La nouvelle est tombée comme un couperet. Le Bureau multi-pays du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), dont le siège régional est basé à Abidjan, a annoncé une réduction drastique de ses activités en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Bénin et au Togo. Motif : un manque criant de financements, dans un contexte où les besoins humanitaires dans la sous-région n’ont jamais été aussi pressants.
Une région de plus en plus sous pression
Depuis plusieurs années, les pays du golfe de Guinée doivent faire face à un afflux massif de populations déplacées fuyant les violences armées et l’insécurité chronique qui gangrènent le Sahel, en particulier au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Ces mouvements migratoires exercent une pression accrue sur les capacités d’accueil des pays côtiers, dont les infrastructures sociales et administratives ne sont pas dimensionnées pour gérer de telles urgences.
En Côte d’Ivoire, le HCR a enregistré près de 66 000 demandeurs d’asile depuis le début de l’année 2024, contre 37 000 à la fin 2023. Le Bénin accueille quant à lui environ 25 000 réfugiés, pour la plupart burkinabè, concentrés dans les départements du nord. Le Ghana et le Togo ne sont pas en reste : dans les régions de l’Oti, de la Savane ou encore du Nord-Est, des milliers de familles déplacées vivent aujourd’hui dans des conditions de précarité extrême.
Le cri d’alerte du HCR
« Les besoins explosent, mais les ressources n’augmentent pas. Nous sommes forcés de prendre des décisions extrêmement difficiles », a alerté le représentant multi-pays du HCR, lors d’une conférence de presse à Abidjan. Il a déploré que les engagements financiers pris lors des réunions internationales de 2023 n’aient été que partiellement tenus, mettant à mal la capacité de l’agence à maintenir ses programmes.
La réduction annoncée concerne notamment :
L’accueil et l’enregistrement des nouveaux arrivants,
L’accès aux soins de santé primaires et à la nutrition,
La scolarisation des enfants réfugiés,
Les services de protection juridique et psychosociale,
La distribution de vivres et de biens de première nécessité.
Des conséquences humanitaires majeures
Les coupes budgétaires risquent d’avoir un impact immédiat sur les plus vulnérables, notamment les femmes, les enfants, les personnes âgées et les personnes vivant avec un handicap. Déjà confrontés à des conditions de vie précaires, ces réfugiés pourraient se retrouver sans assistance essentielle, avec des risques accrus d’exploitation, de malnutrition, d’abandon scolaire ou de violences basées sur le genre.
« La situation est très grave. Sans appui international urgent, nous assisterons à une catastrophe silencieuse dans les semaines à venir », témoigne un travailleur humanitaire déployé dans la région de Bouna, au nord-est de la Côte d’Ivoire.
Une responsabilité partagée
Le HCR et ses partenaires onusiens (UNICEF, PAM, OIM) avaient pourtant élaboré, dès 2024, un Plan régional de réponse humanitaire pour le Golfe de Guinée, estimé à 57,5 millions de dollars pour l’année 2025. Ce plan vise à renforcer la résilience des pays hôtes et à prévenir les effets de débordement du conflit sahélien. Mais à ce jour, moins de 30 % du financement requis a été mobilisé.
Ce déficit de financement révèle une forme d’indifférence internationale face à une crise aux conséquences pourtant régionales et systémiques. Il met également en lumière la nécessité pour les États de la CEDEAO et de l’Union africaine de s’approprier davantage les enjeux humanitaires, au-delà des mécanismes classiques de réponse d’urgence.
Un appel à la solidarité et à l’anticipation
Le retrait progressif du HCR ne doit pas être interprété comme un désengagement, mais comme un appel urgent à la mobilisation de la communauté internationale, des bailleurs institutionnels, des États et des sociétés civiles.
Les crises humanitaires ne connaissent pas de frontières. Et dans un contexte géopolitique aussi instable que celui de l’Afrique de l’Ouest, prévenir vaut mieux que subir. La solidarité ne doit pas être conditionnelle à la médiatisation des drames. Elle doit s’inscrire dans une logique de prévention, de dignité humaine et de sécurité collective.
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