À l’approche de la fête de la Tabaski prévue pour le vendredi 6 juin 2025, les marchés à bétail d’Abidjan, grands comme annexes, vibrent déjà d’une intense activité. Partout, des milliers de moutons s’alignent dans des enclos boueux, sous les cris des vendeurs, les pas des clients, les négociations animées. L’ambiance mêle impatience, traditions et odeurs de foin humide et de poussière rouge.
Au parc à bétail d’Anyama, Ali Diabaté, acheteur venu de Koumassi, scrute un robuste bélier du Sahel, le sourire aux lèvres : « Ici, le mouton fait partie de la famille. On le choisit avec soin, mais surtout avec foi », dit-il.
Un approvisionnement renforcé pour une demande croissante
Le ministre des Ressources animales et halieutiques, Sidi Tiémoko Touré, a rassuré les consommateurs : plus de 140 000 moutons ont déjà été mobilisés à Abidjan, contre 130 000 en 2024. Ce chiffre devrait encore croître avec l’arrivée de convois du nord de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, du Mali, et l’importation de 20 000 ovins tchadiens, grâce à un partenariat économique bilatéral.
Outre les sites majeurs d’Anyama et Modeste, plusieurs marchés annexes ont rouvert cette année à Abobo, Adjamé, Port-Bouët, Treichville, Attécoubé, Yopougon, Songon… Ces pôles de proximité facilitent l’accès au bétail et désengorgent les grands centres.
Des foires populaires à ciel ouvert
À Port-Bouët, au parc de l’abattoir, l’ambiance rappelle une grande foire. Ce dimanche 1er juin, les bêtes ruminent sous les hangars pendant que les voix montent. Adama Bayoulou, marchand, propose fièrement un bélier à 150 000 FCFA. En face, Hamed Koné, fonctionnaire, brandit ses 100 000 FCFA comme ultime offre.
Mory Konaté, résident du quartier, salue l’initiative : « Grâce à ce marché, j’ai pu acheter mon mouton à cinq minutes de chez moi. Un vrai soulagement ». À Treichville, Sidibé Mamadou apprécie, lui aussi, la proximité et la fluidité du commerce. « Moins de transport, moins de stress, et une clientèle fidèle », résume-t-il.
La mairie d’Abobo, par la voix de ses services techniques, se félicite de cette stratégie de décentralisation saluée par le PCA de l’INTERPRU, le général Soumahoro Gaoussou.
Une économie saisonnière à fort impact
Sur les différents marchés, les prix varient selon la taille, la race ou la provenance de l’animal : de 80 000 à 400 000 FCFA. À Songon, on peut acquérir un petit mouton à partir de 100 000 FCFA, tandis qu’à Treichville, certains spécimens se vendent à plus de 300 000 FCFA.
Des clients, comme Seydou Traoré, regrettent cependant une flambée des prix. « Avec mes 100 000 francs, je repars les mains vides », déplore-t-il. Vendeurs et habitués conseillent d’anticiper les achats pour éviter les hausses de dernière minute et la disparition des meilleures bêtes.
L’économie de la Tabaski génère chaque année à Abidjan entre 15 et 17 milliards de FCFA, impliquant éleveurs, convoyeurs, artisans, transporteurs, vendeurs de nourriture et commerçants saisonniers.
Une ambiance de fête, une mémoire vivante
Dans les allées, l’ambiance est bon enfant. Des enfants jouent autour des enclos, les femmes prennent des photos avec leurs moutons, les anciens, eux, observent en silence. Fatoumata Touré, venue avec ses petits-enfants, résume l’esprit de cette fête : « Acheter un mouton, ce n’est pas juste un acte religieux. C’est une fête de famille, une mémoire vivante. Chaque animal porte en lui une histoire. »
La Tabaski, ou Aïd-el-Kébir, commémore le geste d’Abraham, prêt à sacrifier son fils en obéissance à Dieu. En Côte d’Ivoire, elle reste une fête à la fois spirituelle et communautaire, où le mouton, au-delà du sacrifice, symbolise aussi le lien familial et social.
(Avec AIP)
bsp/cmas
Commentaires Facebook