Présidentielle 2025 en C.I. : Sans Légitimité politique, un 4ème mandat du Président Alassane Ouattara est impossible. Par Dr. Ben ZAHOUI-DÉGBOU

Après bientôt quinze ans au pouvoir, le Président Alassane Dramane Ouattara dit ADO qui envisagerait de faire un quatrième mandat anticonstitutionnel, a toujours du mal à asseoir sa Légitimité au plan national. Dans la littérature politique, bien que Thomas
d’Aquin évoque la notion de pouvoir légitime (« legitima protestas » en Latin) dès le XIIIème siècle, le mot « légitime » n’est réellement apparu qu’au début du XIVème siècle pour « désigner ce qui est conforme à la loi ». Il faut même attendre le XVIème siècle pour que le terme Légitimité apparaisse clairement sur la scène politique.

Selon Le Petit Larousse, « la Légitimité est la qualité de ce qui est fondé en droit, en justice ou en équité ». A partir de cette définition, on peut affirmer sans risque de se tromper que notre Héros du « Didiga », n’a jamais eu le droit, ni le consentement du Peuple ivoirien avec lui. La raison est toute simple. Pour rappel, il est arrivé au pouvoir le 11 avril avril 2011, par un coup d’État très sanglant qui a fait au moins sept mille morts. Le tenant actuel du pouvoir d’Abidjan, a été autorisé à se présenter comme « candidat exceptionnel » en 2010 suite aux Accords de Marcoussis et notamment de Pretoria. En 2020, il a été candidat par « dérivation », une disposition qui n’existe nulle part dans la Constitution ivoirienne. Le Président Ouattara n’avait pas le droit de se présenter à la magistrature suprême de notre pays, ni 2015, ni 2020 selon la Loi.

Notons que lors de cette dernière échéance électorale, le Chef de l’État avait mis en valeur un cas de « force majeur », suite à la disparition, le 8 juillet 2020, du Premier Ministre Amadou Gon Coulibaly. Le petit-fils de Péléforo Gbon Soro dit Péléforo Gbon Coulibaly (1860-1962) avait été choisi par le Leader du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) pour représenter cette coalition politique à l’élection présidentielle de 2020. En remplaçant Amadou Gon Coulibaly de façon unilatérale, le
Président Ouattara, venait ainsi de piétiner, de violer pour la deuxième fois en une décennie, la Constitution ivoirienne.

Le Héros du « Didiga », par conséquent, n’a jamais eu, de Légitimité qui permet justement à un élu, au sommet de l’État, de recevoir le consentement de la majorité de la population par une élection démocratique. Dans les conditions sociopolitiques actuelles, notre Héros ne peut que prétendre avoir fondamentalement au plan national, le consentement d’une minorité ethnico-religieuse, composée des 3⁄4 du Peuple ivoirien. Installé au pouvoir en 2011 par une coalition de pays occidentaux, soutenus par les Nations-Unies, il peut aussi prétendre avoir encore, une certaine Légitimité au plan internationale. Mais malheureusement « un pays qui néglige la diversité des sources de Légitimité court le danger de se voir affaibli par d’autres sources de Légitimité. Déconnecté de ses populations et de leurs régulations, attaché à la Légitimité internationale, il peut devenir un État dit suspendu (suspended state), qui n’est pas vécu par les populations comme l’autorité politique première » (cf. Séverine Bellina, La légitimité dans tous ses états : réalités, pluralisme et enracinement des pouvoirs, IRG, 2010 Page 49).
Aujourd’hui, c’est bien le cas du président Ouattara. Déconnecté du Peuple ivoirien et de ses réalités quotidiennes, celui-ci reste seulement attaché, à sa Légitimité internationale. Il entretient son image auprès de ses soutiens occidentaux notamment français, travaille pour eux et bénéficie en retour de leur consentement. A l’inverse, les Ivoiriens aiment toujours Laurent Gbagbo, qui garde sa Légitimité depuis 2011. Il a toujours leur consentement, même, après avoir passé, deux plus huit ans en prison, respectivement à Korhogo et à La Haye. Son retour en Côte d’Ivoire, notre riche et beau pays, le 17 juin 2021, a suscité une ferveur populaire mémorable. En plus, il draine encore du monde, à chacune de ses sorties politiques.

Mais sur la question de sa Légitimité, sans les résultats d’une étude empirique pour justifier
l’hypothèse ci-dessus, on ne peut que raisonner à partir de critères sociologiques et
anthropologiques de la théorie de la Légitimité. À ce niveau, Max Weber distingue trois
types de légitimité : la Légitimité charismatique qui repose sur les qualités exceptionnelles
d’un homme et sur sa vision novatrice. Cette Légitimité vient aussi de l’héroïsme reconnu à
un individu ; la Légitimité traditionnelle qui repose sur le poids du passé, de la tradition, des

us et coutumes, elle est l’apanage du Christianisme ; enfin la Légitimité légale-
rationnelle qui, quant à elle, repose sur la croyance en la légalité des règlements, c’est le

respect de la loi. Elle vient essentiellement du strict respect accordé socialement à
l’institution qu’est le « Droit ».

Ces trois définitions montrent bien l’évolution historique de la « Légitimité ». Max Weber
soutient d’ailleurs que l’époque contemporaine est caractérisée par le primat de la
Légitimité légale-rationnelle. En d’autres termes, le Sociologue et Juriste
allemand, réintroduit une philosophie de l’histoire selon laquelle l’époque que nous vivons
aujourd’hui, est le fruit d’un « désenchantement du monde ». Il veut mettre ainsi, en
exergue, la relégation au second plan, de l’éthique chrétienne et plus largement de
l’ensemble des valeurs morales. Plus précisément l’expression « désenchantement du
monde » qui a été définie par Max Weber lui-même en 1917, désigne le processus de recul
des croyances religieuses, au bénéfice des explications scientifiques. Résultats : en même
temps que l’horizon des valeurs morales disparaît, la vie en général et la vie politique en
particulier, subissent un processus de « juridicisation » qui devient la principale norme dans
une Démocratie.

Mais, il faut rappeler que le second principe de la Légitimité qui a pour base la tradition,
provient du christianisme et de Saint Paul : « Nulla protestas nisi a Deo » (Il n’y a pas de
pouvoir qui ne vienne de Dieu). La monarchie soutient d’ailleurs que la Providence gouverne
le royaume si bien que le Monarque est Roi « par la grâce de Dieu ». C’est à dire que le Roi
désigné par les Hommes, est ensuite mandaté par Dieu pour gouverner, ce qui le distingue
justement d’un usurpateur. Il devient ainsi le « vicaire » ou le « lieutenant de Dieu sur
terre ». Le Monarque agit donc conformément à la Loi de Dieu de qui il tient son pouvoir
politique. Il tenu de respecter certaines conditions pour demeurer « Légitime ». Le
Philosophe et Théologien chrétien romain, St Augustin insiste sur l’importance de la Justice.
Pour lui, le pouvoir politique doit avoir comme fondation, la Justice car c’est bien elle qui le
lie à la Providence, c’est à dire à Dieu. Faute d’instaurer un État de droit, le pouvoir se
disqualifie lui-même. Il perd inexorablement sa Légitimité et son équilibre car sa puissance
régalienne reste intacte alors qu’il a perdu ce qui justifie son existence, à savoir la réalisation
d’un État de droit. Sans justice, tous les excès deviennent alors possibles, et Saint Augustin
d’affirmer « Que les empires, sans la justice, ne sont que des ramassis de brigands ».

Un pouvoir doit être fondamentalement assis sur des valeurs morales, sociales et
juridiques. Georg Hegel affirme d’ailleurs « qu’un principe de Légitimité n’est jamais isolé et
ne vit, n’agit, ne s’impose jamais par la seule force. Il s’harmonise toujours avec les mœurs, la
culture, la science, la religion, les intérêts économiques d’une époque ; avec l’orientation
générale des esprits ». Comme on peut le constater, aucun pouvoir ne peut perdurer sans
Légitimité qui est une composante centrale de la vie d’une Nation. Celle-ci ne recouvre pas
seulement ce qui est fondé en droit mais aussi ce qui est fondé en raison et en valeur.
Au-delà de l’aspect juridique et charismatique, la racine de la Légitimité est donc l’ensemble
des croyances populaires, des sentiments, des opinions qui se forment autour d’un Leader.
Ce dernier en retour doit connaître son peuple et la culture de son pays. A ce niveau, le
Président Ouattara a un problème, il n’a pas la culture ivoirienne, il n’a pas l’éducation des
Ivoiriens parce qu’il n’a pas grandi en Côte d’Ivoire, contrairement à Laurent Gbagbo qui
maitrise très bien les codes de la « Civilisation ivoirienne ». Celle-ci est assise durablement
sur le « Dialogue » prôné pendant de longues années, par le Président Houphouët-Boigny,
« l‘Asseyons-nous et discutons » de Laurent Gbagbo, l’Hospitalité, le Partage, les Alliances à
plaisanterie, l’Humour et la Dérision, voire même, l’insouciance apparente et trompeuse des
Ivoiriens.

Au total, depuis son arrivée au pouvoir, le président Ouattara souffre d’un manque de
Légitimité, aggravé par sa méconnaissance notoire du Peuple ivoirien qu’il est censé
gouverner. Il en est resté très distant alors qu’il avait le boulevard devant lui, pendant dix
ans, pour aller partout en Côte d’Ivoire et se faire aduler par les populations. Laurent
Gbagbo ne passait jamais ses week-ends à Abidjan. Il faisait le tour du pays dont il connaît
tous les coins et recoins. Devenu Président de la République en 2000, il a continué à garder
le contact avec ses concitoyens jusqu’au coup d’État du 11 avril 2011. Aujourd’hui le
Président Laurent Gbagbo est là, à Abidjan. Il a la reconnaissance et le consentement des
Ivoiriens. En clair, le Woody de Mama a la Légitimité avec lui avec comme pour base le Droit
et son charisme. Ses amis du RHDP et le Président ADO, le savent et ils feraient bien
d’intégrer cette réalité dans leur stratégie politique pour conserver la paix dans notre pays.
Le Président Ouattara doit se rendre à l’évidence et arriver à convaincre les membres de son
entourage politique du RHDP et ses soutiens internationaux pour instaurer un Dialogue avec
son Opposition. Il ne suffit pas de dire en privé, à des amis communs en France que, s’il avait
le choix, il donnerait le pouvoir à Laurent Gbagbo, parce qu’il est convaincu que ce dernier
« ne ferait aucun mal à son épouse, à ses enfants et aux membres de sa famille élargie ».
Tout le monde connait Laurent Gbagbo pour son humanisme, mais ici il s’agit d’inscrire son
nom sur la liste électorale avec une Loi d’amnistie. Au nom de la paix, le Président Ouattara
devrait appelle son prédécesseur pour qu’ils s’asseyent autour d’une table avec Tidjane
Thiam, le Président du PDCI-RDA et les autres Leaders de l’Opposition. Objectifs : créer les
conditions d’une élection présidentielle inclusive, transparente et démocratique en octobre
prochain. Dans le cas contraire, les conditions sont réunies pour que le Héros du « Didiga »,
parte du pouvoir par la petite porte comme tous les dictateurs qu’a connus l’Afrique.

Dr. Ben ZAHOUI DÉGBOU, Géographe-Journaliste,
Spécialiste de Géopolitique et de Commerce International.
(Glouziletnews.com).

Masterant en Théologie, BIBLEDOC,
Institut de Théologie, P.O. BOX 118 STAFFORD, VA – USA

Commentaires Facebook

Laisser un commentaire