La Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) fête ses 50 ans Par Dr. Ben ZAHOUI-DÉGBOU

Les autorités de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se
sont réunis le mercredi (28 mai 2025) à Lagos, au Nigeria, pour célébrer le
50ème anniversaire de l’organisation sous régionale, alors que l’Afrique de l’Ouest subit de
profonds bouleversements sécuritaires et diplomatiques, le durcissement des droits de
douane américains et une baisse de l’aide internationale. Cet anniversaire intervient à une
période trouble pour la (CEDEAO), autrefois saluée comme un pilier de stabilité dans la
région. Le bloc ouest-africain est désormais profondément divisé à la suite du départ de
l’organisation, en début d’année, de trois États dirigés par des régimes militaires : le Mali, le
Burkina Faso et le Niger réunis dans l’Alliance des États du Sahel.

Ces trois pays restent géographiquement dans « l’espace CEDEAO » tout en prenant leurs
indépendances politique et stratégique vis à vis de cette organisation régionale. Des accords
sont prévus entre l’AES et Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest. La
CEDEAO, est née le 28 mai 1975, suite la signature du Traité de Lagos. À l’époque, quinze
pays se regroupent pour former un ensemble dont l’intégration économique est le premier
moteur. Ils ont vite vu la nécessité urgente et stratégique de se mettre ensemble au sein
d’une communauté économique régionale. Mais l’idée de sa création avait déjà germé dans
l’esprit des dirigeants ouest-africains en 1964, notamment le Président du Liberia, William
Tubman (1944–1971).

En effet, un accord est signé entre la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone en
février 1965, mais celui-ci est un échec. Le projet est remis sur la table en avril 1972 par le
Général Yakubu Gowon, président du Nigeria (1966 et 1975) et le Général Gnassingbé
Eyadema président du Togo (1967-2005). Ces deux dirigeants ouest-africains font une
tournée dans la région et proposent leur idée à 12 pays, leur demandant des contributions
de juillet à août 1973. Ensuite, une réunion est organisée à Lomé en vue d’étudier une
proposition d’accord qui aboutira à la naissance de la CEDEAO deux ans plus tard.
Il faut signaler que dans une première phase et ceci, trois ans avant le Traité de Lagos, l’idée
de création de la CEDEAO a surtout été approuvée par les pays francophones, avec la
création de la Communauté Économique de l’Afrique de l’Ouest (CEAO). L’accord signé à
Lagos le 28 mai 1975 a donc réussi à éclater le clivage psychologique entre pays anglophones
et francophones. Il est donc intéressant de connaître les principales caractéristiques de cette
Communauté Économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. Depuis, l’organisation a fait du
chemin. Mais, 50 ans plus tard, la CEDEAO, fait face à de nombreux défis. Le principal acquis
de cette organisation est la libre circulation des biens et des personnes dans son espace. Un
seul document de voyage est aujourd’hui nécessaire pour traverser 12 pays.

La Zone de Libre-échange de la CEDEAO.

La Zone de Libre-échange de la CEDEAO fait partie de la Zone de Libre-échange Continentale
Africaine (ZLECAf) en cours de création sur l’ensemble du continent africain. A terme, elle
doit réunir la zone tripartite de Libre-échange qui doit inclure le Marché Commun de
l’Afrique Orientale et Australe (COMESA), la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE),
la Communauté de Développement d’Afrique Australe (SADC), la Communauté Économique
des États de l’Afrique Centrale (CEEAC), l’Union du Maghreb arabe, la Communauté des États
sahélo-sahariens et naturellement la Communauté Économique des États de l’Afrique de
l’Ouest (CEDEAO). L’objectif de la ZLECAf est d’intégrer à terme, l’ensemble des 55 États de
l’Union Africaine (UA) dans la zone de Libre-échange qui constitue un vaste marché de 1,5
milliard de consommateurs en 2024.

Les Chefs d’États et de Gouvernements africains ont lancé la phase opérationnelle de la
ZLECAf à l’occasion du 12ème Sommet extraordinaire de l’Union africaine, le 7 juillet 2019 à
Niamey, au Niger. Ce bloc commercial fort de 55 nations a pour ambition de devenir le plus
grand marché intégré du monde réunissant près de 2,5 milliards de personnes d’ici 2050
(Nations Unis 2024). La ZLECAf a pour fondation les Communautés Économiques Régionales
(CER) comme la CEDEAO. Ce sont donc des blocs qui contribuent à la mise en place de cette
zone panafricaine. En effet, au sein de l’espace CEDEAO, elle va s’appuyer sur des accords
commerciaux régionaux existants.

L’espace CEDEAO de nombreux d’accords juridiques.

L’espace CEDEAO est surement la région ayant le plus grand nombre d’accords juridiques
tels que le Protocole de la CEDEAO sur la libre circulation des personnes et des biens1. Il y a
aussi le Schéma de Libéralisation des Échanges de la CEDEAO (SLEC). C’est le principal outil
opérationnel de l’Afrique de l’ouest avec pour objectif la promotion de l’espace CEDEAO
comme zone de libre-échange. Créé en 1979, le SLEC est un important outil pour la
réalisation d’une zone de Libre-échange. Cet outil se compose d’éléments tels que les règles
d’origine et d’autres éléments de la procédure pour bénéficier de l’ETLS qui signifie Schéma
de libéralisation des échanges CEDEAO.

C’est un instrument commercial qui vise à encourager les échanges en franchise2 de droits
entre les États membres de cette organisation régionale. L’objectif de l’ETLS est de libéraliser
le commerce en supprimant les droits de douane perçus sur les importations et les
exportations et en éliminant les barrières non tarifaires entre les États membres de la
CEDEAO, pour l’établissement d’une zone de Libre-échange au niveau communautaire.
L’évolution du Commerce International et l’adoption d’un nouvel accord sur les règles
d’origine3 par l’Organisation Mondiale du Commerce ont obligé la CEDEAO et l’Union
Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) à adopter et à respecter les mêmes
critères en matière de règles d’origine dans le cadre de l’ETLS.

Le rôle de la ZLECAf est de libéraliser les échanges commerciaux entre tous les pays africains.
Selon les estimations de l’OMC, le commerce intra-régional en Afrique ne représentait que
17 % des exportations en 2019 contre 59 % en Asie et 69 % en Europe. Les échanges intra-
africains ont atteint une valeur de 208 milliards de $US dollars en 2024, enregistrant une
croissance de 7,7% par rapport à 2023, selon un rapport publié le dimanche 30 mars 2025
par la Banque africaine d’import-export (Afreximbank). Cependant, ces chiffres négligent
l’importance du commerce informel. Les statistiques officielles échouent à rendre compte
de l’étendue véritable des marchés régionaux, en réalité, l’Afrique de l’Ouest est une région
beaucoup plus intégrée4. La ZLECAf offrira de nouvelles opportunités pour approfondir
l’intégration économique au-delà de l’Afrique de l’Ouest.

L’Afrique de l’Ouest est une région beaucoup plus intégrée malgré la création de l’Alliance
de États du Sahel (AES).

On peut dire que l’intégration régionale notamment en Afrique de l’ouest est le
regroupement de 15 pays (moins aujourd’hui : le Niger, le Mali et el Burkina Faso) de cette
région pour mettre en place un grand marché de 386 millions de consommateurs dans le but
de réaliser des projets économiques ayant une portée commune et d’attirer des
Investissements Directs Etrangers (IDE). Cette intégration régionale offre donc un cadre
propice au développement des économies d’échelle, considérées dans la nouvelle théorie du
Commerce International, comme l’une des principales sources d’avantages comparatifs5.
Elle permet aussi aux différents membres de la zone de Libre-échange de bénéficier des
avantages commerciaux, sans que la clause de la nation la plus favorisée de l’Organisation
Mondiale du Commerce (OMC), ne soit évoquée par d’autres pays. En général l’Afrique et en
particulier l’espace CEDEAO reste un marché complexe et difficile, mais elle offre des
opportunités à ceux qui sont prêts à adapter leurs modèles opérationnels à la région.
Les niveaux de revenus restent relativement faibles en moyenne mais, avec l’émergence
d’une classe moyenne africaine, des signes d’évolution se font jour et les entreprises qui
sont prêtes à innover, en adaptant leurs circuits, leur marque et leurs stratégies de
portefeuille, remporteront très certainement la mise6. Notamment, si elles acceptent de
réaliser des transactions plus nombreuses, mais à plus faible valeur, pour remporter les
premières parts de marché, ou d’exploiter un circuit dans les produits et services haut de
gamme.

L’émergence d’une classe moyenne est un atout pour les investissements

Au cours des dernières années, une économie en cours de diversification a permis
l’émergence de cette classe moyenne, stimulant ainsi la demande de produits de
consommation, de services et de produits de marques de luxe. La classe moyenne
émergente est plus optimiste, attachée aux marques et connectée. En 2019, la classe
moyenne en Afrique représentait plus de 375 millions d’individus, soit 34 % de la population
(OMC, 2023). Ce sont autant de consommateurs potentiels. À l’horizon 2030, elle devrait
compter plus d’un demi-milliard d’Africains selon les prévisions des Nations-Unies.
Ces chiffres sont impressionnants : 60 % des personnes considérées comme appartenant
aujourd’hui à la classe moyenne vivent avec 2 à 4 USD par jour. Plus de 200 millions
d’Africains, soit plus de 20 % de la population totale, sont âgés de 15 ans à 24 ans. Ce chiffre
devrait passer à 321 Millions d’ici à 2030. Selon Futuribles International7, l’augmentation de
la demande des consommateurs, associée à une croissance annuelle proche de 4,2 %, a
entraîné une hausse d’environ 2 500 Milliards de USD du PIB africain en 2024. La Côte
d’Ivoire, le Cameroun, l’Éthiopie, l’Ouganda et le Mozambique figurent parmi les marchés
dont l’expansion est la plus forte et de grandes économies comme celles du Nigeria, de
l’Afrique du Sud, du Maroc et de l’Égypte maintiennent leurs bonnes performances (BAD,
2024).

Toutefois, certains risques perdurent : manque d’infrastructures, mauvaise gouvernance,
corruption, sécurité fragile, logistique peu fiable. Les conflits et attaques terroristes sont
localisés et constituent un frein au Développement. Cependant, l’opportunité de
consommation en Afrique notamment dans l’espace CEDEAO, repose, d’après le cabinet
d’étude Deloitte, sur cinq piliers clés : la montée en puissance de la classe moyenne, la
croissance démographique, la prédominance des jeunes, l’urbanisation galopante et
l’adoption rapide des technologies numériques. On peut ajouter une sixième clés que
constitue l’ouverture commerciale de l’Afrique sur le monde avec le multilatéralisme.

Dr. Ben ZAHOUI DÉGBOU, Géographe-Journaliste,
Spécialiste de Géopolitique et Docteur en Commerce International.
(Investissement Directs Étrangers – IDE – et Développement).
1 Dans le souci de favoriser la libre circulation des biens dans l’espace communautaire, la CEDEAO a mis en place en 2012
un plan de libéralisation du commerce. Il est soutenu par plusieurs textes juridiques devant y réguler les échanges. La
politique de la libre circulation des biens de la CEDEAO (1978), vise notamment à favoriser l’intégration harmonieuse de la
région dans l’économie mondiale.
2 La franchise est un contrat du droit commercial par lequel un commerçant dit « le franchiseur », concède à un autre
commerçant dit « le franchisé », le droit d’utiliser tout ou partie des droits incorporels lui appartenant (nom commercial,
marques, licences), généralement contre le versement d’un pourcentage sur son chiffre d’affaires ou d’un pourcentage
calculé sur ses bénéfices.
3 Il n’est plus vraiment simple de déterminer l’origine d’un produit étant donné que les matières premières et les pièces
détachées circulent tout autour du globe pour servir d’intrants dans des usines de fabrication éparpillées aux quatre coins
du monde. Les règles d’origine sont donc nécessaires pour attribuer un pays d’origine à chaque produit.
4 Groupe de la Banque Africaine de Développement (BAD) « Commerce intra-africain : la Banque Africaine de
Développement souligne le rôle central des grandes villes du continent » 22-janvier-2021.
5 Paul Robin Krugman, né le 28 février 1953 à Long Island dans l’État de New York. Il a obtenu son doctorat d’économie
(PhD) en 1977 au MIT. C’est donc un économiste américain qui a obtenu le prix dit Nobel d’économie 2008 pour avoir
montré « les effets des économies d’échelle sur les modèles du commerce international et la localisation de l’activité
économique ».
6 Deloitte, « La consommation en Afrique. Le marché du XXIe siècle ». Cette enquête a été menée sur des dispositifs
mobiles à partir d’un échantillon sélectionné de manière aléatoire, composé de 2 000 adultes de plus de 16 ans (soit 500
par marché) en Afrique du Sud, en Côte-d’Ivoire, en Égypte, au Kenya, au Maroc, au Nigeria, au Sénégal et en Tunisie entre
le 1er et le 7 octobre 2014. Deloitte est une firme multinationale britannique.
7 Futuribles International est un centre de réflexion et d’études prospectives qui vise à intégrer efficacement le sens du long
terme dans la prise de décision et l’action. Depuis 1960, Futuribles joue un rôle moteur dans le développement de la
prospective en France et dans le monde.

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