Quatrième pont d’Abidjan: Pourquoi le ministre Amédée Kouakou doit démissionner

Par Douglas Mountain | 

Ouvert « partiellement » à la circulation en janvier 2024 à l’occasion de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), le quatrième pont d’Abidjan, censé relier Yopougon, Attécoubé, Adjamé et le Plateau, reste dans un flou administratif et technique inquiétant. Près de 18 mois plus tard, il n’a toujours pas été officiellement inauguré, ni même baptisé. Et pour cause : les travaux ne sont pas achevés, malgré des déclarations officielles contradictoires et manifestement trompeuses.

Des travaux inachevés… et des versions officielles confuses

Le 10 janvier 2024, lors de son ouverture partielle, il avait été annoncé que la « première phase » des travaux était terminée, et que la « seconde phase » devait débuter sous peu. Or, à ce jour, aucun des ouvrages prévus dans cette seconde phase n’a été réalisé.

Selon les documents techniques consultables notamment sur le site de la Banque Africaine de Développement (BAD), principal bailleur du projet, la deuxième phase comprenait :

  • Un tunnel sous le boulevard Nangui Abrogoua,

  • Un échangeur (fly-over) au-dessus de l’avenue 13 (en provenance de la gare routière d’Adjamé),

  • Et l’élargissement de l’avenue Reboul en une voie 2×3, depuis la mairie d’Adjamé jusqu’à la caserne des pompiers de l’Indénié.

C’est pour permettre cet élargissement qu’une partie d’Adjamé-village a été déguerpie en juillet 2024.

Le raccordement final du pont devait aboutir au carrefour de l’Indénié. Pourtant, les travaux s’arrêtent aujourd’hui à la mairie d’Adjamé, sans ces ouvrages essentiels. Ce n’est donc pas un détail, mais une rupture grave avec le cahier des charges initial.

Une déclaration de la CSCEC incompréhensible

Dans une déclaration parue en juin 2024 sur un site d’information, la China State Construction Engineering Corporation (CSCEC), en charge du chantier, affirme avoir « totalement achevé la seconde phase » depuis le 1er juillet 2024. Une déclaration choquante, car aucun des trois ouvrages majeurs évoqués plus haut n’a été construit. L’ouvrage ne peut donc être considéré comme terminé.

Pire, cette affirmation de la CSCEC n’a pas été démentie par les autorités ivoiriennes, ce qui alimente la suspicion d’un arrangement opaque entre le ministère de l’Équipement et l’entreprise chinoise.

Une confusion volontaire avec le BRT ?

Le 29 mai 2024, lors d’une visite sur le chantier, le Premier ministre Beugré Mambé a affirmé que la seconde phase concernait désormais le Bus Rapid Transit (BRT). Une affirmation erronée, voire manipulatoire.

Le BRT est un projet totalement distinct du quatrième pont : son financement est différent, son tracé l’est aussi, bien que certains tronçons se côtoient brièvement entre Yopougon et l’Indénié. Le BRT est une voie réservée aux autobus entre Yopougon et Bingerville, sans interconnexion directe avec la voie du quatrième pont.

La deuxième phase du quatrième pont n’a jamais concerné le BRT. Elle devait porter exclusivement sur les trois ouvrages mentionnés plus haut. Or, aujourd’hui, le pont mesure 6 km au lieu des 7,2 km prévus, les 1,2 km manquants correspondant précisément aux tronçons non réalisés.

Un scandale d’État ?

Ce que l’opinion publique ignore largement, c’est qu’il s’agit ici d’un véritable scandale technique et administratif. Il faut le dire avec force : le quatrième pont n’est pas terminé. Pourtant, il a été partiellement livré comme tel. Cela revient à un travail au rabais, pour lequel l’État ivoirien a déboursé 154 milliards de francs CFA, sur la base de spécifications précises.

Le constat est clair : les termes du contrat n’ont pas été respectés. Et si, comme l’affirme la CSCEC, les travaux sont « totalement achevés », alors le ministre de l’Équipement et de l’Entretien routier, Amédée Kouakou, doit démissionner. Car cela voudrait dire qu’il a validé un ouvrage incomplet, voire couvert un arrangement qui lèse l’État et les contribuables.

Le silence de l’État face à cette situation jette le doute sur la gouvernance du projet. Il est urgent d’exiger un audit indépendant du chantier et d’obliger la CSCEC à respecter l’intégralité du cahier des charges, y compris le tunnel, l’échangeur et l’élargissement de l’avenue Reboul.

Sans cela, ce pont restera le symbole d’un échec technique, d’une opacité contractuelle et d’un renoncement politique.

Le Cercle des Réflexions Libérales
oceanpremier4@gmail.com

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