Présidentielle 2025 : la CEI sacrifie la révision de la liste électorale pour « sauver la date du scrutin »

Dans une note technique d’information diffusée ce 12 juin 2025, la Commission électorale indépendante (CEI) poursuit son travail de pédagogie électorale. Elle y explique qu’une révision de la liste électorale avant l’élection présidentielle n’est pas techniquement réalisable. Pire encore, une telle opération risquerait de compromettre le respect de la date constitutionnelle du scrutin, prévue pour le 25 octobre 2025. Une explication que de nombreux observateurs jugent peu convaincante, voire inquiétante pour la crédibilité du scrutin à venir.

L’intégralité de la note de la CEI

« LISTE ELECTORALE AVANT l’ELECTION DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE EN OCTOBRE 2025

Comme à l’accoutumée, l’espace public est plus qu’animé en période électorale et, plus particulièrement, en année consacrée à l’élection du Président de la République (EPR). Et à cette occasion, toutes les expertises et passions de connaisseurs de tout acabit se font jour.

La crispation actuelle est autour de la possibilité ou non d’organiser une opération de Révision de la Liste Electorale (RLE) avant l’échéance constitutionnelle du 25 octobre 2025.

Pour l’organe en charge des élections (la CEI), il ne serait pas prudent d’organiser une RLE avant l’échéance électorale à cause des contraintes d’ordre logistique et opérationnel et, surtout, pour ne pas prendre le risque de contrarier les dispositions légales en vigueur.

Si l’article 6 du Code électoral incline à organiser une RLE annuellement, il est tout aussi clair, et ce, conformément à l’article 11 du même Code, que la détermination de la période d’organisation de la RLE revient à la CEI. Et celle-ci propose la tenue de la RLE 2025 après l’élection du Président de la République. En effet, l’objectif de la RLE n’est pas directement lié à l’élection. La RLE a pour objectif de mettre à jour les mutations intervenues dans le corps électoral, telles que la prise en compte de nouvelles inscriptions, l’actualisation ou la mise à jour des données des électeurs déjà inscrits sur la liste électorale et, enfin, l’extraction de la liste électorale des personnes décédées, déchues de leurs droits civils ou indûment inscrites. C’est d’ailleurs pourquoi la RLE se tient également en années non-électorales.

Certaines voix continuent d’appeler ou de réclamer la tenue d’une autre opération de RLE avant l’EPR. Pour les tenants de cette position, la possibilité se justifie encore plus avec la publication de la Liste Electorale Définitive (LED), le 04 juin dernier. Ce qui, selon eux, donnerait un temps suffisant pour la tenue d’une RLE avant le scrutin en octobre 2025. Et l’argument qu’ils avancent est qu’en 2015 et 2020, années électorales du Président de la République, des RLE ont été organisées dans les mois de juin et juillet de ces années-là. Ce faisant, selon eux, la CEI devrait être à même d’organiser une RLE avant le scrutin du 25 octobre 2025.

La Commission Electorale Indépendante (CEI) dont la mission est la planification et l’organisation des votations populaires a donné sa position. Mais, il convient certainement d’expliquer encore et davantage ce que la CEI dit en comptant sur la vertu de la répétition.

Avant tout, il importe de clarifier un amalgame souvent fait. La RLE ne se résume pas uniquement à la collecte des données. Cette phase, aussi importante soit-elle, est suivie du traitement des données collectées et du contentieux de la liste électorale, phases non moins importantes.

Après avoir dit tout ce qui précède, la question est la suivante « Pourquoi ne peut-ont pas avoir une RLE en juin ou juillet 2025 comme cela a été possible en 2015 et 2020 ? »

La réponse la plus basique, c’est que 2015 n’est pas 2020, encore moins 2025 ; 2020 ne ressemble pas non plus à 2025. Ensuite, quand l’on veut répondre objectivement à cette question, la première précaution est de convoquer des éléments contextuels de ces trois années.

En 2015, la RLE intervenait après la refonte de la liste électorale en 2010. Et pendant quatre (4) ans donc, il n’y a plus eu de RLE. Ensuite, contrairement à 2025, le parrainage n’existait pas en 2015. Ce qui a permis à la CEI d’organiser sereinement une RLE de juin à septembre, c’est-à-dire achever l’opération de la RLE à un mois du scrutin.

En 2020, l’expérience est plus proche, et donc, le contexte peut sembler similaire à 2025. Sauf que le processus a connu une innovation majeure : l’institution du parrainage citoyen.

Le parrainage, critère d’éligibilité doit se faire sur la base de la Liste Electorale Définitive. En prenant le risque d’organiser la RLE en juin, comme en 2015, ne le sachant, l’Institution du parrainage étant nouvelle, nous avons pris le risque de voir dépasser la date pourtant constitutionnelle du scrutin. Pour éviter un tel écueil, nous avons, dans l’urgence, pris deux mesures : celle relative à la collecte des parrainages sur la base de la LEP et celle portant sur la réduction drastique des délais des différentes phases du contentieux.

Ces mesures prises dans la conduite de la RLE 2020 ont causé des préjudices à certains candidats et des difficultés opérationnelles à la CEI.

C’est donc l’ensemble de ces difficultés rencontrées au cours du processus électoral 2020/2021, qui a amené les partis politiques et les autres parties prenantes, à faire, lors des ateliers-bilans, des recommandations pertinentes, au titre desquelles, il a été fait interdiction formelle à la CEI d’utiliser dorénavant la LEP, comme base de collecte des parrainages en lieu et place de la LED. Or, en faisant comme en 2020, en organisant la RLE en juin, le risque est grand de retomber dans les mêmes travers, c’est-à-dire le dépassement de la date constitutionnelle.

Par ailleurs, il ne serait certainement pas superflu d’indiquer que toute opération de RLE est obligatoirement précédée d’activités et de tâches préparatoires telles la reconfiguration et le redéploiement de tablettes biométriques, le recrutement et la formation d’environ 40 mille agents de recensement. Ces tâches préparatoires se font habituellement de janvier à mai pour tenir la RLE en juin.

Dans notre cas d’espèce, serait-il possible d’accomplir ces tâches préparatoires non encore exécutées alors que nous sommes dans le mois de juin, à quatre mois du scrutin… ? Nous pensons que non.

Parce que faire une RLE en juin ou juillet 2025 suppose avoir effectué déjà ces opérations ci-dessus décrites ou qu’elles seraient en voie d’achèvement entre janvier et mai 2025, c’est-à-dire pendant que la RLE qui vient juste de s’achever était toujours en cours.

Au total, la Commission Electorale Indépendante présente des arguments objectifs du point de vue opérationnel tirés des expériences passées. Elle présente aussi des arguments objectifs imposés par les contraintes légales. La Commission Centrale de la CEI comprend les requêtes des partis politiques, elle réitère et insiste sur l’impossibilité d’organiser une RLE avant l’EPR d’octobre 2025, pour ne pas écorcher la date constitutionnelle.
Si la CEI rechigne à organiser une RLE avant octobre 2025, ce n’est ni par caprice ni pour un quelconque calcul politique, mais plutôt en toute responsabilité. »

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