
Le débat sur les réparations dues à l’Afrique par les anciennes puissances coloniales connaît un nouvel élan, porté cette fois par des voix politiques sénégalaises de plus en plus affirmées. Le député Ousmane Ciss, membre de l’Assemblée nationale du Sénégal, lors d’un podcast avec l’artiste panafricaniste guinéen Elie Kamano, s’est exprimé avec force sur la nécessité d’une reconnaissance historique et d’une justice réparatrice pour les crimes coloniaux et esclavagistes. Selon le parlementaire, le Sénégal s’inscrit aujourd’hui dans une dynamique menée par une nouvelle génération panafricaine, déterminée à rompre avec les silences du passé. « Sur le plan culturel, politique, au niveau véritablement économique, les séquelles laissées par l’esclavage et la colonisation, les torts et les exactions que l’Occident et les colonisateurs ont causé à l’Afrique n’ont pas véritablement montré leurs dégâts. Nous sommes toujours dans ce processus, avant de parler de réparations, de mettre à la face du monde la responsabilité de l’Occident », a-t-il déclaré. Pour Ousmane Ciss, le point de départ indispensable reste la reconnaissance pleine et entière des crimes coloniaux. Le massacre de Thiaroye en est une illustration tragique : le 1er décembre 1944, des tirailleurs africains rapatriés d’Europe, qui réclamaient simplement le paiement de leurs soldes, ont été exécutés par l’armée coloniale française. Un crime longtemps occulté par l’histoire officielle. Aujourd’hui, le gouvernement sénégalais entend rétablir la vérité. Des fouilles archéologiques sont en cours à Thiaroye, près de Dakar, afin de faire toute la lumière sur les circonstances de la tuerie et d’identifier les victimes. Ces recherches pourraient jeter les bases juridiques nécessaires à l’ouverture d’un processus officiel de demande de réparations à la France. Ousmane Ciss appelle à une expertise africaine et sénégalaise sur ce dossier, notamment pour documenter précisément les massacres comme celui de Thiaroye : « Pour, par exemple, les massacres qui ont été perpétrés à Thiaroye, il faut que le public sache le nombre exact de militaires ou de tirailleurs tués, qui ne sont pas exclusivement sénégalais, mais africains en général. » La conférence organisée en avril 2025 à Dakar a constitué un tournant. Regroupant historiens, universitaires et responsables politiques, elle a débouché sur la publication d’un communiqué ambitieux : « Pour une Justice Historique et des Réparations Dignes », appelant à la création d’un Centre national pour la mémoire, la justice et les réparations, à la reconnaissance officielle du massacre comme crime colonial, ainsi qu’à l’instauration d’une journée de commémoration. Le texte a également proposé la mise en place d’une plateforme continentale de coordination sous l’égide de l’Union africaine. Dans ce contexte, Ousmane Ciss affirme la volonté du régime actuel d’assumer ce combat historique : « Nous sommes des souverainistes, et en tant que souverainistes, nous pensons que tous les Africains ont ce devoir devant les peuples, je parle des dirigeants africains, de ne plus être des marionnettes à la domination coloniale. Parce qu’on a parlé de la colonisation, de l’esclavage, mais il y a aussi les néocolonialistes. » Il insiste sur le rôle des élus, en première ligne pour faire avancer ce dossier : « Puisque nous sommes députés de l’Assemblée nationale et représentants élus du peuple, nous mettrons les efforts pour que tous ces torts causés à l’Afrique puissent véritablement être réparés. » Le vent du changement semble souffler sur le continent : « Aujourd’hui, il y a un vent qui souffle, ce vent du souverainisme, c’est le vent du patriotisme et également du panafricanisme. Au Sénégal, au Burkina comme dans d’autres pays, la jeunesse politique est engagée à monter la voix des Africains. » Il est temps désormais de passer des paroles aux actes. Les citoyens attendent un signal fort des autorités sénégalaises : une déclaration officielle revendiquant des réparations pour les crimes coloniaux. Thiaroye peut et doit devenir un symbole continental de justice historique, un point de départ pour une Afrique réconciliée avec sa mémoire et résolument tournée vers l’avenir.
AWA CISSE, correspondance particulière
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