Côte d’Ivoire – États-Unis : coopération militaire renforcée, mais portes fermées aux civils ?

Abidjan, juin 2025 – Alors que la Côte d’Ivoire renforce son partenariat stratégique avec les États-Unis dans le domaine sécuritaire, une série de décisions américaines sur le plan migratoire vient jeter une ombre sur cette collaboration.

En mai dernier, Abidjan a accueilli l’exercice militaire Flintlock 2025, un entraînement conjoint piloté par le Commandement des États-Unis pour l’Afrique (AFRICOM), rassemblant plus de 500 soldats issus d’une trentaine de pays. Un mois plus tôt, les forces ivoiriennes participaient également à l’exercice « 3D » aux côtés de leurs partenaires français. Deux initiatives qui traduisent une volonté commune de renforcer les capacités opérationnelles des Forces armées de Côte d’Ivoire (FACI), dans un contexte régional toujours marqué par l’insécurité.

Mais cette intensification des liens militaires contraste fortement avec la politique migratoire américaine, qui tend désormais à se durcir.

Des restrictions de visas qui inquiètent

Le 4 juin 2025, l’administration Trump a publié une nouvelle proclamation présidentielle, réactivant et élargissant une série de restrictions d’entrée sur le territoire américain. Douze pays, parmi lesquels l’Iran, la Somalie, la Guinée équatoriale ou encore le Soudan, sont désormais frappés d’une interdiction totale de visa. Sept autres, comme le Venezuela ou le Togo, sont soumis à des restrictions partielles.

Si la Côte d’Ivoire ne figure pas encore sur la liste, elle ferait cependant partie, selon plusieurs sources concordantes, des 36 pays placés sous observation en vue d’une inclusion dans les 60 jours à venir. Les visas touristiques, d’affaires et d’études pourraient être concernés.

En cause, selon Washington : un manque de coopération sur les retours de migrants irréguliers, et des lacunes dans la sécurisation des documents de voyage. Des motifs déjà invoqués par le passé, mais qui prennent ici une nouvelle dimension dans un contexte géopolitique marqué par une reconfiguration des priorités américaines sur le continent.

Un partenariat déséquilibré ?

Derrière ces décisions se profile une vision utilitariste du partenariat, où la coopération sécuritaire est privilégiée… mais sans véritable réciprocité pour les citoyens. Les jeunes, les étudiants, les chercheurs, ou encore les entrepreneurs ivoiriens pourraient bientôt faire les frais de cette orientation plus restrictive, à travers des contrôles accrus, des délais rallongés, et une réduction du nombre de visas délivrés.

Pour de nombreux observateurs, la question se pose : peut-on parler de partenariat stratégique quand l’une des parties ferme progressivement ses frontières ?

Si les exercices militaires tels que Flintlock ou 3D renforcent sans aucun doute l’efficacité des FACI, ils ne doivent pas masquer le déséquilibre croissant dans les relations bilatérales. Les États-Unis affirment leur présence militaire en Afrique de l’Ouest, mais dans le même temps, réduisent l’accès de ses populations à leur territoire.

Quel avenir pour les relations ivoiro-américaines ?

Ce paradoxe soulève une interrogation centrale : la coopération entre Abidjan et Washington est-elle appelée à s’approfondir sur tous les plans, ou restera-t-elle cantonnée à la seule sphère militaire ?

Alors que la jeunesse ivoirienne aspire à davantage d’échanges, de formations et de mobilité, les nouvelles mesures américaines pourraient venir briser cet élan. Le partenariat affiché sur les terrains d’entraînement militaire risque ainsi de ne pas se traduire dans les domaines humain, académique ou culturel.

Un partenariat efficace ne peut être unilatéral. Il suppose un engagement équilibré et mutuellement bénéfique. À l’heure où la Côte d’Ivoire joue un rôle de plus en plus central dans la stabilité régionale, le respect de cette équité sera un test de crédibilité pour Washington.

F. Kouadio

Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info

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