Par Simplice Ongui
L’article de M. Edy Yoro, qui tente de minimiser la portée politique de la démission du Professeur Maurice Kakou Guikahué, repose sur une construction habile, mais creuse : celle de la normalisation administrative d’un acte profondément politique.
À lire Edy Yoro, la démission de Guikahué ne serait qu’un malentendu protocolaire, un non-événement institutionnel, voire un geste inutile puisque, selon lui, « le cabinet de Thiam avait de toute façon été dissous avec sa démission du 12 mai ». Cette lecture, aussi commode qu’élusive, évacue l’essentiel : la portée symbolique, politique, historique et stratégique de ce départ.
1. La fonction ? Non. Le sens politique.
Réduire la décision du professeur Guikahué à une question de procédure — « fonction caduque » ou « réaménagement de cabinet » —, c’est faire semblant d’oublier que l’homme n’est pas un simple collaborateur technique, mais une figure centrale du PDCI depuis plus de trois décennies.
Il n’est pas conseiller comme on recrute un consultant. Il est conseiller par engagement, par loyauté, par transmission d’expérience. Et c’est précisément ce qu’il dénonce dans son communiqué : il a été maintenu dans un rôle décoratif, ignoré sur les dossiers clés, contourné dans les décisions vitales. Ce n’est pas le poste qu’il quitte, c’est le mépris des règles de concertation au sein d’un parti qu’il a servi avec constance.
2. La « non-consultation », simple détail ? Non. Un symptôme.
Dire que le Président n’est « pas obligé de consulter » ses conseillers est juridiquement exact. Mais politiquement, cela sonne creux. Dans une période de tempête interne, l’exclusion délibérée d’une figure d’équilibre comme Guikahué ne relève pas d’un oubli mais d’un choix. Un choix qui révèle un mode de gouvernance : vertical, fermé, autocratique. C’est ce que le professeur refuse, et ce refus est en soi un acte politique majeur.
3. Le silence de Guikahué ? Non, un cri étouffé.
L’auteur s’interroge longuement sur « le silence » du professeur Guikahué durant les turbulences récentes. Faut-il rappeler que lorsqu’un conseiller est marginalisé, tenu à l’écart, informé par voie de presse, il n’a pas vocation à devenir le porte-parole d’un système qui l’ignore ? Le silence de Guikahué n’était pas de la nonchalance, c’était une forme de désapprobation muette, mais puissante.
Et sa démission l’a confirmé : il refuse de cautionner la reconduction d’un pouvoir sans méthode, sans cadre, sans respect pour la mémoire militante.
4. La loyauté n’est pas la servitude
Insinuer, comme le fait Edy Yoro, que Guikahué aurait dû « agir, proposer, prendre des initiatives » même sans être consulté, c’est méconnaître les règles minimales de fonctionnement d’un parti organisé. Ce n’est pas au conseiller de « forcer la main » du Président, mais à celui-ci d’ouvrir les espaces de dialogue, surtout dans un contexte de crise.
La loyauté n’est pas de se taire face au désordre, ni d’endosser un simulacre de concertation. La loyauté, c’est aussi refuser de devenir complice d’un fonctionnement contraire aux valeurs fondatrices du PDCI.
5. Une tentative de diversion ?
Enfin, l’ensemble de l’article de M. Yoro semble animé par un souci fondamental : protéger l’image de Cheick Tidjane Thiam à tout prix, quitte à jeter un voile pudique sur les fractures internes, les manquements procéduraux et le malaise militant croissant. En cela, l’article ressemble plus à un bouclier de communication qu’à une analyse sincère.
Mais le départ de Guikahué n’est pas un coup d’humeur. C’est le signal d’un point de rupture au sein du vieux parti, que la communication d’image ne suffira pas à maquiller.
Conclusion : l’arbre ne doit pas cacher la forêt
Plutôt que de jouer les équilibristes sémantiques pour vider cet acte de sa substance, il faudrait écouter ce que dit la démission de Guikahué. Elle parle d’un mode de gouvernance cassé, d’un manque de confiance généralisé, et d’un parti qui, derrière les applaudissements de façade, perd peu à peu ses piliers, sa mémoire, et son âme.
Il ne s’agit pas d’un simple poste abandonné. Il s’agit d’un homme d’expérience qui refuse de couvrir un fonctionnement qui trahit l’esprit du PDCI.
Et cela, aucun habillage ne pourra l’effacer.
Simplice Ongui
Directeur de Publication
Afriqu’Essor Magazine
osimgil@yahoo.co.uk
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