Le «Didiga» ou l’impensable: Ouattara, Gbagbo, Thiam, Soro et Blé Goudé, tous inéligibles pour la présidentielle d’octobre 2025

Par Dr. Ben ZAHOUI-DÉGBOU Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo, Tidjane Thiam, Soro Guillaume et Charles Blé Goudé, tous inéligibles pour la présidentielle d’octobre 2025


Le 25 octobre prochain, la Côte d’Ivoire notre riche et beau pays, organisera une élection
présidentielle à haut risque. Des membres du Gouvernement et des personnes très proches
du Président Ouattara disent, avec assurance et un brin d’arrogance trompeur, qu’il n’y aura
rien en Éburnie et que, comme d’habitude, « tout est sous contrôle ». Dans le même temps,
paradoxalement, ces mêmes personnes bien qu’optimistes, en apparence sur l’organisation
et la réussite de la prochaine présidentielle, ont déjà sournoisement pris soin de mettre à
l’abri leurs familles en France, aux Etats-Unis, au Ghana, au Sénégal, au Maroc, au Liberia et
dans bien d’autres pays à travers le monde entier, loin de la tension perceptible en Côte
d’Ivoire. L’ambiance stressante au bord de la Lagune Ébrié, est naturellement due à la non
inscription, sur la liste électorale des noms d’illustres personnalités comme le Président
Laurent Gbagbo, le Premier Ministre Soro Guillaume, les Ministres Tidjane Thiam et Charles
Blé Goudé. Pour diverses raisons fallacieuses, ces dignes fils du pays d’Houphouët Boigny
(1905-1993), ne sont pas éligibles et c’est le « Didiga »!


Le « Didiga » ici, c’est que pour l’instant, les principaux leaders de l’opposition et le Président
Ouattara lui-même, ironie du sort, ne sont pas éligibles. Ce dernier est frappé par la
constitution qui limite catégoriquement à deux les mandats présidentiels. Il en a déjà fait
trois, ce qui est difficilement acceptable par la majorité des Ivoiriens. Pour rappel, la
situation actuelle de la Côte d’ivoire fait justement penser au « Didiga ». Vous le savez
certainement, le grand dramaturge ivoirien, le Professeur Bottey Zadi Zaourou (1938-2012),
est le concepteur de ce concept. Il se présente au plan artistique, comme le récit des
prouesses d’un grand chasseur Bhété, un héros en quelque sorte, nommé « Djergbeugbeu »
et au plan philosophique comme l’Art de l’impensable. Selon Marie-José Hourantier1, ce
mouvement indique par extension, tout récit, comportement, acte ou situation défiant la
logique, les lois physiques et surnaturelles.


Le président Alassane Ouattara, ici le héros, « Djergbeugbeu » s’est battu pendant trente
ans, pour arriver, contre vents et marées au sommet de la République de Côte d’Ivoire. Il a
utilisé tous les moyens possibles. Pour atteindre son objectif, on peut le dire, il a fait des
prouesses inimaginables, dans le monde visible et invisible, comme le grand chasseur
« Djergbeugbeu », quelques fois en dehors même de toute orthodoxie démocratique. Il a
pris des armes pour s’asseoir dans le fauteuil de Félix Houphouët Boigny, le Père de la
Nation ivoirienne. Celui-ci, entre temps, avait toujours refusé de façon catégorique de
signer son décret de naturalisation pendant qu’il était son Premier Ministre. Finalement,
c’est le Président Laurent Gbagbo qui « l’a fait naïvement ivoirien ». Ce dernier avait
annoncé contre toute attente, on se rappelle encore, au cours d’une intervention télévisée
mémorable, le mardi 26 avril 2005 à 20 heures à la RTI, qu’il acceptait que son rival et
« ami », « le Premier Ministre Alassane Dramane Ouattara, participe à l’élection
présidentielle d’octobre 2005 ».


Le Président Laurent Gbagbo levait ainsi un obstacle de taille sur la voie du règlement de la
crise ivoirienne, ouverte le 19 septembre 2002 par la partition du pays avec une rébellion
sanglante, soutenue par les Gouvernements de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkösy de
Nagy-Bocsa, le Burkina Faso de Blaise Compaoré et les Nations-Unies. Il faut signaler que la
candidature du Premier Ministre Alassane Dramane Ouattara, à laquelle les pouvoirs
successifs (les Présidents Bédié et Gueï), faisaient obstacle depuis des années, lui reprochant
sa « nationalité douteuse », focalisait malheureusement la vie politique du pays depuis
1993. Ce qui est intéressant ici, c’est que l’histoire de la Côte d’Ivoire, ces trente dernières
années et celle de son héros, actuel, le Président Ouattara, au plan métaphorique, sans
dénaturer le concept du Professeur Bottey Zadi Zaourou, nous conduisent dans les
méandres obscurs du « Didiga », l’Art de l’impensable et de l’irrationnel.
Les méandres obscurs du « Didiga ».


Voyons. Le Président Bédié (1934-2023), fils spirituel d’Houphouët Boigny (1905-1993), a été
chassé du pouvoir en 1999 par le Premier Ministre Alassane Dramane Ouattara qui l’avait
prévenu suite à un mandat d’arrêt international lancé contre lui, pour fraude sur la
nationalité ivoirienne. Le « Vieux » avait toujours refusé, de signer le décret de
naturalisation du locataire actuel du Palais présidentiel. La raison, le natif de Daoukro, la
connaissait. C’était un secret de polichinelle qu’il a mentionnée justement dans son livre « le
chemin de ma vie » (Édition Plon, 1999).


Le « Didiga », c’est que, mettant entre parenthèse son concept « d’Ivoirité » et le coup d’État
militaire dont il a été victime le 24 décembre 1999, le Président Bédié, avec une rancune
tenace contre son jeune frère, Laurent Gbagbo, s’est mis avec Ouattara pour combattre ce
dernier. Le Sphinx de Daoukro est l’origine de la création, le 18 mai 2005 à Paris, du
Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP). Il faut noter,
entre temps, que dès sa prise de pouvoir, le « Woody de Mama » avait fait venir d’exil les
deux alliés de circonstance pour les causes de la réconciliation nationale, après la transition
militaire du Général Guéï (1999-2000). Au nom de la Côte d’Ivoire, son successeur était en
droit de poursuivre le Premier Ministre Ouattara, pour ses nombreux détournements de
deniers publics avérés. Les traces de nombreux transferts de fonds à l’étranger, entre 1990
et 1993 existent encore. Le Président Laurent Gbagbo a fermé les yeux sur ces opérations
illicites toujours pour les causes de la réconciliation nationale.


Le « Didiga », c’est qu’il a gagné les élections de 2010. Et c’est bien lui qui a autorisé, il faut
le préciser, sous la pression de Jacques Chirac, ensuite de Nicolas Sarkösy de Nagy-Bocsa et
celle de la communauté internationale, le premier Ministre Alassane Dramane Ouattara, à
être candidat à la présidentielle de 2010. Le Président Laurent Gbagbo a été injustement
chassé du pouvoir et a fait dix ans de prison (deux à Korhogo et huit à la Haye), pour dit-on,
crimes contre l’humanité. Alors que le Président Ouattara lui-même, le Premier Ministre
Guillaume Soro et les Chefs de guerre bien connus, sont toujours en liberté. Quelle injustice !
Heureusement que le Président Laurent Gbagbo et le Ministre Charles Blé Goudé ont été
acquittés. Le 31 mars 2021, la Chambre d’Appel de la Cour Pénale Internationale (CPI),
confirmait à la majorité des juges, la décision de leur acquittement par la Chambre de
première instance, le 15 janvier 2019.


Le « Didiga », c’est que le Président Ouattara et ses soutiens avait même refusé le
recomptage des voix, alors que la résolution d’un contentieux électoral, comme celui qu’a
connu la Côte d’Ivoire, exigeait le recomptage des voix ou l’organisation d’un autre
deuxième tour, dans de meilleures conditions sécuritaires dans le nord du pays où, les chefs
de guerre et les Dozos régnaient en grands maîtres. Il a préféré faire la guerre et s’asseoir en
héros, avec force, dans le fauteuil présidentiel, avec une armée tribale, appuyée par des
forces étrangères notamment françaises. Le problème est que son parcours a été très long
et dans sa gouvernance actuelle, plusieurs stratégies physiques et métaphysiques sont
utilisées pour endormir le peuple ivoirien et se maintenir au pouvoir. Aujourd’hui, après
bientôt quinze ans de règne, les entropies générées par son régime sont énormes et
difficiles à gérer.


Le « Didiga », c’est que le héros actuel du Palais présidentiel, comme « Djergbeugbeu », dans
ses prouesses, digne d’un grand metteur en scène cynique, a réussi à dresser les populations
du Sud, notamment les cadres et Hommes d’affaires, contre celles du Nord avec sa politique
de « rattrape ethnique » et le passage de gré à gré des marchés publics aux membres de son
clan. Dans ce « Didiga », il faut remarquer que dans toutes les villes du Sud, il y a des
Dialabougous, c’est-à-dire, des quartiers entièrement occupés par les Dioulas. Ils y sont
même maires et députés. Ce qui n’est pas le cas pour les autres ethnies dans les villes du
Nord du pays « complètement bouclées ». Une situation bien injuste, gênante, frustrante et
inacceptable qui ne pourra plus durer longtemps si l’équilibre n’est pas opéré.


Dans la situation actuelle, un dialogue politique est plus que nécessaire.
Dans les conditions actuelles, cinq mois avant la présidentielle d’octobre prochain, un
dialogue politique et social est plus que déterminant pour trouver un minimum de
consensus autour des problèmes suivants : l’inscription du Président Laurent Gbagbo, du
Premier Ministre Soro Guillaume, des Ministres Tidjane Thiam et Charles Blé Goudé sur la
liste électorale ; la recomposition de la Commission Électorale Indépendante (CEI) et la
révision de la liste électorale. Ce dialogue entre le régime Ouattra et son opposition pourrait
éventuellement examiner « la question du quatrième mandat » du tenant actuel du pouvoir.
Inutile de rappeler qu’en avril 2005, le Président Laurent Gbagbo avait pris des dispositions
constitutionnelles, contre la volonté d’une grande majorité des Ivoiriens, pour faire du
Premier Ministre Alassane Dramane Ouattara, un candidat exceptionnel. Celui-ci devrait être
au moins reconnaissant envers son bienfaiteur qui, à un moment donné, s’est même occupé
de sa génitrice malade et de ses fins de mois à lui, avec des sommes appréciables qui
atterrissaient à la rue Lepic, dans le Vieux Cocody. Par contre, le Président Ouattara avait
refusé que le Président Laurent Gbagbo vienne enterré la sienne au pays. Notons qu’en
pays bhété, c’est le fils ainé d’une famille qui s’occupe des funérailles de sa mère. Le
Woody de Mama étant en prison à La Haye, il avait désigné feu Aboudramane Sangaré, son
ami et frère pour enterrer sa génitrice. A ce niveau, le Président Ouattara a fait preuve d’une
ingratitude notoire.


Pour les Chrétiens, l’ingratitude fait partie des signes de la fin des temps. « Sache que dans
ces dernier jours, il y aura des temps difficiles. Car les hommes seront égoïstes, amis de
l’argent, fanfarons, hautins blasphémateurs, rebelles à leurs parents, ingrats, irréligieux » (2
Timothée 3 : 1-2). Conclusion, toute ingratitude est un péché puisqu’elle est contraire à la
reconnaissance. Par contre, la gratitude est plus qu’une belle qualité morale. Elle est
génératrice de nombreuses bénédictions.


Il est donc impérieux de rendre éligibles les leaders de l’opposition notamment le Président
Laurent Gbagbo. Dieu le Père Tout-Puissant est passé « par lui », avec l’Article 48 de la
Constitution, pour autoriser le Premier Alassane Dramane Ouattara à être candidat puis
ensuite à l’établir sur le « Trône de la Côte d’Ivoire ». Ne pas permettre au Président Laurent
Gbagbo d’être éligible en faisant voter une Loi d’amnistie, marquerait sans aucun doute, le
summum de l’ingratitude humaine du Président Ouattara qui a toutes les cartes en mains. Il
faut donc aller au Dialogue pour préserver la paix dans notre riche et beau pays. Les vertus
du Dialogue et de la concertation mutuelle ne sont plus à démontrer. Un Dialogue direct
Gouvernement (RHDP), PDCI-RDA, PPA-CI, leurs alliés et la Société Civile, pourrait créer sans
aucun doute, la confiance entre ces différents partenaires pour aller vers une présidentielle
inclusive et apaisée en octobre prochain.


Dr. Ben ZAHOUI DÉGBOU, Géographe-Journaliste,
Spécialiste de Géopolitique et de Commerce International.
Masterant en Théologie, BIBLEDOC, Institut de Théologie,
P.O. BOX 118 STAFFORD, VA – USA


1 Marie-José Hourantier est Professeure des Universités, anthropologue, dramaturge, poètesse, romancière,
peintre, comédienne, metteuse en scène et spécialiste de la littérature et des rituels bassa, chercheuse à
l’Institut de littérature et d’esthétique négro-africaines de l’Université Félix houphouët-Boigny.

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