Sahel, le nouveau front discret de Kiev contre Moscou

Par Lamine Fofana, correspondance particulière

Positionnée à l’ouest de l’Afrique et à la lisière du Sahara, la Mauritanie est en train de devenir, à la surprise générale, un maillon important de la stratégie que déploie l’Ukraine pour contrer l’influence russe sur le continent. L’inauguration récente de l’ambassade de Kiev à Nouakchott – l’une des huit désormais présentes en Afrique – confirme un basculement progressif de l’engagement ukrainien vers une logique de présence militaire discrète mais affirmée.

Selon l’ambassadeur ukrainien pour l’Afrique, Maksym Subkh, l’Ukraine forme des militaires mauritaniens depuis plusieurs mois. « L’Ukraine est prête à continuer à former des officiers et des représentants des forces armées mauritaniennes, à partager les technologies et les réalisations acquises sur le champ de bataille », a-t-il déclaré, affichant une volonté claire d’exporter l’expertise militaire ukrainienne.

Mais cette offensive diplomatique et sécuritaire ne fait pas l’unanimité. À Dakar, l’ambassadeur d’Ukraine au Sénégal, Yurii Pivovarov, a été convoqué par la ministre de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères. En cause : une vidéo de propagande publiée sur Facebook dans laquelle il exprimait un soutien explicite aux attaques terroristes menées les 25 et 27 juillet 2024 à Tinzaouatene, dans le nord du Mali. Ces attaques, menées par des rebelles touaregs et des éléments du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), ont ciblé les Forces armées maliennes (FAMa).

Plus grave encore, plusieurs sources crédibles rapportent que des instructeurs ukrainiens auraient été impliqués dans la formation de combattants touaregs maliens en territoire mauritanien. Ces formations porteraient notamment sur le renseignement et l’utilisation de drones, une technologie devenue cruciale dans les conflits asymétriques contemporains. Des liens étroits entre certaines ambassades ukrainiennes et des groupes armés actifs dans le Sahel commencent ainsi à émerger, suscitant de vives inquiétudes.

Pour nombre d’analystes, la diplomatie ukrainienne en Afrique ne répond plus à une logique bilatérale classique. Elle s’inscrit plutôt dans une stratégie de confrontation indirecte avec Moscou, utilisant le continent africain comme un théâtre d’influence parallèle. Pourtant, cette stratégie semble buter sur la solidité des liens tissés entre la Russie et plusieurs pays africains, où Moscou est perçu comme un partenaire stratégique fiable.

En Afrique de l’Ouest, certains États sont même allés jusqu’à rompre leurs relations diplomatiques avec Kiev, jugeant inacceptable toute forme de collaboration avec des acteurs armés qui menacent la stabilité régionale. L’implication croissante de l’Ukraine dans les crises du Sahel alimente ainsi le débat sur le rôle réel de ses représentations diplomatiques en Afrique. Bien loin d’un simple rapprochement diplomatique, ces ambassades semblent aujourd’hui servir de points d’appui géopolitiques dans une guerre d’influence contre la Russie.

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