Trump voit enfin l’Afrique… mais pour ses minerais et le commerce

Comme hier, lorsque l’Amérique bâtissait sa puissance sur le dos des esclaves arrachés à l’Afrique, le continent redevient stratégique — non pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il possède. Depuis son retour à la Maison Blanche, Donald Trump tente de repositionner les États-Unis sur l’échiquier africain. Mais derrière une diplomatie présentée comme pragmatique, les logiques extractivistes refont surface.

Depuis janvier 2025, Donald Trump, de retour à la tête des États-Unis, opère un virage diplomatique inattendu vers l’Afrique. Là où son premier mandat avait été marqué par l’ignorance, voire le mépris du continent, le second semble vouloir compenser — mais sous condition : l’Afrique intéresse Trump dès lors qu’elle rapporte.

C’est ainsi que le président américain a annoncé, depuis Washington et non depuis le sol africain, un accord de paix qualifié de « moment historique » entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, signé le 27 juin dernier à la Maison Blanche. L’objectif affiché : mettre fin à « l’une des pires guerres jamais vues », selon ses termes.

Mais très vite, le discours change de registre. Le président Trump se félicite surtout d’avoir obtenu, dans le cadre de cet accord, « de nombreux droits miniers » en RDC. Une déclaration qui en dit long sur sa conception de la diplomatie : la paix comme monnaie d’échange contre des ressources stratégiques, au service de la puissance économique américaine.


Une « priorité africaine » dictée par les intérêts

Le retour de l’Afrique dans le discours diplomatique américain surprend, surtout venant d’un président qui, lors de son premier mandat, avait réduit le continent à quelques stéréotypes dédaigneux. Mais cette fois, la rhétorique change, portée par une logique économique assumée.

« L’Afrique est beaucoup plus présente à l’agenda que ce qu’on aurait pu prévoir », souligne Rama Yade, directrice Afrique du Atlantic Council et ancienne secrétaire d’État française.

L’administration Trump prépare en effet un Sommet États-Unis – Afrique prévu en septembre à New York. Une initiative jugée à la fois « audacieuse » et « précipitée » par les analystes, tant les contours restent flous et les invitations, sélectives.


Une stratégie commerciale assumée… mais déséquilibrée

L’approche américaine repose sur une logique simple : aucun engagement sans contrepartie économique directe. Ainsi, l’accord RDC–Rwanda permet non seulement à Trump de se poser en artisan de la paix, mais surtout de garantir à son pays un accès privilégié aux minerais critiques – cobalt, coltan, lithium – essentiels aux industries technologiques et à la transition énergétique.

Mais cette diplomatie transactionnelle suscite déjà de vives critiques. Où sont passés les enjeux de souveraineté, de démocratie, de justice climatique ou de développement équitable ? Pour nombre d’Africains, l’histoire se répète : une fois de plus, le continent n’est pas un partenaire, mais une réserve de matières premières.


Partenariat ou prédation ?

Selon Africa Intelligence, cinq chefs d’État africains ont été invités à un sommet de « haut niveau » à Washington. Leurs noms n’ont pas été divulgués, alimentant les spéculations : s’agit-il de dirigeants proches de Washington ? De pays miniers stratégiques ? Ou simplement de gouvernements jugés « accommodants » ?

Derrière les promesses d’investissement et de coopération se dessine une relation asymétrique. Car si l’Afrique intéresse désormais les États-Unis, ce n’est toujours pas pour sa voix, ses peuples ou ses cultures, mais pour ses sols. En somme, une fois encore, l’histoire coloniale semble rejouée à l’ère néolibérale, sous le vernis d’un partenariat que d’aucuns dénoncent comme un nouveau masque de la prédation.

Avec Lemonde.fr

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