Côte d’Ivoire Éducation: Ces moyennes d’orientation qui banalisent la médiocrité

Des moyennes qui encouragent la médiocrité

Abidjan, juillet 2025 – L’opération d’orientation en classe de Seconde, récemment lancée par le ministère de l’Éducation nationale, remet une nouvelle fois sur la table le débat brûlant sur la qualité de notre système éducatif. Elle révèle un malaise latent, désormais structurel : l’abaissement progressif du niveau d’exigence, au point de transformer la médiocrité en critère d’acceptation.

Désormais, il est possible, en Côte d’Ivoire, d’être orienté vers une classe de Seconde générale avec une moyenne générale annuelle de seulement 8,50/20, c’est-à-dire en dessous de la moyenne. Un seuil inimaginable dans bien de pays comparables, où l’exigence minimale est de 10,50 voire 11/20 dans la plupart des pays nordiques.

Cette politique en Côte-d’Ivoire révèle une inquiétante logique de nivellement par le bas, sans véritable réflexion pédagogique ni ambition éducative.

Une orientation scolaire vidée de sa logique

Officiellement, les critères d’orientation en Seconde sont les suivants :

  • Être un candidat officiel au BEPC/Test d’orientation ;

  • Être âgé de 20 ans au maximum ;

  • Cumuler une Moyenne d’Orientation (MO) ≥ 10/20 et une Moyenne Générale Annuelle (MGA) ≥ 8,50/20.

Mais que valent ces moyennes dans un système déjà miné par la complaisance des notations, les fraudes répétées, les classes surpeuplées, la crise de l’encadrement et la démotivation du corps enseignant, souvent abonné aux écoles privées ? Dans les faits, on ouvre les portes des Lycées à des élèves manifestement en difficulté, sans accompagnement structuré, sans stratégie différenciée, créant ainsi un cercle vicieux d’échecs répétés, de décrochages et de frustration chez les apprenants comme chez les enseignants.

Et le problème n’est pas limité à la Seconde. Même l’orientation en Sixième montre les mêmes travers. Pour être affecté au collège, il suffit d’avoir obtenu 85 points sur 170 au CEPE, soit 10/20. Ici, l’on fait fi de toute évaluation continue, comme les moyennes de classe de CM2. Que devient l’élève brillant toute l’année, mais qui a trébuché le jour de l’examen ? Que vaut un processus qui ne tient compte que d’un instantané, aussi aléatoire qu’angoissant, pour déterminer l’avenir scolaire d’un enfant ?

Une inclusion sans exigence, la trahison de la jeunesse, maintenue par les élites dans la médiocrité pour mieux l’exploiter

À force de vouloir brandir un taux de scolarisation (de réussite) élevé à tout prix aux bailleurs de fonds, le gouvernement sacrifie la qualité de l’enseignement et l’avenir même de la jeunesse. Une école qui baisse les bras devant l’exigence fabrique en série des bacheliers au rabais, désorientés, inemployables, et parfois livrés à eux-mêmes dans un monde professionnel sans pitié.

Ce problème est structurel. L’orientation scolaire, au lieu d’être un outil d’adéquation entre le profil de l’élève et les besoins de l’économie nationale, est devenue un simple mécanisme d’absorption automatique, souvent dicté par des considérations politiques ou statistiques.

Pendant ce temps, les filières techniques, agricoles et professionnelles – pourtant adaptées à de nombreux élèves et indispensables pour le développement – restent marginalisées : déficit d’infrastructures, de formateurs, et surtout absence de valorisation sociale. Dans l’imaginaire collectif, « l’intelligence » ne s’exprime encore que par le bac général, devenu pourtant une voie sans issue pour des milliers de jeunes.

Il est urgent de redresser la barre

Le ministère de l’Éducation nationale doit retrouver le sens de la rigueur et de l’ambition. Rigueur dans les évaluations, rigueur dans les critères d’orientation, rigueur dans la réforme des filières. Il ne s’agit pas de rejeter les élèves les plus fragiles, mais de leur offrir des alternatives valorisées, viables et insérées dans la réalité économique du pays.

Éduquer, ce n’est pas seulement admettre : c’est orienter avec justesse, former avec méthode, et exiger avec humanité.

Laisser croire à un enfant qu’il peut réussir avec une moyenne de 8,5, c’est lui mentir. C’est surtout mettre en péril tout l’édifice éducatif d’un pays qui prétend vouloir l’émergence.

Un système scolaire qui renonce à l’excellence condamne une génération entière à l’errance. Et ce serait là la plus grave des faillites nationales.

Nous, la génération formée sous Houphouët, continuons — plus de trente ans après sa disparition — à bénéficier des fruits d’une éducation rigoureuse et respectée. Nos baccalauréats étaient directement reconnus dans les universités européennes. Aujourd’hui, l’étudiant ivoirien, même titulaire d’un doctorat, se voit rétrogradé en Master, voire en Licence, à l’étranger. Voilà le prix de la banalisation de l’excellence.

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