L’Afrique réclame des réparations pour la colonisation et la traite négrière

À l’occasion du lancement de l’année pour la « justice pour les Africains et les personnes d’origine africaine à travers les réparations », l’Union africaine remet au cœur du débat une question longtemps évitée par les anciennes puissances coloniales : celle des réparations pour l’esclavage et la colonisation.

Le 15 février 2025 à Addis-Abeba, lors d’un sommet des chefs d’État, l’Union africaine (UA) a adopté une résolution historique portée par le Ghana et l’Algérie. Intitulée « Justice pour les Africains et les personnes d’origine africaine à travers les réparations », cette résolution relance avec vigueur un vieux débat : qui doit réparer les crimes de la traite négrière et du colonialisme, et comment ?

Un crime contre l’humanité encore vivace dans ses conséquences

« Les descendants d’Africains réduits en esclavage continuent de faire face à des disparités économiques, à des inégalités sociales, à une discrimination systémique et à des préjugés raciaux », a affirmé le président du Ghana, John Dramani Mahama, dans un discours solennel. Pour lui, les effets de l’oppression historique sont encore visibles dans les structures contemporaines du monde.

Selon la déclaration de l’UA, les réparations doivent aller bien au-delà de la simple compensation financière : elles doivent inclure la restitution d’objets et de terres, la réhabilitation morale et politique, ainsi qu’une véritable reconnaissance des torts causés à des générations d’Africains et de leurs descendants à travers le monde.

Des responsabilités désignées, mais des absences remarquées

Dans leur déclaration, les 55 États membres de l’Union africaine ont explicitement interpellé les États européens et nord-américains sur leur rôle dans la traite transatlantique et le colonialisme. En revanche, les pays arabes, également impliqués dans la traite orientale, n’ont pas été mentionnés, suscitant des réactions mitigées chez certains historiens et militants panafricains.

« Il ne s’agit pas seulement de panser les plaies du passé. Il s’agit de redonner aux peuples africains les moyens de maîtriser leur avenir, dans un monde où l’inégalité hérite encore trop souvent du colonialisme », a martelé un diplomate algérien présent au sommet.

Un chantier immense, mais nécessaire

La question des réparations avait déjà été portée au XXe siècle par des figures comme Kwame Nkrumah ou Julius Nyerere, mais elle revient aujourd’hui dans un contexte mondial marqué par des demandes croissantes de justice historique – notamment dans les diasporas africaines des Amériques et des Caraïbes.

Des initiatives comme le CARICOM Reparations Commission dans les Caraïbes ou les projets de restitution du patrimoine culturel africain en Europe alimentent ce retour en force. Mais peu de gouvernements occidentaux ont jusqu’à présent franchi le pas d’un engagement politique clair ou d’un processus de réparation concret.

Vers une feuille de route continentale ?

La résolution adoptée par l’Union africaine prévoit la mise en place d’un comité continental de suivi, chargé de coordonner les actions diplomatiques, juridiques et symboliques autour des réparations. Elle ouvre aussi la voie à des actions concertées devant les juridictions internationales, voire à des campagnes globales de sensibilisation et de pression.

Alors que la France, la Grande-Bretagne, le Portugal, les Pays-Bas ou les États-Unis sont souvent cités parmi les nations interpellées, les réponses officielles restent rares, prudentes, voire silencieuses.

Une question de vérité, de justice… et d’avenir

Plus qu’un simple regard vers le passé, la revendication africaine s’inscrit dans une aspiration à redéfinir les relations internationales sur des bases plus justes et équitables. Pour John Mahama, il ne s’agit pas seulement de compenser les pertes, mais de réparer les fondations mêmes sur lesquelles reposent encore nombre de déséquilibres mondiaux.

« L’Afrique ne demande pas l’aumône. Elle exige la vérité, la justice, et le respect. »

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