Robert Francis Prevost, le nouveau pape que vient de nous donner l’un des conclaves n’ayant pas traîné en longueur, est à la fois du Nord parce qu’il est Américain (il est né aux États-Unis, son père est Franco-italien, sa mère, espagnole) et du Sud global parce qu’il a vécu et travaillé comme curé, enseignant et évêque pendant 22 ans au Pérou. Il a son cœur à la fois à Chicago et à Chiclayo tout en étant conscient que la vie est loin d’être la même dans les deux villes. Le fait que Léon XIV soit issu de plusieurs mondes peut rassurer ceux qui souhaitent que le 267e pape soit un bâtisseur de ponts entre les peuples, entre l’Église et le monde, entre « progressistes » et « conservateurs », entre clercs et laïcs. Certains pensent qu’il accordera un grand intérêt, comme Bergoglio, aux migrants (il aida les Vénézueliens présents au Pérou), aux pauvres, à la place et au rôle de la femme dans l’Église. Francois avait nommé, en juillet 2022, 3 femmes dans la commission chargée de choisir les évêques du monde entier, Sr Simona Brambilla à la tête du Dicastère pour les Instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique et la Xavière française Nathalie Becquart comme sous-secrétaire du Synode des évêques. Il voulait appeler des femmes au diaconat permanent mais fut obligé de faire machine arrière devant la réticence des cardinaux et évêques « conservateurs ».
Léon XIV rouvrira-t-il le dossier?
Prevost pourrait aller plus loin que Bergoglio sur la question sociale en raison du nom choisi par lui pour son pontificat. Léon XIII est en effet l’auteur de la première encyclique sociale “Rerum novarum”. Publiée le 15 mai 1891, cette encyclique traite des rapports entre patrons et ouvriers. Dans cette encyclique, Léon XIII demande aux patrons de donner des salaires justes à leurs employés, plaide pour que ces derniers puissent créer des syndicats qui leur permettent de faire connaître leurs problèmes et difficultés. Mais Léon XIII parle aussi des devoirs de l’employé. Celui-ci, insiste-t-il, doit prendre soin de l’entreprise, tenir ses engagements, etc.
Le document “Fiducia supplicans”, qui encourage prêtres et évêques à bénir les couples homosexuels, avait suscité une bronca. Les critiques les plus virulentes étaient venues de l’épiscopat africain conduit par le cardinal congolais Fridolin Ambongo. Il n’est pas certain que le nouveau pape, soucieux de paix et d’unité, embouche la même trompette que François. En revanche, il défendra, comme lui, la cause des migrants. Le vice-président américain, catholique et favorable à l’expulsion des sans-papiers, avait déclaré en janvier 2025: “Vous aimez votre famille, puis vous aimez votre voisin, puis vous aimez votre communauté, puis vous aimez vos concitoyens dans votre propre pays, et ensuite, après cela, vous pouvez vous concentrer et donner la priorité au reste du monde ». La réponse du cardinal Prevost ne se fit pas attendre: “ Vance a tort. Jésus ne nous demande pas de hiérarchiser notre amour pour les autres.” Le nouveau pape ne s’accommodera pas davantage du racisme, lui qui, en mai 2020, invitait “les dirigeants de l’Église à rejeter le racisme et à rechercher la justice”. François ne fut guère tendre ni avec le cléricalisme qui frustre, humilie et asservit le Peuple de Dieu, ni avec les évêques qui se prennent pour des demi-dieux, croyant à tort que l’épiscopat leur donne droit de vie et de mort sur leurs prêtres et qu’ils peuvent utiliser l’argent de l’Église n’importe comment. Le pape Léon XIV ne désavouera pas le cardinal Prevost qui affirmait qu’un évêque « ne doit pas s’enfermer dans sa tour d’ivoire comme un prince mais cheminer et souffrir avec ses fidèles”.
François fut accusé d’autoritarisme. Ayant été supérieur général des Augustiniens, Léon XIV fera peut-être preuve d’autorité sans écraser ni rabaisser cardinaux, évêques et prêtres qui ne voient pas les choses comme lui.
Qu’est-ce que l’Afrique peut attendre du nouveau pape? Probablement plus de cardinaux, de voyages et de fermeté à l’égard de ceux qui à l’intérieur et à l’extérieur empêchent le continent de progresser. Mais laissons-le s’installer d’abord.
Jean-Claude Djéréké
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