SODECI en Côte-d’Ivoire: Les abus d’un monopole, trop de coupures d’eau partout dans le pays

Dans les foyers d’Abidjan comme dans bien des villes de l’intérieur, les robinets se taisent. Les seaux remplacent les douches, les citernes deviennent un luxe, et les colères grondent. La SODECI (Société de distribution d’eau de Côte d’Ivoire), concessionnaire historique de l’eau potable depuis 1959, peine à remplir sa mission. Un service aussi vital que l’accès à l’eau souffre aujourd’hui des travers d’un monopole mal encadré.

Un quotidien rythmé par les coupures

Dans de nombreux quartiers, de Yopougon à Cocody, en passant par Man, Bouaké, Gagnoa, Alépé, Korhogo, Daloa, Sassandra ou Abengourou, dans presque toutes les localités du pays, les coupures d’eau sont devenues monnaie courante. Elles durent parfois plusieurs jours sans préavis. Pour les habitants, c’est l’incompréhension. « Nous payons nos factures, et pourtant nous devons aller chercher de l’eau à la pompe ou acheter des bidons à 500 ou 1000 francs CFA», se plaint Fatou, résidente à Koumassi.

Les coupures affectent non seulement les ménages, mais aussi tous les secteurs, les écoles, les hôpitaux, les marchés, les hôtels, les cliniques, les petits commerces, particulièrement ceux de la restauration. À l’approche de la Tabaski, période de forte consommation, la situation devient critique.

Une gestion centralisée, opaque et peu réactive

Officiellement, la SODECI attribue ces interruptions d’eau à des travaux de maintenance, à la vétusté du réseau ou à la forte demande. Mais sur le terrain, peu d’informations précises circulent. Les usagers ne sont pas prévenus, les services d’écoute sont saturés, et les réclamations restent souvent sans réponse.

« La SODECI est jugée, à tort ou à raison, comme un service distant, bureaucratique, déconnecté des réalités des abonnés », observe un analyste du secteur. Et ce diagnostic est d’autant plus inquiétant qu’aucune alternative n’est possible.

Le piège du monopole

La SODECI exerce un monopole de fait depuis près de sept décennies. Ce modèle obsolète, hérité de la période coloniale, visait à garantir une couverture nationale centralisée. Mais aujourd’hui, il apparaît comme un frein à l’innovation, à la qualité de service et à la reddition des comptes.

L’absence de concurrence ou même d’organes de régulation indépendants limite les pressions pour une amélioration réelle. La situation contraste avec d’autres pays africains qui, tout en maintenant un contrôle étatique, ont ouvert le marché à plusieurs opérateurs ou ont mis en place des agences de régulation dotées de réels pouvoirs.

Le silence des autorités

Face aux plaintes répétées des populations, les autorités ivoiriennes se montrent prudentes, voire silencieuses. Le contrat de concession entre l’État et la SODECI reste peu accessible au public, et les clauses de performance ne sont guère connues. Quelle est la part de responsabilité de l’État dans le contrôle de ce service public ? Quels sont les engagements réels de la SODECI en matière de continuité du service ? Autant de questions qui demeurent sans réponse.

Et maintenant ?

À l’ère de la transparence et de la participation citoyenne, le statu quo devient de plus en plus intenable. Il est temps d’ouvrir un vrai débat national sur l’avenir de la gestion de l’eau et de l’électricité en Côte d’Ivoire. L’État doit revoir les termes du contrat, renforcer les exigences de qualité de service et envisager des alternatives viables : ouverture du secteur à la concurrence, décentralisation [partielle], partenariats publics-privés équilibrés, ou même la création d’un régulateur indépendant.

L’eau est un droit, pas un privilège. Et dans un pays qui aspire à l’émergence, dans une Côte-d’Ivoire très ambitieuse, l’accès à l’eau potable ne doit pas rester un luxe urbain ou une loterie quotidienne. Il est l’un des premiers marqueurs de dignité et de justice sociale. Garantir son accès universel et régulier est une priorité non négociable pour les gouvernements.

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