Côte d’Ivoire: Le « trio infernal » PPA-CI, RHDP, PDCI, symbole d’un système à bout de souffle

I. Un trio qui domine depuis trois décennies

Depuis plus de trente ans, la scène politique ivoirienne est dominée par trois figures incontournables : Henri Konan Bédié, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. Ces hommes, héritiers directs ou indirects du premier président Félix Houphouët-Boigny, ont tous exercé le pouvoir suprême à un moment ou un autre. Certains observateurs leur reconnaissent des efforts dans un contexte difficile, marqué par des crises économiques, des divisions sociales et des pressions internationales. D’autres, plus critiques, estiment qu’ils ont trahi l’héritage d’Houphouët, qu’ils ont déçu les espoirs de démocratie et de développement, et qu’ils ont conduit le pays sur la pente glissante des violences politiques.

Henri Konan Bédié, successeur constitutionnel d’Houphouët-Boigny après sa mort en 1993, a initié une politique controversée d’ivoirité qui a semé les germes de l’exclusion politique. Son régime, fragilisé par la corruption et les tensions sociales, fut balayé en 1999 par un coup d’État militaire – le premier de l’histoire du pays.
Laurent Gbagbo, opposant historique, arriva au pouvoir après les élections controversées de 2000, succédant de fait à Robert Guéï, lui-même éjecté par une révolte populaire. Gbagbo incarna un espoir démocratique mais vit son mandat marqué par une rébellion armée en 2002, une partition de facto du pays et une crise électorale majeure en 2010, qui aboutit à son arrestation en 2011 suite à une intervention militaire française. Il fut ensuite déporté à La Haye pour répondre de crimes contre l’humanité, avant d’être acquitté.

Quant à Alassane Ouattara, revenu en grâce en 2010 grâce à l’appui de la communauté internationale, il a restauré la croissance économique mais s’est illustré par une gouvernance jugée de plus en plus autoritaire. Son troisième mandat controversé en 2020, obtenu après l’exclusion de plusieurs adversaires politiques, a réveillé les tensions. Aujourd’hui, en 2025, alors qu’il est question d’un quatrième mandat anticonstitutionnel, beaucoup d’Ivoiriens redoutent une nouvelle crise. La peur d’un scénario similaire à ceux vécus par ses prédécesseurs hante les esprits.

II. Le mal ivoirien : pouvoir personnel et absence d’alternance

L’écrivain Tiburce Koffi n’a pas mâché ses mots en qualifiant ce trio de « trio infernal ». Ayant collaboré avec chacun d’eux avant de rompre, il incarne cette voix désabusée d’une génération qui croyait en un avenir meilleur, mais a vu le pays s’enliser dans des crises à répétition. Pour beaucoup d’Ivoiriens, Bédié, Gbagbo et Ouattara sont moins préoccupés par l’intérêt général que par leur survie politique personnelle.
Ce qui frappe, en effet, c’est l’incapacité de la Côte d’Ivoire à organiser une transition pacifique du pouvoir entre présidents élus. Depuis l’indépendance, aucun président n’a transmis volontairement le pouvoir à un successeur par les urnes. Bédié fut renversé, Guéï chassé, Gbagbo bombardé, et Ouattara semble vouloir rester coûte que coûte, en éliminant ses adversaires. Ce cycle de crises révèle une fragilité institutionnelle et un déficit de culture démocratique.

Dans ce contexte, les partis politiques historiques – le PDCI, le FPI et le RDR – ont tour à tour dirigé le pays sans réellement transformer le quotidien des Ivoiriens. D’où cette lassitude grandissante dans la population : « pourquoi ne pas essayer autre chose ? », entend-on de plus en plus dans les rues, sur les réseaux sociaux, dans les familles.

III. Assalé Tiémoko : une figure émergente, une alternative crédible ?

C’est dans cette atmosphère de fatigue politique qu’émerge une nouvelle figure: Assalé Tiémoko, député-maire de Tiassalé. Moins connu au niveau international, cet homme de terrain suscite un intérêt croissant parmi les Ivoiriens. Non encarté dans les grands partis historiques, il apparaît comme un outsider, porteur d’un discours différent et d’une gouvernance plus éthique.

Assalé Tiémoko s’est d’abord fait remarquer pour son engagement citoyen et sa lutte contre les injustices économiques et sociales. À l’Assemblée nationale, il s’est levé contre l’enrichissement excessif des compagnies de téléphonie mobile sur le dos des consommateurs ivoiriens. Il a aussi dénoncé la spoliation foncière opérée au détriment de certains citoyens au profit d’investisseurs étrangers, ainsi que la délivrance frauduleuse de passeports à des non-Ivoiriens – autant de pratiques qui symbolisent la dérive de l’État au service d’intérêts privés.

Mais c’est surtout à Tiassalé, ville dont il est le maire depuis 2018, que Tiémoko a convaincu. Routes, infrastructures scolaires, centres de santé, environnement : le visage de la ville a profondément changé, selon de nombreux témoins. Il a su se montrer proche des populations, à l’écoute, transparent dans la gestion des fonds publics, et ambitieux sans être arrogant.

IV. Une opportunité historique de renouvellement ?

La candidature d’Assalé Tiémoko à la présidentielle de 2025 est aujourd’hui une réalité. Elle ne passe pas inaperçue. Dans un pays où les jeunes représentent plus de 70 % de la population, sa jeunesse, son intégrité, son parcours atypique et son absence d’attache aux grands partis suscitent une curiosité mêlée d’espoir. Il incarne, pour certains, le début d’un renouveau politique tant attendu.

Bien sûr, sa candidature pose aussi question: a-t-il les moyens politiques, financiers et logistiques de rivaliser avec des machines aussi puissantes que celles du RHDP, du PDCI ou du FPI ? Ne risque-t-il pas d’être broyé par un système qui étouffe souvent les voix dissidentes ? Mais, d’un autre côté, si rien ne change, comment espérer une issue différente pour le pays ?

La Côte d’Ivoire est à un tournant historique. Le « trio infernal » a incarné une époque, mais cette époque semble tirer à sa fin. Pour éviter une nouvelle crise, une nouvelle guerre, un nouvel exil politique, il est impératif d’ouvrir le jeu démocratique à d’autres profils, d’autres voix, d’autres idées.

Aujourd’hui, les citoyens ivoiriens aspirent à une nouvelle manière de gouverner, plus inclusive, plus honnête, plus tournée vers le développement local et la justice sociale.

Assalé Tiémoko, bien que novice à l’échelle nationale, semble incarner cette alternative crédible. Sa trajectoire, son bilan local, son courage politique, sa proximité avec le peuple plaident en sa faveur. Bien sûr, l’épreuve des urnes est encore à venir. Mais, au lieu de céder à la résignation ou à la peur du changement, certains souhaiteraient qu’on lui donne sa chance. La démocratie ne grandit que lorsqu’on permet l’émergence de nouveaux talents. Le moment est peut-être venu, pour la Côte d’Ivoire, d’écrire une nouvelle page de son histoire, sans les fantômes du passé.

Jean-Claude DJEREKE

Commentaires Facebook

Laisser un commentaire