du code de la route, consommation d’alcool ou de stupéfiants au volant, surcharge des véhicules, et état parfois défectueux du parc automobile. À cela s’ajoute une problématique culturelle : le sentiment d’impunité ou de toute-puissance au volant, particulièrement dans les grandes villes.

Une réponse institutionnelle encore trop timide

Le gouvernement a lancé plusieurs initiatives, dont la mise en place du permis à points en 2023, et le renforcement des radars automatiques sur les grands axes. Pourtant, ces mesures restent encore peu visibles sur le terrain. La corruption au sein des services de contrôle, les failles dans l’application des sanctions, et l’absence d’une politique coordonnée de prévention routière réduisent leur efficacité.

Le colloque d’Abidjan a permis de remettre le sujet au cœur de l’agenda public. Les participants, venus de divers horizons, ont insisté sur la nécessité d’une approche multisectorielle. “Ce n’est pas qu’une affaire de police ou de ministère des Transports. C’est une responsabilité collective”, a rappelé un expert du secteur. Parmi les pistes évoquées : une meilleure formation des conducteurs, des campagnes ciblées dans les écoles, une modernisation des infrastructures et un appui aux forces de l’ordre pour un contrôle plus strict et impartial.

La sensibilisation : un pilier négligé

En Côte d’Ivoire, la sensibilisation est souvent réduite à des campagnes ponctuelles, diffusées brièvement à la télévision ou sur les réseaux sociaux. Pourtant, la prévention commence dès le plus jeune âge. L’éducation routière à l’école reste quasi inexistante, et les médias ne traitent que rarement le sujet en profondeur.

L’émotion suscitée par l’accident de Molare aurait pu servir de levier pour lancer un vrai débat public. Mais comme souvent, l’actualité a repris ses droits et l’élan est retombé. Pourtant, chaque accident est un rappel brutal : cela pourrait arriver à n’importe qui.

La responsabilité des citoyens

Face à l’ampleur du problème, chaque Ivoirien a un rôle à jouer. Que l’on soit conducteur, passager, motard ou piéton, nous sommes tous concernés. La sécurité routière ne peut être reléguée à une affaire de discours politiques ou d’événements ponctuels.

Il est urgent de changer nos comportements, de respecter les règles les plus élémentaires, de dénoncer les abus et de refuser la banalisation de la mort sur nos routes. La vie d’un citoyen ne peut valoir moins qu’une minute de retard ou qu’une course mal payée.

Ce combat exige du temps, des moyens, mais surtout une volonté ferme et constante. Il ne suffit pas d’attendre le prochain accident spectaculaire ou la prochaine conférence pour agir. La route tue. Et tant qu’on continuera à l’accepter comme une fatalité, elle continuera à le faire.

F. Kouadio

Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info

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